Chapitre 3 ***

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— Heu, bredouillé-je, le transfert du bail de l'appartement a enfin eu lieu. Sans l'aide des parents de Fabien, je l'aurais peut-être jamais fait et...

Ma voix s'éteint d'elle-même, les applaudissements de mes camarades prennent le relais et, pour la toute première fois, j'en reçois toute leur chaleur. Je me surprends presque à vouloir me dandiner, comme Latifah l'avait fait la première fois que je suis venue. Sur le moment, je ne comprenais pas cette réaction, maintenant oui. La douceur de René, dans son regard que je croise furtivement, ajoute du baume à mon cœur.

Le temps passe, la douleur s'efface ? Peut-être pas exactement. Elle est là, je la sens, mais elle ne me brise pas comme avant. Elle n'est plus ma douleur, elle est ma toile de fond. J'arrive enfin à m'en échapper un peu de temps en temps, avant un retour brutal, mais supportable. Un rappel à l'ordre.

Ne l'oublie pas !

En sortant du travail, Stark et moi marchons d'un bon pas dans la douceur du soir. Le kilomètre qui me sépare du quartier St-Jean me paraît plus long avec un chien qui voudrait renifler chaque jante sur le bord de la route. Malgré tout, comme d'habitude j'ai vingt minutes d'avance.

Marielle arrive d'un pas pressé et semble surprise en voyant Stark.

— En voilà un sacré grand toutou, commente-t-elle en déverrouillant la lourde porte.

Nous entrons. Stark me suit, même si je perçois son appréhension. Il semble contrarié par le bruit de ses griffes sur le marbre du sol. Dans cette pièce encore vide, leur son résonne d'une drôle de manière. Bien évidemment, plus il s'agite et plus il intensifie le problème. Ma main sur son cou ne suffit pas à le calmer.

Au moment où je commence à m'imaginer devoir repartir, le stress de mon chien se transforme en liesse quand surgit ce petit animal poilu et coloré, serti d'un collier à spikes. Le bruit strident qu'il émet pourrait faire penser à un chien battu mais il n'en est rien, il se roule contre Stark qui s'est porté à sa hauteur, ravi. Il prend appui d'une patte sur l'autre, on en oublierait presque qu'il pèse cinquante kilos. Les grognements de cochon de mon chien font rire Marielle. De mon côté, je me sens si soulagée que je n'ai pas bougé. Le mini chien repart d'où il est venu, laissant mon Stark en joie totale.

— Ah ! Et bien, enfin de retour toi ! claironne Marielle à un interlocuteur dans mon dos.

Curieuse, je me retourne et tombe nez à nez avec Glaçon, blotti contre un torse bombé dans une veste en cuir. Surprise, je suis obligée de lever la tête pour enfin admirer ce visage qui ne m'est pas inconnu.

Lui, ne baisse que son regard pour croiser le mien. Le mouvement de ses sourcils m'indique qu'il m'a reconnue. Il me salue poliment avant de s'avancer vers Marielle qui, comme à son habitude, prépare son buffet de collation.

Je n'entends pas le contenu de leur discussion, juste le timbre de leur voix. La voix de l'homme, grave et sombre contraste avec celle de Marielle, si lumineuse et aiguë. Cette dernière hausse le ton pour m'interpeller.

— Amélia, Tu n'avais jamais vu Ulrik, je crois ?

— Non, c'est vrai, menté-je.

— Tu vois, il vient avec son chien lui aussi, m'adresse-t-elle avant de reprendre leur conversation.

Ils ont l'air de bien se connaître. D'un coup, je me sens même un peu exclue, j'essaye de me faire discrète et silencieuse. Je les scrute tous les deux...Il me semble percevoir de la séduction entre les deux. Marielle serait-elle une cougar ? Cette pensée me fait sourire toute seule.

Mon intérêt s'attarde sur l'homme tandis que je me remémore les mots de ma sœur, le jour où nous avions croisé l'énergumène. Je dois bien l'avouer : il a un côté viking. De ses cheveux rasés en bas et longs sur le haut, attachés à l'arrache, à sa taille de géant, en passant par cette barbe finement taillée, il a le faciès parfait pour ce rôle.

Mon excès de curiosité est interrompu par l'arrivée de Latifah qui s'extasie sur mon chien. La voici qui glousse en lui papouillant le ventre. Étalé de tout son long, Stark grogne et se tortille, brisant l'illusion du gros chien terrifiant.

Tout le monde est enfin arrivé, la séance peut commencer. Moi qui m'inquiétais du comportement de Stark en présence de l'avorton, suis rassurée. Ce dernier dort entre les pattes de son nouvel ami. La sérénité de mon chien me permet de me concentrer sur le travail d'aujourd'hui.

En rentrant chez moi vers vingt-trois heures, je me sens mieux que ce matin. Comme si mon chagrin avait été bercé et enveloppé dans une fine et douce étoffe, il se fait plus calme. Bien-sûr je le porte toujours mais il me pèse moins.

Un peu comme si je prenais un médicament efficace, m'offrant un répit bénéfique.

Cette sensation m'habite après chaque séance, mais les effets s'estompent.

Une fois rentrée chez moi, je m'installe confortablement pour envoyer des messages à ma soeur, dans lesquels je lui détaille ma soirée, m'efforçant de prolonger un peu mon euphorie.

« En quelques séances, je trouve déjà qu'ils t'ont transformée » répond-t-elle dans un message agrémenté de cœurs.

Après LuiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant