Chapitre 13 **

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Pestant des remarques acerbes, le gendarme passe dans le bureau d'à côté sans me dire au revoir, m'accusant d'un temps perdu et mettant en doute une partie de mon histoire. Je ne réagis même pas, soutenue par le regard de sa collègue. Elle consigne mon témoignage dans un registre, puis me laisse partir.

J'incite Ulrik à presser le pas en lui attrapant la main, le traînant presque. J'ai besoin de sortir de là et vite !

Tout ça pour ça !

Je ne tarde pas à rentrer dans ma voiture. Ulrik n'est pas dans la même rage que moi et il ne comprend pas pourquoi je m'agite.

Yeux fermés et mains sur le volant, je repense à ce rendez-vous, amère. Je n'avais pas le choix.

— Alors ? s'enquiert Ulrik d'une douce voix.

Je tourne ma tête pour retrouver ses yeux marrons, brillants de questions. Je dois tout lui expliquer. Je vais tout lui expliquer, mais je dois trouver les mots.

— C'est compliqué.

— On a le temps, dit-il vérifiant l'heure sur le tableau de bord, et on est garés à l'ombre : vas-y.

Sur ses paroles, le voici qui s'affale sur son siège et se tourne de mon côté, dans un air concentré surjoué qui me décoche un sourire.

— Bon, commencé-je, je me suis retrouvée dans un dilemme et j'ai fait un choix.

Te protéger.

— J'ai annulé ma plainte.

Le visage d'Ulrik passe par mille expressions de stupeur. Avant qu'il n'annone quoi que ce soit, je continue sans le quitter du regard.

— C'est sa parole contre la mienne. Nous étions seuls. Puis il y a eu toi. Si je porte plainte, tu es le témoin et tu es relié à la plainte. Tu me suis ? Cela veut aussi dire que si Tony porte plainte pour coups et blessures, c'est toi qui va prendre toutes les conséquences.

— Et alors ? rétorque-t-il avec douceur. Il a frappé lui aussi, et pas qu'un peu.

— Ulrik ? Tu l'as attaqué. Enfin, je veux dire que s'il veut te nuire c'est ce qu'il peut dire. Que t'étais jaloux, que tu lui voulais du mal...

—Et il n'aurait pas tort, commente Ulrik le regard dans le vide. Et maintenant ? On en reste là ? Et toi ?

— Moi ?

— Oui. Toi. Ça me rend fou que tu ne déposes pas plainte, mais je ne peux pas le faire à ta place. C'est pas rien, ce qu'il a essayé de faire, bon sang ! Ça pourrait ressortir tôt ou tard et t'as tellement travaillé sur toi pour te relever.

Ces paroles me font sourire. Sa bienveillance à mon égard est une caresse, un souffle chaud sur mon âme. La vérité, c'est qu'actuellement je ne souffre d'aucune difficulté connue des réelles victimes d'agression. Ni désarmée ni faible, je me sens juste déçue. Je ne plonge pas dans un désarroi, et je n'ai plus peur parce qu'au fond de moi je le savais ! D'une certaine façon, je l'ai toujours su. Le comportement de Tony hier n'est pas une surprise. Dès notre rencontre, mon inconscient avait senti que quelque chose clochait. Ces distances que j'ai toujours eu avec lui n'étaient pas anodines.

Aussi, je ne me lamente pas. Ne tournent pas en boucle des pensées envahissantes du type « comment a-t-il pu ? ». Si je culpabilise, c'est plutôt en me demandant « pourquoi j'ai pensé qu'il a avait évolué ? »

Je crois que je m'imaginais intouchable à ses yeux, sacralisée par mon lien éternel avec Fabien. L'illusion de cette notion est décevante, en effet, à la limite du couteau dans le dos d'ailleurs.

Après LuiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant