Chapitre 35

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_ Et à propos de Sabina ? Y'a-t-il une réalité que je dois découvrir ? Demanda-t-elle avant de ne plus pouvoir le faire, désireuse de comprendre leur relation.

_ Sabina est la fille d'un ancien ami d'Ahmed. Expliqua-t-il sans se départir de son sourire.

_ Et pour vous ? Qu'est-ce qu'elle représente pour vous ?

_ Un employé. Pourquoi ? Vous êtes jalouse ? La taquina-t-il en lui lançant un regard empli de sens.

_ Pas le moins du monde. Je voulais simplement savoir. Mentit-elle pour ne pas avoir à dévoiler une façade toxique qu'elle ne pouvait pas s'empêcher de ressentir en son fort.

Elle se rappelait encore de toutes ces fois où elle les avait surpris ensemble et avait goûté à l'amertume de la jalousie empoigner son être.

Quand le cheikh l'avait délaissé, elle avait ressenti un sentiment âpre qu'elle n'arrivait point à mettre le nom dessus. Puis, quand elle l'avait vu avec Sabina, dans l'atelier, ses courbes débordantes autour de lui, elle avait compris qu'Asad n'était pas un simple homme anodin et sans importance pour elle. Toutefois, elle avait négligé tous ces petits signes pour mieux se protéger.

_ Si vous le dites. Se contenta-t-il de répondre en ne forçant point.

Il ne voulait pas la brusquer.

Ce moment intime qu'ils partageaient était un brin délicat. Là, au milieu de cette tente, révélant tous leurs secrets et leurs craintes. C'était en effet délicat.

La jeune femme tentait de le comprendre dans une mélancolie à peine dissimulée, mais le cheikh n'avait rien de notable à lui confier.

_ Et votre frère ? Quelle est votre relation avec Zayd ?

_ Moulay Zayd. La corrigea-t-il une énième fois en peinant à maîtriser son souffle agacé ; Pourquoi vous vous entêtez à l'appeler par son prénom quand vous n'essayez même pas pour ma personne ? S'emporta-t-il dans un ton posé et calme qui contrastait avec la vague de jalousie qui venait d'empoigner son être à son tour.

_ Parce qu'il me l'a permis. Se contenta-t-elle de répondre en haussant des épaules, ne voyant là aucun mal.

_ Moulay Zayd vous a permis de l'appeler pas son prénom ? Répéta-t-il ahuri en ne comprenant guère à quoi jouait son frère ; Il ne manque pas de toupet celui-là.

_ Il est gentil. Commença-t-elle ; vous savez, quand vous étiez déterminé à me punir en m'évitant comme la peste, lui, il a été un bon compagnon.

_ Parce qu'il cherchait sûrement à me faire réagir. Comprit-il sans mal.

_ Peut-être, mais l'important c'est qu'il avait été présent et avait fait son possible pour me soutenir.

_ Alors je devrais le remercier pour cette attention.

Shama s'empressa d'acquiescer en agitant de la tête alors que les doux souvenirs de ces moments passés avec Zayd remontaient dans sa mémoire.

_ Il avait été sincèrement avenant et avait démontré une facette bienveillante, ce qui me porte à croire qu'il est agréable à vivre avec.

_ Vous avez raison. Mon frère est un homme agréable et je suis sûr qu'il fera le parfait beau-frère pour vous. Susurra-t-il en venant marquer son territoire du mieux qu'il pouvait ; Comme je vous avais dit, ma vie est ordinaire. J'ai une famille aimante et mon frère ne fait pas exception. Il est certes irritable par moments, mais quand j'en ai besoin, il ne m'abandonne jamais.

Ces paroles n'étaient pas en l'air, elles reflétaient la pure vérité... la dévotion d'un frère.

Asad était convaincu que, s'il le fallait, son frère n'hésiterait pas une seconde à prendre les armes, à se battre pour lui.

_ Je suis contente pour vous. Elle marmonna en le pensant fortement malgré le vide qu'elle ressentait.

Elle aurait aimé connaitre ce genre d'amour elle aussi, mais le destin en avait décidé autrement.

Comme s'il avait décelé le murmure silencieux de son cœur, le cheikh posa une main prévenante sur le bras de sa dulcinée pour la réconforter dans sa solitude.

_ Tout comme il ne vous abandonnera jamais. Vous ferez bientôt parti de sa famille à votre tour lalla. La rassura-t-il en lui offrant un chaleureux sourire.

L'air, imprégné d'une doucereuse tristesse, vint chatouiller ses chairs en de délicieux frissons alors qu'elle accueillait cette étreinte tendre avec gratitude.

Il y'avait une douce chaleur à l'ombre de son âme fragile ; Un refuge.

Ce contact fugace entre leurs deux chairs était suffisant pour la combler et alléger ses tourments.

_ Merci. Souffla-t-elle en posant à son tour sa main sur la sienne, cédant à ce besoin urgent de montrer sa gratitude pour cet homme implacable qui la réconfortait dans un échange muet.

Seulement, la proximité de leurs deux présences n'était pas innocente. C'était un désir irrépressible de se toucher, de se sentir en contact l'un avec l'autre. 

Leurs âmes, aimantées l'une vers l'autre, recherchaient ce lien physique qui dépassait tous les mots en les soumettant à une torture bien plus douloureuse que l'amer souvenir de sa solitude, et à mesure que ce contact s'éternisait, le désir profond de se fondre ensemble se faisait plus pressant ; le besoin de fusionner leurs êtres s'intensifiait, se transformant presque en une urgente nécessité.

Le cheikh, épris de sa dulcinée, ne savait plus combien de temps il tiendrait encore. A mesure des secondes, la souffrance se faisait plus poignante et douloureuse, obscurcissant ses pensées et dans cet abîme, il regrettait sa décision de retarder leur union.

Dans une tourmente intérieure, le défi se faisait plus important et accablant, comme si Dieu cherchait à évaluer ses limites, et Asad comprit, désemparé, que la nuit promettait d'être un long supplice, une épreuve.

ShamaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant