37-Rosalie: étrange collaboration

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Après qu'Alex, Clara et Bruno aient quitté la pièce; je soupire, agacée. 

«Encore un super moyen de nous faire repérer!», me dis-je. 

Je déteste me jeter des fleurs, mais des fois j'ai l'impression d'être la personne la plus mature de ce groupe. Alex ne pense qu'à faire ce qui lui passe par la tête (généralement des conneries), Clara, elle ne pense qu'à suivre Alex, dans ses imbécilités; quant à Bruno, je ne le connais pas encore suffisamment pour savoir quoi en penser, bien que dans le contexte actuel, il se soit bêtement fait remarquer (Il aurait, au moins, pu faire profil bas; lorsque le chef l'a identifié. Non, au lieu de ça, il a préféré lui répondre, de manière insolente, pour bien aggraver son cas). 

J'ai l'impression que mes amis (aussi indispensables à ma vie, soient-ils), ne se rendent pas bien compte du danger que nous courons. Ça m'insupporte, qu'ils prennent notre situation, avec une telle légèreté. Je suis coupée dans mes pensées, en entendant les explications du Commandant-en-Chef; qui remonte sur l'estrade.

-Bien, revenons-en au sujet qui nous a réunis! Comme vous le savez; il y a quelques jours, un Flamine des Divinités est venu nous rendre visites, m'informant, au passage, que nos trois êtres suprêmes (il prononce les deux derniers mots avec une ironie non dissimulée) ont de bonnes raisons de soupçonner qu'une tentative d'évasion massive, de la part des Réprouvés, se prépare, en ce moment même, au sein de notre prison.

Il claque du doigt, à l'un de ses deux gardes rapprochés et celui-ci lui remet une enveloppe. Tout en agitant l'enveloppe, comme un éventail, devant lui; le chef poursuit ses explications:

-J'ajouterai à ça que, moi aussi, j'ai de bonne raison de le croire!

Je me fige, en entendant cette phrase.

-En effet; il y a quelques jours, des documents confidentiels, provenant de mon bureau, m'ont été dérobés.

En entendant ces mots; mon cœur s'emballe. Ce pourrait-il qu'il s'agisse du morceaux de papier et de l'agenda, qui se trouvent en ma possession?! Derrière mon casque; mon souffle se saccade, tant mon émotion est vive.

-Ils ne doivent pas tomber entre de mauvaises mains! -Poursuit le chef.- C'est pour cela que j'invite tous ceux ayant des informations sur cette histoire d'évasion, pouvant être utiles, à venir rapidement me les transmettre. Il est capital de mettre hors d'état de nuire ces renégats. Je n'ai rien de plus à ajouter.

Les Déshonorés commencent à quitter la pièce, chacun leur tour. Je reste tétanisée, ne sachant que faire. Dois-je donner les preuves que j'ai?! Après tout; le Commandant-en-Chef saura mieux que moi, quoi en faire. 

De surcroît, il semble être la personne la plus appropriée, pour empêcher cette évasion massive. Au fond de moi; je devine déjà les réactions d'Alex et de Clara; ils ne seraient pas du tout d'accord avec cette initiative. Pourtant; je ne vois pas ce qui pourrait arriver de mal, en partageant mes soupçons avec le chef de cette prison. 

Je pense même qu'il pourrait s'avérer être d'une grande aide, pour que nous réussissions l'épreuve des Divinités. 

Me reprenant; j'inspire un grand coup et m'avance vers mon supérieur hiérarchique.

-Euh, chef?! -Dis-je, en l'interpellant, un peu grossièrement, au milieu d'une conversation.-

Mettant un terme à sa discussion; il se tourne vers moi, en me demandant:

-Qu'y a t-il; matricule 64210?

N'étant pas encore habituée à me faire appeler par un numéro; je reste abasourdie une demi-seconde, puis reprends contenance.

-Voilà; l'autre jour, j'ai trouvé quelque chose, qui, je pense, pourrait vous intéresser...

-Ah, oui; vraiment?! Montre-moi ça, alors!

Je ne sais pas si c'est à force de fréquenter Alex; mais le Commandant-en-Chef me paraît soudain suspect. 

Son regard perturbant, son empressement spontané, son intonation un peu trop avide; comme si ça ne le surprenait pas et qu'il savait que j'allais venir lui parler. Il y a quelque chose qui me dérange, sans savoir dire quoi. 

Je réfléchis rapidement, puis me dit que je fabule. C'est normal qu'il cherche à savoir de quoi je souhaite lui parler. Malgré tout; juste par prudence; je décide de lui remettre uniquement, la lettre (je garde le carnet. L'ayant partiellement regardé, il y a un détail que je trouve anormal. La date du 24 janvier est entourée en rouge. C'est peut-être anodin, raison pour laquelle je n'en ai pas parlé à mes amis, d'autant plus que je n'aurai certainement jamais la réponse à cette interrogation; cependant, cette énigme me pousse à garder l'agenda). 

Il se saisit du document, que je lui tends et le parcourt des yeux. Après l'avoir approximativement regardé; il me fixe, en me demandant:

-Tu en a parlé à quelqu'un?

Là encore, je trouve cette question suspecte; ce qui me pousse à mentir, en regardant mon interlocuteur, droit dans les yeux:

-Non, monsieur.

-Je suppose que tu as lu, ce qui y était écrit?

J'acquiesce timidement.

-Bien. -Dit-il, en rangeant le document, dans sa poche.- Je préférerais que tu continues de n'en parler à personne.

Derechef, j'acquiesce.

-Tu peux partir.

Au moment où je m'apprête à franchir le seuil de la porte; le chef m'interpelle:

-Est-ce que ça t'intéresserait de monter en grade?

-Pardon? -Je m'exclame, en me retournant.-

-Ce que tu as découvert concerne une affaire très sérieuse; comme tu le sais. Maintenant que tu as trouvé cette preuve; que tu le veuilles ou non; tu es impliquées dans cette affaire.

Je sens ma gorge s'assécher et mon esprit complètement confus. Le chef s'avance vers moi, en poursuivant:

-En gardant le silence sur ce que tu sais; il est normal que je te récompense d'une certaine manière.

À toute vitesse, je réfléchis à ce que je pourrais dire. Cependant, rien ne me vient.

-Je t'avoue que tes missions deviendront plus importantes et plus difficiles que celles de tes congénères; néanmoins, tu vivras dans de meilleures conditions qu'eux. La cantine et les dortoirs des officiers supérieurs n'ont rien de comparables avec celles que tu côtoies, actuellement. De plus, je reconnais que je serais très honoré, si tu acceptais mon offre.

D'un côté, je me dis que je ne suis pas là pour ça. Mais d'un autre côté; je crains qu'en refusant une telle offre; je n'attire sa méfiance et qu'il finisse par découvrir qui je suis et pourquoi je suis là. Quel Déshonoré, destiné à passer le reste de son existence ici, refuserait de meilleures conditions de vie?! Je ne pense pas que cela arriverait. Toujours déconcertée, je balbutie:

-Euh... oui; bien sûr!

-Magnifique! -Se réjouit le chef, en tendant les bras, d'un air chaleureux.- Bienvenue parmi nous; matricule 64210!

Je souris, par politesse; puis, je me rends compte que c'est inutile, étant donné que mon visage est caché par le casque.

-Je vous donne rendez-vous, ce soir; dans la cantine des officiers supérieurs. Elle se trouve juste après l'infirmerie.

J'opine mécaniquement. 

Ne pouvant rester en sa compagnie, plus longtemps, me sentant mal-à-l'aise; je me dépêche de quitter la pièce. Errant dans les couloirs, je repense à cette conversation inattendue, en me demandant comment je vais bien pouvoir annoncer ça, à mes amis?!


Zibaë, les mystères de l'autre monde T1. Les fantômes du passéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant