Chapitre 13

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Shama était assise dans cette salle aux motifs orientaux depuis plusieurs heures déjà.

Après sa petite crise, le cheikh l'avait laissé aux bras de Sabina, la chef du projet qui n'a pas hésité à lui expliquer à quoi se résumait son travail.

Le cheikh cherchait à préserver l'héritage culturel de sa patrie, et Shama avait bien compris que chaque éclat de couleur serait un hommage à la richesse d'Al-Khayyam.

Chaque coup de pinceau serait un appel à l'essence du pays, et elle voulait montrer au roi qu'il ne s'était pas trompé à son sujet. Qu'elle était à la hauteur de cette responsabilité.

D'un côté elle voulait le remercier de sa délicatesse plus tôt.

Elle était consciente d'avoir cédé à ses pulsions.

Pour la première fois de sa vie, Shama a détesté être relégué à un enfant et a réagi sans penser aux conséquences, et pourtant, le cheikh n'a rien fait pour la punir. Au contraire, il s'est excusé dans un doux murmure qui sonnait comme un chant dans ses oreilles.

_ C'est très beau. Son altesse avait raison de croire en vous. Lâcha Sabina qui venait de la rejoindre en admirant les chevaux aux galops qui centraient la toile.

Shama lui sourit pour toute réponse en tentant de cacher son petit air irrité.

Sans réussir à se l'expliquer, la jeune femme ne se sentait pas à son aise aux côtés de la belle demoiselle.

En effet, Sabina était une très jolie femme à la démarche élancée.

Ses cheveux bruns étaient soyeux à l'image de son teint, et ses yeux, telles des pierres précieuses, étaient d'un gris rare.

Les cils qui ombrageaient son regard étaient délicatement courbés, et sa bouche pulpeuse était d'un rouge intense, rajoutant un éclat vibrant à ce portrait sensuel.

Shama se trouvait banale à ses côtés et une pointe lui empoigna le cœur.

Ce n'était pas dans ses habitudes de se sentir jalouse, et voilà qu'elle le devenait sans comprendre pourquoi.

_ Demain je continuerais le travail. Déclara-t-elle en faisant craquer ses doigts fins.

Le soleil était sur le point de se coucher quand Shama quitta la pièce enfin. Elle était à la fois fatiguée et pleine de fougue.

Une contradiction délicieuse, un mélange exquis de calme et de tumulte qui comblait son être.

Elle inspira l'air chaud en admirant les reflets jaunâtres qui se reposaient sur le majestueux jardin aux couleurs vives.

Elle voulait se balader un peu mais le temps pressait.

Le cheikh exigeait l'avoir pour dîner et elle devait encore se rendre dans sa chambre.

Pour une fois, Shama n'avait pas peur de retrouver le roi. Au contraire, elle avait hâte de lui partager les vagues d'idées qui consumaient son esprit.

Elle avait pensé à dessiner un souk, un lieu à la fois traditionnel et populaire qu'elle connaissait de nom et quand ils se retrouvèrent à table, Shama se pressa à lui communiquer son idée.

_ Vous voulez visiter le souk ? demanda-t-il en coupant dans son steak.

_ Oui. J'aimerais le peindre mais je n'ai aucune idée à quoi ça ressemble.

Asad croisa les bras, pensif.

Il avait beaucoup de travail et ne pensait pas pouvoir accompagner la jeune femme.

Il aurait aimé mettre ses dossiers de côté le temps d'un après-midi, mais savait que ça ne serait pas possible. Il les avait assez retardés comme ça.

_ Je demanderai à Razia pour vous.

Shama le remercia puis entama son assiette à son tour.

Le dîner était délicieux, et le dessert encore plus.

Il y'avait une ambiance chaleureuse ravivée par les lumières tamisées.

_ Pour ce matin, je voulais m'excuser une nouvelle fois. Je ne sais pas ce qui m'a pris. Dit-elle quand ils eurent fini de manger.

Asad s'essuya la bouche d'un geste lent en prenant le temps d'étudier la jeune femme qui semblait en proie à des rougeurs.

Il voulait retarder le moment où elle devra rejoindre sa chambre et le laisser seul.

Il aimait entendre sa voix et adorait humer son odeur.

Shama n'avait aucune idée de l'effet dévastateur qu'elle avait sur lui, et pourtant elle s'en jouait innocemment.

_ J'ai détesté vous voir pleurer. Commença-t-il en l'obligeant à relever les yeux.

Shama ne savait pas quoi répondre.

Le cheikh avait le don pour la laisser perplexe, à croire qu'il aimait la voir perdue en ses mots.

_ Pourquoi ?

_ Vous ne comprenez pas pourquoi ?

Non, elle ne comprenait pas pourquoi le roi s'entêtait à agir bizarrement avec elle.

Une fois il était aussi cruel qu'un ogre, et l'instant d'après aussi prévenant qu'un père.

_ Non. Vous me désorientez votre altesse.

Asad lui offrit un rire sincère en rejetant sa tête en arrière.

_ Et vous alors ? Et vous habibty ?

ShamaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant