Chapitre 44

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Contenu sensible

Figé dans le temps comme la grotesque mise en scène d'une tragédie, le sang de Mufasa souilla le sol dans un éclat écarlate de chair déchirée.

Mais ce n'était pas assez.

Les griffes acérées, Asad appuya bestialement sur les orbites de son ennemi jusqu'à en extraire le fruit, laissant les deux boules joncher le champ de bataille dans une horreur agonisante, se délectant des supplices et des cris de sa victime.

_ A-t-elle supplié ? Demanda-t-il en poursuivant son œuvre macabre avec une détermination implacable ; Réponds-moi. Souffla-t-il en le tenant par sa gorge contractée sous la force des plaintes stridentes ; Vous a-t-elle supplié quand vous vous déchaîniez sur elle ?

Mufasa tentait de répondre, de supplier mais il s'en trouvait incapable, les cordes fermement maintenues par une main tremblotante.

_ Moulay... Commença une voix posée qui tentait de le ramener à la raison ; Ne vous laisser pas détruire ! Ne cédez pas aux impies.

Mais le cheikh restait sourd, les yeux voilés d'une ivresse horrifique.

_ Allons-nous en, pour Shama. Elle attend. Lança-t-il dans une ultime tentative, essayant de mettre fin à ce massacre charogneux.

Enfin, Asad réagit.

Tel un animal, ses oreilles se dressèrent visiblement à la recherche du bruit, incapable de déceler distinctement sa provenance.

_ Shama m'attend. Répéta-t-il tel un enfant pris en faute avant de reporter son attention sur le chef des rebelles ; Tu entends ? Shama m'attend.

Et toi tu me fais perdre le temps précieux où je pourrais graver chaque sensation, chaque dernier petit fragment de bonheur à ses côtés.

Ou du moins, c'était ce qu'une faible voix marmonnait en son esprit, se mêlant aux soubresauts de ses fantasmes sanguinaires pour mieux l'inviter à finir.

Il le fallait s'il voulait apaiser l'âme de sa lalla.

C'est ainsi que dans un grognement sourd, le dernier craquement se fit entendre, faisant gicler le sang de plus belle dans un silence paisible et harmonieux.

Ses hommes l'encerclaient de tous parts mais désormais, il n'avait de yeux que pour cette belle brune aux cheveux soigneusement ondulés qui dormait profondément.

Elle donnait l'impression de le regarder.

Allongée dans cette mer de sang, elle semblait le supplier de la porter.

_ Je vous ai fait attendre longtemps lalla ? Chuchota-t-il en s'agenouillant à ses côtés, l'âme divaguant en de délicieux mirages ; Je suis désolé, j'avais besoin de finir. Vous savez, je vous l'avais dit. Je vous avais prévenu que j'avais une mission à accomplir. Je vous avais dit de patienter, que je vous reviendrais. Je vous avais demandé de m'attendre, dans le palais, là où vous étiez en sécurité... là où je pouvais vous protéger. Je vous avais dit que je rentrerais avant l'aube, ou peut-être avais-je oublier de le mentionner ? Oui, j'avais probablement oublié de vous rassurer. J'avais oublié de vous promettre ce détail... M'auriez-vous attendu si je vous avais donné ma parole ? M'auriez-vous cru ? Oui, vous m'auriez fait confiance et serez encore au palais. Mais, j'ai été fou. Comme quoi vous aviez raison, je ne suis qu'un fou – J'ai été fou de vous rejeter. J'ai été fou de garder les choses pour moi. J'ai été fou d'attendre demain. J'ai été le fou et vous étiez la victime. La victime d'un sordide plan, mais avant tout, d'un simple timoré. Oui, je ne suis qu'un couard, et vous en avez payé le prix. Je vous ai mené à votre perte et j'en paye le prix. Ce jour-là à Corneille, perchée sur ce pommier, j'aurais dû baisser la tête et avancer. Si j'avais su que plus tard je me contenterais de vous fuir... de vous éviter, je n'aurais point accablé votre vie. Je me serais effacé dès le départ. Mais est-ce trop tard pour les regrets ? Non, je vous vois ; Vous me souriez encore ma lalla ! Cherchez-vous à me rassurer ? Cherchez-vous toujours à me protéger ? Etais-je aussi aimé que cela ? Valais-je autant à vos yeux ? Que j'ai été aveugle alors. Maintenant, les soupirs ne suffisent plus. Mes larmes pourraient piétiner ma fierté que ça ne vous fera rien. Je pourrais m'agenouiller que ça ne changera rien. Mais rassurez-moi au moins, êtes-vous fier de moi ? Je vous ai vengé ma lalla. J'ai arraché les yeux à ceux qui vous ont souillé de leurs regards, n'en êtes-vous pas fier ? Probablement pas. Je me leurre d'espoir mais ne m'en voulez pas. Je suis fatigué ! Mais ne vous inquiétez pas, pas assez pour ne pas pouvoir vous porter.

Était-ce de simples mots abstraits ?

Ses pieds qui vacillaient dans un ballet tragique répondait que oui, il était fatigué, incapable de la porter. Toutefois, ses yeux déterminés répliquaient le contraire.

Ainsi, dans un dernier devoir sacré, il la souleva avec tout le poids de son amour, éclairé par les faibles lueurs de soleil qui promettait de se lever sur un jour nouveau, idyllique pour certains, morne pour d'autres. Mais, dans les deux cas, nouveau.

ShamaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant