Chapitre 33

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_ Vous pensez qu'il vous déteste parce qu'il ne répond point à vos prières ?

C'était des âneries, mais oui.

Dieu ne répondait jamais à ses prières les plus sensibles.

Elle avait longtemps désiré qu'il lui rende ses parents plus jeunes, et pourtant, il l'avait abandonné dans les déprimes de la douleur.

Puis, après l'accident qui avait emporté ses piliers, il l'avait privé durant des années du plaisir de marcher correctement, la soumettant aux moqueries des gens qui la regardaient comme une bête de foire.

Encore, même âgée, Dieu s'entêtait parfois à ne pas lui répondre.

Hier, elle désirait que le cheikh cède au plaisir dans ses bras, et pourtant, malgré leur proximité, il restait campé sur sa décision de respecter la religion.

Au nom de la religion, elle ne profitait point de son homme.

_ Je pensais qu'il me détestait. Mentit-elle en ne désirant point s'étaler sur le sujet ; Désormais, je pense simplement que Dieu ne cèdera pas toujours à mes souhaits.

_ Certainement pas ma belle. Ça serait trop beau si le monde fonctionnait ainsi, et puis, ne sois pas aussi mélancolique, ne suis-je pas l'une de tes prières ?

_ Je n'ai jamais prié pour un roi.

_ Alors tu as été sotte de ne pas le faire. Se moqua-t-il gentiment en achevant sa tresse avec habilité.

_ Dites votre altesse. Vous tressez bien les cheveux. Murmura-t-elle en se regardant dans le miroir, ravie du résultat, changeant brutalement de sujet.

_ Disons que je m'en sors bien avec mes mains.

Puis, comme si cette parenthèse n'avait jamais existé, la vie suivit son cours.

Dieu n'avait pas exaucé son vœu le plus cher, mais il avait pris la peine de la consoler de son être le plus louable.

Dans une atmosphère empreinte de nostalgie, le silence avait régné en maitre.

Aucun d'eux n'osait reparler du sujet comme s'il n'y avait guère de mots pour s'exprimer, et c'était plaisant.

Ce n'était ni pesant ni opprimant, c'était simplement parfait pour leur permettre de reprendre leur souffle et humer ce délicieux parfum qui envahissait l'air.

Une odeur exquise de poulet mariné qu'elle se délectait de goûter.

_ Vous êtes vraiment parfait en manuel. S'exclama-t-elle en quittant la tente pour mieux prendre place sur le tabouret en bois, près de la marmite.

_ Je vous l'ai dit. Susurra-t-il en se pressant de les servir ; Tenez. Dit-il en lui passant un bout de pain alors que son ventre, victime de cet allèchement, s'était mis à gargouiller ; Ai-je besoin de vous montrer comment on mange ou vos origines s'en occuperont pour vous ?

_ Je crois pouvoir m'en sortir.

Délicatement, la jeune femme goûta au premier bout de pain en manquant de gémir tellement c'était délicieux.

Asad avait le don exquis de s'en sortir en cuisine avec un maigre matériel.

_ C'est délicieux. Gémit-elle en s'empressant de reprendre un autre bout de pain, tandis qu'Asad, amusé, s'occupait de lui découper le poulet encore fumant.

_ Prenez ça. Ça vous évitera de brûler vos doigts.

D'un geste timide, elle le remercia de son attention en profitant pleinement de ce moment intime qu'ils partageaient.

Elle mangeait avec engouement, impatiente de remplir son ventre.

Si Ahmed l'avait vu, il aurait ajouté une énième raison pour la refuser, prétextant son manque de distinction.

Toutefois, Asad était aveugle à cette indécence.

Pour lui, elle était la femme la plus raffinée qu'il avait eu la chance de voir.

Elle dévorait son repas avec un appétit vorace, et pourtant, il n'y voyait que du feu.

_ C'est vraiment bon moulay.

_ Tant mieux habibty. Je suis rassuré que ça vous plaise autant.

_ Vous ne mangez pas vous ? Elle demanda en le voyant la contempler, l'assiette remplie à ras de bord.

_ Je n'ai pas très faim. Mentit-il alors que la douleur l'empêchait de déguster son plat.

Pour l'instant, il attendait impatiemment que la jeune femme finisse de manger pour aller s'allonger.

Il avait besoin de repos.

Chaque instant passé autour de cette table amplifiait sa souffrance. Pourtant, malgré l'envie de se retirer pour trouver un semblant de soulagement, il restait là, stoïque.

Razia l'avait prévenue que la jeune femme avait pris l'habitude de sauter les repas depuis son arrivée au palais, et le cheikh était décidé à s'assurer de ses propres yeux que sa belle allait prendre la peine de finir son assiette.

C'était une attente fébrile mais requise.

Ainsi, il se devait de rester fort, de supporter.

Bientôt il pourra jouir du repos que son corps réclamait en espérant que Shama ne le prenne pas mal, car lui, se sentait coupable de lui faire subir son manque de vie.

Elle l'avait sûrement suivi pour se délecter de la nature, profiter de instants à deux, et pourtant, il ne faisait que s'allonger, victime de son corps mal en point.

ShamaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant