Chapitre 14 ***

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De retour au camp, nous décidons de prendre un dernier verre à la buvette. Un sourire jusqu'aux oreilles, je déambule, ma main dans la sienne, lui jetant un œil de temps à autre comme pour me rappeler que j'évolue dans la réalité.

Assis en terrasse, un cocktail devant nous, nous demeurons silencieux. Nous nous scrutons l'un l'autre. Je m'imprègne des détails de son visage, du mouvement de ses yeux, et de ce qu'ils m'expriment.

Rejoints par Mariam et Adam, puis par Marielle et Latifah, ainsi que d'autres amis d'Ulrik, la tablée devient immense, joyeuse et chaleureuse.

— Attention Marielle, le punch est corsé ce soir ! Le réveil risque d'être compliqué ! taquine un homme en bout de table.

— Pop'pop'pop ! Demain moi je vais pas à votre procession de masochistes des hauts sommets ! Alors je bois ce que je veux ! Namasté la téquila !

Marielle lève son verre en direction de son interlocuteur puis l'engloutit d'une seule traite sous les huées d'encouragements des autres. Au travers de cette effervescence, je perçois le poids du regard d'Ulrik sur moi. Un regard dans sa direction confirme mon impression. Il m'adresse le plus tendre des sourires.

Ce soir, je me repais de cette bienveillance et la bonne humeur ambiante. Pour la première fois, j'y prends part sans me forcer. Portée par une force nouvelle et par le regard d'Ulrik, ce moment est réconfortant. Je redécouvre les saveurs de la vie et de ses émois qui électrisent. La vie me semble de nouveau si belle. Même ce banal cocktail me paraît extraordinaire en sa compagnie. Un souffle nouveau, une légèreté m'habite, ça fait du bien.

Nous rentrons presque tous ensemble, Ulrik et la plupart d'entre eux sont inscrits au bivouac : trois jours de marche en haute montagne. Un truc à la dure, loin de la sortie spa de Latifah.

Tous les participants partiront tôt demain matin. Les premiers ont déjà rejoint leur yourte, ne restent que Marielle, Latifah, Ulrik et moi. Celle d'Ulrik est en vue.

Marielle, un peu éméchée, me taquine.

— Alors ? On vous laisse tous les deux à la même adresse ?

Devant ma moue étonnée, elle continue.

— Faites pas les innocents, ça sent l'amour à plein nez votre histoire ! Et je vous ai vus vous tenir la main les coquinous ! Marielle elle voit tout !

Latifah et elle s'extasient, je ne peux m'empêcher d'être un peu gênée . Parce qu'on a pas encore évoqué ni l'amour, ni le reste. Ne vaut-il pas mieux définir notre relation avant de la déclarer devant les autres ?

— Tu vois, Ulrik, je t'avais bien prédit que pour elle aussi c'était...

— Merci-Marielle ! À demain-Marielle! s'écrie Ulrik lui coupant la parole.

À ces mots, sans prévenir, il m'entraîne sur sa terrasse en me prenant par la main. En moins d'une minute, nous sommes à l'intérieur.

Intriguée par les paroles de Marielle, je voudrais interroger Ulrik. Je n'ai pas le temps d'ouvrir la bouche qu'il se précipite sur moi, m'adossant contre la porte à peine refermée derrière nous. D'un doigt il relève mon menton, et ses lèvres se collent sur les miennes.

Oh mon dieu ! J'en intensifie le contact en me hissant sur la pointe des pieds. Sa main s'égare dans ma chevelure, l'autre se déploie dans mon dos pour me plaquer contre lui.

Mon corps se tend, et mon ventre papillonne au contact de sa peau.

Un merveilleux et perturbant baiser qu'il arrête pour plonger ses yeux dans les miens, à l'affût de ma réaction. Cette initiative, sensuelle et inattendue, m'arrache un soupir, invitation à prolonger ce bien-être qu'il vient de réveiller.

— J'en avais tellement envie, murmure-t-il dans un souffle.

Cette phrase agit comme un déclic. Moi aussi j'en avais envie. Alors, aventureuse et pressée de retrouver ces lèvres irrésistibles, je les embrasse avec envie.

La seconde d'après, une pensée me percute. Ça y est, c'est arrivé. Fabien n'est plus le dernier sur mes lèvres. Je repoussais tant que je pouvais ce moment et aurais pu le repousser encore si longtemps. Mais j'ai choisi Ulrik, je lui ai fait confiance et il a pris cette décision, impossible pour moi. À ma grande surprise, j'en suis heureuse.

Glaçon sautille dans nos pattes. Je le porte à notre hauteur, il est si mignon.

— Qui s'en occupe pendant ton absence ? m'inquiété-je.

— Marielle ! Et quand je le récupérerai, il sera devenu un baba-cool.

— Sauf si c'est ce que tu voulais pour lui, réponds-je en riant, tu peux aussi me le laisser, tu sais ?

— Vraiment ?

Ma main sur la poignée, je m'apprête à regagner mon logement quand il m'étreint avec tendresse et plonge sa tête dans mon cou. Je perçois sa respiration, douce et calme, qui me régule. Mes bras autour de lui, sa peau contre la mienne, cet instant pourrait durer des heures tant il me fait me sentir vivante.

— Je sais pas si je vais pas aller au bivouac demain, tu vas me manquer.

En voici des paroles plaisantes ! Je ressens la même chose mais ne réponds rien, me contentant de resserrer un peu plus notre étreinte.

Je rentre seule. Par choix. Les émotions de ce soir furent intenses et c'est déjà beaucoup pour moi. Il faut que je me laisse un peu de temps, même infime, pour chaque étape de franchie, et Ulrik en a conscience. C'est pour ça qu'il ira quand-même au bivouac. Sur le chemin, je me sens légère et j'ai envie de danser sur le rythme des croassements des grenouilles alentour, mais je n'en fais rien.

Malgré l'heure tardive, Stark m'accueille. Ce soir, il me fait la fête. Sensible à mon état, il se dandine et je cède : je sautille avec lui.

Après LuiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant