Chapitre 22

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_ Ne serait-ce pas mieux de lui laisser une chance ? Proposa Zayd en prenant la défense de Shama.

Il l'aimait bien.

Elle donnait l'impression d'être une âme pure.

S'il se referrait à son intuition, il était presque certain que son frère se trompait à son sujet. 

_ Ne crois-tu pas que je l'ai fait ? S'emporta Asad en comprimant sa blessure dans un grognement sourd.

_ Et ensuite ? Que s'est-il passé ?

Ses yeux étincelaient d'une soif ardente.

Il cherchait à comprendre le fil qui a mené à cette impasse.

Hier encore, même allongé au lit, son frère avait encensé les qualités de sa dulcinée.

Dans son agonie, il se plaignait de ne pas pouvoir la voir.

Et aujourd'hui, tout semblait différent, austère.

_ Ensuite... Ensuite elle s'est enfuie.

Asad portait les traces d'une tension palpable, et tout le monde dans cette chambre confinée pouvait lire en lui comme dans un livre ouvert. Il ne cachait point sa tristesse. La déception qui lui nouait la gorge. Et Ahmed, son vieil ami, ne faisait pas exception.

_ Je suggère qu'on la renvoie chez elle. Conseilla-t-il après avoir méticuleusement suivi le fulgurant échange des deux frères.

_ Et le projet ? Eluda Zayd sournoisement.

_ On trouvera quelqu'un d'autre. Al-Khayyam ne manque pas de peintres.

Le conseiller faisait attention à ses mots.

Il savait que Shama était encore un sujet sensible, et que s'il voulait se débarrasser d'elle, il fallait être prudent.

_ Et notre parole ? Nous lui avons promis un million je te rappelle.

_ Nous ne manquerons pas à notre parole. Assura Ahmed dans l'espoir de se désencombrer de la jeune femme ; La situation est simplement différente.

_ Différente en quoi ? Demanda Zayd loin d'avoir lâché l'affaire.

Il n'était pas prêt d'abandonner ce débat.

Le visage innocent de la jeune femme le poussait à vouloir gagner cette dispute.

Telle une brebis égarée, elle s'est retrouvée au sein de ce chaos, et Zayd se jura de l'en protéger.

_ Différente dans le sens où elle n'a pas respecté les termes de son contrat. Lâcha le conseiller, fier d'avoir trouvé une faille ; Je vous rappelle Moulay Zayd que le contrat stimulait que l'employé devait ne pas franchir les limites de la sphère privée de son patron. Chose qu'elle a...

... transgressé. Pensa-t-il dans un souffle excédé.

Toutefois, le cadet était loin d'avoir dit son dernier mot.

Ses traits reflétaient une détermination résolue alors qu'il puisait dans le calme pour préparer une ultime réplique.

Il ne pouvait pas agir avec précipitation.

Son frère était bien trop irrité pour supporter une quelconque erreur de sa part.

Désormais, la moindre lettre avait son importance.

Chaque mot avait le pouvoir de sceller le destin de la jeune femme à jamais.

_ ... bravé par pure dévotion. Termina-t-il dans un souffle en attirant enfin l'attention de son frère.

_ Pardon ?

_ Tu as très bien entendu Ahmed. La jeune femme a bravé l'interdit, sacrifiant sa propre tranquillité, par pure dévotion.

Zayd regarda le sourire du conseiller s'évanouir, dans un rictus.

_ Mais... Rien ne nous dit qu'elle n'a pas fait cela parce qu'elle culpabilisait simplement.

_ Et c'est parfait. Répliqua-t-il sans perdre la face ; Si elle culpabilisait, c'est parfait. Ça prouve qu'elle a un cœur.

_ Et pour son impudence ? Que dites-vous de son impudence ?

_ Je ne dis rien. Mais, vois-tu, je pense que c'est une réaction tout à fait naturelle.

_ Vous pensez que c'est naturel pour une femme de déshabiller un homme du regard ?

_ Je pense que c'est naturel pour une femme de déshabiller un homme qu'elle désire du regard. Le corrigea-t-il espièglement en s'humectant les lèvres ; Ceci ne prouve qu'encore plus son innocence.

_ Innocence ? Vous m'apprenez des choses Moulay. Se moqua-t-il alors que le cheikh venait de quitter le lit dans un gémissement empreint de peine.

Il tenta d'avancer, seul.

Il était tiraillé entre la raison que lui insufflait son devoir, et la passion prudemment ravivée par les paroles de son frère.

_ Parle ! De quelle innocence fais-tu allusion ? Souffla-t-il sous l'urgence du moment.

Il peinait à garder son calme.

Sa soif de comprendre était insatiable, cherchant désespérément à trouver quelque chose pour la blanchir. N'importe quelle chose ! Même la plus irrationnelle des excuses suffirait pour l'épargner.

Cependant, Zayd ne détenait pas une simple excuse arbitraire. Il détenait la vérité.

En sa sagesse, il avait discerné l'innocence de la jeune femme et avait su interpréter ses actes maladroits.

Ce n'était pas de la frivolité.

Shama n'était pas une femme vicieuse. Bien au contraire, c'était une femme novice.

Sa difficulté à détourner le regard trahissait son inexpérience avec les hommes, l'épargnant ainsi de toute culpabilité, et Zayd était bien décidé à révéler ses déductions à tous.

_ Voyons Moulay Asad. Evidemment que je parle de l'envie d'apprendre un peu plus sur l'intimité d'un homme. Railla-t-il en peinant à maitriser le sourire triomphant qui ornait ses lèvres ; N'est-ce pas là un signe évident de son innocence, mon frère ? N'est-ce pas là la preuve de son inculte ?

ShamaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant