Chapitre 20

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_ Essayez de manger un peu.

Shama écouta Razia d'une oreille distante.

Elle n'avait pas faim.

Plus tôt, Ahmed l'a renvoyé dans sa chambre en prétextant une lamentable excuse.

Elle, parlait fort ?

Il faut bien croire que c'est ce qu'il lui reprocha en l'invitant à s'éloigner des quartiers du roi.

<< Il a besoin de se reposer, mademoiselle. >>

_ Argh ! Cria-t-elle en étouffant sa plainte dans l'oreiller.

_ Vous êtes sûre que ça va ? S'alarma Razia en fronçant légèrement des sourcils.

_ Oh oui, oui. Parfaitement sûre. Dit-elle en remettant de l'ordre dans ses cheveux ; Vous disiez ?

_ Qu'il fallait dîner, madame. Le roi ne sera pas content d'apprendre que vous avez sauté votre repas. Lui rappela-t-elle en rapprochant les plats de son lit.

_ Mais le roi ne risque pas de se réveiller maintenant. Souffla-t-elle malicieusement en espérant réussir à la faire parler.

Elle voulait savoir ce qui est advenu d'Asad.

Seules les brèves paroles de Zayd parvenaient à la raccrocher au faible espoir de bientôt le revoir.

Mais, au-delà de cette maigre consolation, Shama n'avait aucune idée de l'état actuel du cheikh.

_ Ne dîtes pas ça, madame. Le roi est un homme fort...

Shama roula des yeux en piquant dans son assiette sans se donner la peine d'écouter plus loin.

Chacun semblait répéter la même chose.

Ils évitaient tous de prononcer les mots qu'elle voulait entendre dans un détour habile.

Et le lendemain, rien ne changea.

Le roi ne se présenta pas au petit-déjeuner et encore moins au dîner, pourtant, une agitation palpable imprégnait l'atmosphère.

Tout le monde semblait l'ignorer, comme s'ils lui reprochaient quelque chose, faisant grimper son angoisse à chaque instant.

Elle n'arrivait plus à tenir en place.

L'inquiétude la rongeait de l'intérieur jusqu'à la faire vaciller sous le poids de l'incertitude.

Elle ne voulait pas qu'on la ménage.

Elle voulait la vérité nue, et Shama était prête à aller la chercher jusqu'à l'antre du diable.

Et c'est alors que, le soir, quand l'effervescence du palais s'apaisa, elle céda à ce désir impérieux de revoir le cheikh.

Elle ressentait le besoin urgent de lui exprimer ses regrets à mesure qu'elle gravissait les marches menant au deuxième étage.

Chaque pas était calculé.

Elle savait que si elle se faisait prendre, Shama devra subir les représailles. Toutefois, l'adrénaline qui se mouvait en elle dépassait toutes les considérations de prudence.

D'une adresse agile, elle progressa furtivement jusqu'à la porte sculptée en se dépêchant de l'ouvrir pour mieux se plonger dans une pièce dominée par une aura mystique.

Tout était sombre, volontairement sombre.

Les lourds rideaux de velours laissaient passer de faibles lueurs de lune dans une ambiance feutrée.

Les meubles, témoignant du prestige de la cour, exhibaient de précieux objets qu'elle n'osait pas approcher, tandis que le ballet de lumières éclairait un majestueux lit, drapé d'étoffes brodés d'or.

Son baldaquin s'élevait gracieusement jusqu'au plafond, venant rencontrer des gravures complexes qui révélaient une maîtrise artisanale incontestée. Une expertise exceptionnelle.

Les draperies, d'une finesse sans égale, tombaient en cascades opulentes laissant entrevoir une silhouette gracieuse.

Le roi était allongé au milieu de de cette magnificence, et Shama ne put s'empêcher de sentir un feu jaillir en elle.

Elle avançait prudemment, glissant presque sur le marbre froid qui caressait la plante de ses pieds.

Ses pas étaient hésitants, semés de doute.

Elle semblait craindre ce qu'elle pourrait découvrir, et pourtant, l'envie de revoir ce visage austère fut plus forte.

D'une main tremblotante, elle écarta les tentures, dévoilant un homme profondément endormi.

Sa respiration était hachée, et par moment, son souffle se brisait en de légers gémissements.

Son front pâle luisait de sueur, accentuant une impression d'inconfort tandis que son cou laissait entrevoir des veines saillantes.

Même dans son sommeil, le cheikh semblait marqué par une souffrance insoutenable qu'elle voulait effacer.

Seulement, il y'avait pire.

Un large pansement enserrait son ventre.

D'un blanc immaculé, le tissu contrastait violemment avec son teint fauve, laissant deviner l'étendu de sa blessure.

L'image était poignante.

Elle n'avait jamais été témoin d'une telle détresse qu'un malaise fit grimacer son estomac.

Son regard, en quête de réconfort, balaya la pièce discrètement avant de se poser sur une petite bassine.

Dans un élan de compassion, elle chercha à soulager, ne serait-ce qu'un instant, sa douleur.

Elle trempa alors la serviette dans l'eau d'une main tremblotante avant de la passer délicatement sur les perles de sueurs qui couvraient ses tempes.

Mais l'envie était insatiable.

Elle voulait alléger son agonie encore plus, toujours plus. Et, avant de s'en rendre compte, ses mains rencontrèrent une fine toison dangereusement proche de l'antre intime du roi.

Le drap qui couvrait son corps cachait à peine un membre fièrement dressé, et Shama, dans un accès de démence, ne détourna pas le regard.

C'était irrationnel, mais la tentation était plus forte.

Même dans sa misère, l'homme allongé devant elle respirait la virilité, lui faisant perdre ses moyens.

Elle voulait regarder ailleurs, laisser au roi son intimité, mais il y'avait une frénésie dans l'air qui lui faisait perdre la raison.

Le désir la consumait, la poussant à divaguer innocemment sur ce corps parfait sans se douter un instant que ses prunelles étaient observées en retour.

Dans l'ombre de cette nuit chargée de mystères, Asad Al-Muqtadir la regardait en peinant à dompter le chaos qui se ruait en lui.

ShamaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant