Chapitre 36

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_ Vous allez partir ? Demanda-t-elle alors que le cheikh s'était relevé, incapable de supporter cette dangereuse proximité plus longtemps.

S'il venait à humer son parfum encore une fois, Asad savait qu'il ne s'écouterait plus. Son corps ne lui répondrait plus.

_ Il se fait tard habibty. Vous feriez mieux de vous allonger.

Plongée dans la mélancolie de l'instant, Shama n'avait point remarqué le soleil se coucher, cédant la place à une lune pleine, maitresse de cette soirée fraiche où le temps ne semblait plus exister, où la raison semblait les abandonner pour mieux laisser place à un désir fervent qui menaçait d'exploser.

_ Vous ne voulez pas rester plus longtemps ?

_ Je meurs d'envie, mais ça serait trop risquée ma belle. Susurra-t-il en détachant sa main électrifiée qui brûlait de ce contact périlleux qu'il avait initié ; Essayez de dormir un peu, demain une longue journée nous attends.

_ Aussi longue que celle-ci ?

Asad répondit avec un léger sourire au ton moqueur de sa belle qui semblait amusée à le chercher.

_ Cette fois, je vous promets d'être productif.

_ Rappelez-vous moulay de ces mots, demain quand vous quémanderez de vous allonger et nous faire perdre du temps, je vous les rappellerai. Le menaça-t-elle en le pointant de son doigt fin et diaphane.

_ Ne vous inquiétez pas, je vous donne ma parole que demain vous aurez votre visite des lieux.

_ Et une balade.

_ Et une balade. Assura-t-il en la couvrant d'un geste affectueux, l'invitant à dormir ; Bonne nuit lalla. Murmura-t-il tout proche de son visage, le souffle court.

Il y'avait une tension palpable qu'elle pouvait sentir jusqu'au bas de son vente, réveillant une chaleur insolite à mesure que le souffle chaud du cheikh caressait ses pommettes rosées.

Puis, comme si cette proximité n'avait jamais existé, il l'abandonna d'un pas bourru en quittant la tente, lui permettant de reprendre une respiration régulière en cette obscure nuit.

Durant un court instant, elle avait cru qu'il allait l'embrasser, mais que c'était sotte de le penser. C'était un homme de valeur qui ne manquerait pas à ses principes pour simplement lui faire plaisir.

Il était plus responsable, et certainement, plus religieux que ça. Pensa-t-elle en tirant sur les couvertures, s'apprêtant à chercher le sommeil dans les profondeurs de son esprit embrouillé. Seulement, le cheikh n'était pas là pour la protéger des monstrueuses figures qui se dessinaient sur les dunes métamorphosées.

Fidèle à hier, le vent marmonnait toujours des cris indistincts tandis qu'elle tentait de se rassurer du mieux qu'elle pouvait, ignorant la peur qui s'éveillait en elle à se savoir seule dans cette tente. Elle ne savait point où était passé le cheikh, et si elle s'écoutait, elle serait sortie le chercher, mais la raison lui insufflait de lui laisser son espace, et elle s'y pliait.

Elle ne voulait pas passer pour un enfant devant cet homme fier et mûr, et pourtant, c'était ce que le soir faisait d'elle.

La nuit, avec ses petits démons et ses marmonnements, la transformaient en le petit être qu'elle fut autrefois, et dans cette peine, elle aspirait à l'aube avec l'espoir que le soleil chasserait ces étoiles scintillantes et que le matin se lèverait bientôt.

Elle aspirait à la promenade, aux promesses de demain et c'est sur cette pensée qu'elle se laissa aller aux bras de morphée, se berçant timidement dans sa crainte en s'insufflant que le cheikh n'était pas bien loin.

Et, il ne l'était pas.

Trempé de la tête aux pieds, Asad profitait de la fraîcheur de l'oasis pour faire tomber son désir impérieux.

Son corps avait sauvagement réagi à leur proximité, et le cheikh, dans sa tourmente, essayait de faire retomber son membre dressé en se maudissant de sa bévue.

Il n'aurait jamais dû céder à l'envie de la toucher. C'était bien trop dangereux dans leur situation, et désormais, il en payait le prix, seul.

L'eau froide venait rencontrer la chaleur de son être, apaisant un tant soit peu sa souffrance et chassant la fatigue qu'il aurait pu ressentir d'un furtif éclat.

La nuit promettait d'être longue pour lui, le plongeant dans une insomnie absurde, et Asad espérait que ça ne ternisse pas sa promesse.

Il ne voulait pas que ça influe la journée idyllique qu'il s'imaginait, qu'il planifiait pour demain.

Comme prévu, quand le jour se lèverait et que sa belle s'extirperait de son sommeil, il l'accueillerait avec une tasse fumante de thé avant de l'escorter jusqu'aux dunes.

A dos de chameau, ils feront leurs balades à deux, puis, quand la chaleur se sera apaisée, il l'emmènera se baigner dans la petite oasis pour mieux lui faire découvrir la beauté de cette vie sauvage à laquelle il se soumettait de temps à autre pour goûter à la fraicheur de la nature.

Et puis, le soir, quand la nuit sera tombée, il réparera son idiotie et la demandera en mariage.

Il ne pouvait plus patienter et se sentait prêt à affronter son public, avec elle.

Cette proposition soudaine était mûrement réfléchie et non une simple envie d'assouvir son désir.

Au milieu de cette parenthèse importante qui marquerait sa vie à jamais, il était pleinement conscient de la lourde charge et la signifiante responsabilité auxquelles elle devrait se soumettre.

Ce n'était pas une décision facile à prendre, ni un titre aisé à porter.

En acceptant de devenir sa femme, elle devrait s'accoutumer à sa nouvelle position de reine ; à un royaume et un devoir.

Il savait qu'à l'évocation de cette demande subite, sa belle prendrait peur, cependant, il avait déjà pensé à tout et était prêt à l'accompagner dans la décision qu'elle prendrait.

Si elle ne se sentait pas prête à s'accabler de ce titre, alors le cheikh contracterait un mariage secret, leur permettant à deux de profiter du plaisir avant d'accueillir les devoirs qui en découleraient, et, quand elle s'ajustera à sa situation, ils l'officialiseront.

C'était intelligent. Ou du moins, c'était la seule chose sensée qui lui venait à l'esprit en cette eau froide qui s'amusait à picoter sa peau, chassant sa fièvre, mais pour combien de temps.

Il ne pouvait pas éternellement s'adonner à cette torture, et ce plan était désormais sa seule issue ; l'unique espoir de trouver un répit à son tourment.

ShamaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant