Chapitre 5 **

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Ce jeudi soir, avant de rentrer chez moi, j'inspecte une fois de plus le document que je viens d'imprimer dans l'arrière boutique.

Trois semaines – payées par mes soins – en Savoie, en compagnie d'une hippie survoltée, et de ses assistants. Mais qu'est-ce qui m'a pris ?

Sur la brochure, je découvre la variété des ateliers proposés. La liste est impressionnante et même assez incongrue. J'ignore le lien entre le deuil et la poterie. Patrick Swayze peut-être ?       Il y a de la sophrologie, des randonnées spirituelles, de la luminothérapie et même du yoga... avec des chèvres. Le tout sur les rives d'un lac de montagne, bordé de forêts.

Je jette un œil à mon Stark. Par sa faute, je paie un petit supplément, mais il en vaut la peine, pensé-je en le caressant tendrement.

Il est intéressant de voir les progrès de Stark, depuis que je travaille sur moi. En début de semaine, je l'ai laissé seule pour me rendre à mon rendez-vous chez le coiffeur. En rentrant, j'ai pu constater avec soulagement qu'il n'avait non seulement rien détruit, mais était resté bien sage dans la chambre. J'ai à présent la certitude qu'il ne causera pas d'ennui durant mes vacances. Je suis heureuse de notre avancée.


Le vendredi soir suivant, c'est l'effervescence à l'appartement. Je boucle nos bagages, priant de ne rien avoir oublié.

Deux ans que je n'avais pas ressorti la grosse valise à roulettes. Ça me fait quelque chose.    Fabien plaisantait à son sujet chaque fois qu'on partait, disant que je pouvais rentrer facilement dedans. Modèle réduit. S'il me taquinait sur ma taille, c'était toujours avec tendresse. Jamais pour se moquer. En vérité, mon mètre soixante fait de moi une fille dans la moyenne et c'est cette valise qui est particulièrement grande.

Je clos ce souvenir sur l'image de son visage taquin, bordé d'amour, alors que je zippe la fermeture éclair. Tout est prêt pour le départ de demain.

La voiture est archi pleine. À peine la place de se coucher pour Stark, sur la banquette arrière. Il trouve tout de même le moyen de poser sa tête sur un sac.

Avant de démarrer, je prépare mon trajet, comme je l'ai toujours fait. Adresse sur le GPS, monnaie pour le péage, les CD pour l'ambiance et – important – ouvrir un paquet de bonbons-rubans multicolores.

Je me sens guillerette. Mes pensées sont si positives que je m'en étonne.

C'est vrai que j'ai avancé en presque un trimestre. Il serait fier de moi.

Je l'imagine à mes côtés, assis sur le siège passager et d'un coup mon esprit tout entier joue le jeu. Le parfum de musc blanc envahit l'habitacle. Je prends de grandes inspirations et m'enlise dans son effluve.

— Tu passes pas la cinquième ? taquine-t-il.

Je sursaute, saisie par tant de réalité.

— Laisse-moi donc conduire comme une mémé ! Et laisse-moi encrasser mon moteur, si ça me chante ! réponds-je avec amusement.

— Pourquoi tu laisses Stark sur les sièges arrière ? Tu vas lui donner de mauvaises habitude. Et tu vas où comme ça, douce Amélia ?

— Je pars en vacances, en Savoie.

Je n'ose pas tourner la tête, par peur de briser cette illusion si parfaite. Non je ne deviens pas folle, je m'auto-apaise. N'est-ce pas ?

— Eh, tu te rappelles de nos vacances là-bas ? Ces randonnées éreintantes et ce sentier, là, où nous avions... ?

— Je me rappelle de tout, Fabien, je n'oublierai jamais rien, réponds-je les yeux rivés sur la route, à me concentrer.

—Et, tu m'y emmèneras ? Moi ? interroge une voix grave.

Aussi stupéfaite qu'horrifiée, je tourne la tête côté passager, juste le temps de voir Ulrick, torse musclé et orné de tatouages, passant une main lascive dans ses longs cheveux détachés.

Quoi ?

Après LuiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant