Chapitre 27

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_ Ainsi, vous m'aimez ?

Asad se retourna de cette vue exquise sur ses jardins pour foudroyer l'intrus du regard.

La jeune femme venait de débarquer dans la salle sans y être invitée et son conseiller ne manqua pas de la corriger.

Seulement, le cheikh lui importait peu.

Sa belle semblait détenir la vérité et il lui tardait d'avoir cette conversation.

D'un geste bourru, il invita ses hommes à s'effacer en mettant fin à cette réunion urgente qui avait manqué de lui voler un temps crucial.

_ Mais votre altesse... S'interposa Ahmed dans l'espoir de cesser cette mascarade.

Il savait que maintenant qu'elle connaissait les vrais sentiments que lui vouait sa majesté, il n'y avait plus rien pour se mettre en travers.

Si elle venait à partager son amour, tout son plan serait un fiasco.

Dans l'antichambre du destin, celui qui avait escorté Sabina jusqu'au cheikh devrait se résoudre à dire aurevoir à son espoir de la voir reine.

Le cheikh ne tiendra pas longtemps devant le regard de biche de sa belle.

A l'instant même où elle cèdera à ses sentiments, le cheikh fera d'elle son épouse.

Une épouse sans pudeur et sans dignité.

Une reine sans grâce qui plongerait le royaume dans une position précaire.

Les relations potentielles qu'Al-Khayyam aurait pu forger en couronnant Sabina apaiseraient leurs soucis.

Fille d'un Qaid voisin, le royaume aurait gagné une alliance qui mettrait fin aux rebelles.

Leurs ennemis n'oseront plus les affronter, et le cheikh pourrait gouverner en maître sans rien pour menacer son trône.

Mais, en proie à un coup de foudre insensé, Asad ne percevait pas cette sagesse.

Il ne réfléchissait pas aux implications de son mariage avec une roturière.

Toutefois, Ahmed savait.

Il savait les conséquences de cette imprudence sur la pérennité de son règne.

Avec les décennies d'expériences à son actif, il était doué pour percevoir quand ça n'allait pas.

Et, en ces instants, son discernement et sa sagesse lui dictaient que rien de bon ne découlerait de leur union.

_ Sortez ! Hurla le cheikh sans lui laisser le choix que de se plier aux ordres et faire taire son intuition qui lui hurlait d'agir.

Shama attendit que la salle soit vide pour se concentrer sur Asad.

Les paroles de Razia s'amusaient à tournoyer en son esprit lui conférant le courage de continuer.

_ Répondez. M'aimez-vous monsieur ?

Shama témoignait une assurance sans faille, et pourtant, son intérieur, lui, était en proie à un abîme de sensations.

Il y'avait une pointe de crainte et un brin de doute.

La crainte que tout ne soit éphémère.

Le doute que son esprit fantasque ait embelli la réalité.

_ Je suis sûre que vous avez votre réponse. Souffla le cheikh enfin, balayant toute appréhension sur son passage ; Vous ne seriez pas là si vous ne saviez pas.

Oui. Elle savait.

Mais, il y'avait cette angoisse qui la poussait à vouloir l'entendre de sa bouche.

_ Razia m'a expliqué. Avoua-t-elle dans l'espoir qu'il comprenne d'où elle détenait ses propos ; Mais, Razia n'est pas vous.

_ Vous voulez me l'entendre dire alors ?

C'était plus qu'elle n'espérait.

Apprendre que durant tout ce temps le cheikh l'appelait mon amour, chassait tout ce qui avait pu troubler le décor une fois.

Ainsi, il ne la méprisait pas.

Elle a été bien trop aveuglée par la haine pour le voir.

Et pourtant, les signes ne trompaient pas.

Il s'est pris une balle pour elle et dans son agonie se souciait encore pour son confort.

Il l'a épargné alors qu'elle a violé son intimité dans la plus horrifique des manières.

Puis, la tristesse.

Il y'avait cette tristesse qui avait voilé son regard le temps d'une seconde alors qu'il apprenait son mensonge bêtement dévoilé.

_ Si c'est votre souhait, alors je m'y soumettrais lalla. Je vous le répéterais autant de fois que vous aurez besoin de l'entendre. Aujourd'hui, demain...

Shama écoutait ses mots en peinant à maitriser ces sensations qu'elle pensait ne jamais connaître.

Comment a-t-elle pu croire que cet homme la méprenait pour un enfant ?

Comment a-t-elle pu le détester ?

Elle baignait dans une béatitude absolue qu'elle aurait pu croire que rien ne pouvait l'opposer.

Rien ni personne.

Seulement, quelque chose chose semblait retenir le roi.

Ses yeux étaient sombres comme s'il était en proie à une peine immense, et ses lèvres déformées en un rictus confirmaient ses craintes.

Il renvoyait l'image d'un homme en peine.

Et il l'était.

Il aimait profondément sa dulcinée, mais ses aveux n'arrivaient pas à sortir de sa tête.

Il n'arrivait pas à chasser l'idée qu'elle puisse être promise à un autre homme que lui.

Un certain Charles.

Avant de baigner dans le bonheur aux côtés de sa belle, le cheikh devait d'abord exiger des explications.

Il devait d'abord comprendre comment pouvait-elle être proche d'un homme engagé.

Il devait d'abord savoir ce qu'elle avait omis de lui avouer.

_ Toutefois... Toutefois je ne le penserais pas. Acheva-t-il au bout d'interminables secondes d'un ton affligé en venant troubler cette félicité parfaite et sans bornes.

ShamaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant