Shama

Chapitre 14

_ Vous aviez dit me détester. Vous le pensez toujours ?

Shama se sentit mal à l'aise en se rappelant les mots qu'elle avait employé plus tôt mais dont il semblait se souvenir encore.

_ C'était sur le coup de la colère. Je m'excuse.

_ Si vous vous excusez une autre fois, Dieu seul saura ce que je pourrais vous faire. Lâcha-t-il de but en blanc en fixant dangereusement ses lèvres.

_ Je...

Shama s'interrompit dans son élan en se rappelant la promesse du cheikh. A la place, elle hoqueta en refermant sa bouche alors que l'homme à ses côtés semblait amusé.

_ Vous ne m'aviez pas répondu mademoiselle. Est-ce que vous me détestez ?

Est-ce qu'elle le détestait ? Shama n'était pas sûr. Elle ne le portait pas dans son cœur certes, mais de là à le détester n'était-ce pas beaucoup ?

_ Disons que vous m'énervez.

_ Oh ! Intéressant. Et puis-je savoir ce qui vous énerve ?

Shama semblait en proie au doute. Elle ne savait pas si elle pouvait lui parler ouvertement sans craindre les représailles.

_ N'ayez pas peur. Nous sommes seuls je vous rappelle. La rassura-t-il comme s'il avait lu en son esprit.

Elle prit une profonde inspiration comme pour se donner du courage pour ce qui allait suivre.

Le cheikh semblait intéressé de connaitre ses réflexions, et Shama ne savait pas quoi en penser.

_ Votre caractère est assez irritable dans son genre.

_ Irritable ? Comment ?

_ Je trouve que vous aimez mépriser les gens.

Asad se sentit insulté mais ne laissa rien paraître si ce n'est que ses traits se sont légèrement durcis.

_ J'en déduis que vous me trouvez hautain ?

_ En quelque sorte oui.

_ Est-ce seulement avec vous ? Demanda-t-il dans un siffle.

_ Pardon ?

_ Cette impression. Est-ce qu'elle vous est destiné seulement ou est-ce... ?

_ Je suis la seule. Je pense être la seule que vous méprisez. Le coupa-t-elle en ravivant sa colère un peu plus.

Asad se retint de la reprendre.

Elle venait de lui couper la parole dans un innocent souffle qu'il s'ordonna de s'y soumettre sans la blesser d'avantage.

_ Je suis navré d'apprendre cela. Dit-il en ajustant sa posture d'une grâce sans faille.

Asad chercha à se redresser d'avantage, comme pour occuper plus d'espace dans l'espoir de combler ce vide qui les séparait.

_ Figurez-vous mademoiselle que c'est tout le contraire. Ajouta-t-il en l'obligeant à le regarder.

Shama sentit une fièvre se propager dans tout son être, et elle espéra secrètement qu'il ne remarque pas que ses mots avaient un effet tout nouveau sur elle.

Un effet encore inconnu à ses chairs.

_ Le contraire ?

_ Oui mademoiselle. Tout le contraire.

Sa voix était rocailleuse et Shama ne réussit pas à détourner les yeux de son regard perçant qui traduisait une douceur étrange à son égard.

Toutes ces sensations qui fouettaient son corps lui étaient méconnues qu'elle n'arrivait pas à mettre un nom dessus.

Ce n'était plus de la peur.

C'était certes un homme grognon et terriblement effrayant, mais Shama devait bien avouer lui trouver un côté tendre.

Ce matin encore, elle lui a cruellement manqué de respect, et en retour, il l'a serré dans ses bras dans une chaleureuse étreinte.

Et voilà que maintenant il la rassurait sans le savoir.

_ Vous voulez dire que vous ne me méprisez pas votre altesse.

_ J'irais même jusqu'à dire que je vous admire habibty.

Shama voulait apprendre sa langue rien que pour comprendre ces petits mots qu'elle n'arrivait pas à déchiffrer mais qui semblaient empreint de sens.

_ Allons mademoiselle, il se fait tard. Vous feriez mieux d'aller vous coucher.

Le cheikh avait raison. Demain elle devait se rendre au souk en compagnie de Razia pour pouvoir le reprendre plus tard.

Mais ce n'était pas tout, d'un côté, elle voulait également profiter de cette sortie pour s'amuser, car Al-Khayyam ne semble pas aussi banale qu'elle pensait, et désormais, elle voulait bien découvrir ce pays qui semble lui cacher des choses.

Shama s'effaça de la pièce en se sentant plus légère.

Cette conversation lui permettait de mieux connaitre cet homme au pouvoir absolu qui ne lui vouait pas que de la haine, mais bien plus. Un tumulte de secrets qu'il ne semblait pas prêt de dévoiler encore, mais qui lui tardait de découvrir.