Chapitre 8 *

24 9 3
                                    


Ce matin, ce sont les couinements de Stark qui me réveillent. Arrivé au bout de sa patience et je comprends vite pourquoi : il est déjà plus de dix heures. Mon pauvre toutou, je fais une bien vilaine maîtresse ces temps-ci !
L'air de la montagne me fait tellement de bien que je n'ai pas entendu mon réveil.

Un peu en retard sur le planning que je m'étais imaginée, je pense à Marina, qui doit déjà être sur la route depuis une heure et ne devrait plus tarder.

Dehors, flottent déjà dans l'air des senteurs de barbecue qui m'ouvrent un large appétit, tandis que je me dirige vers la grille du camp.

J'aperçois d'assez loin le véhicule rouge de ma sœur.

Marina s'est éclipsée de sa semaine chez les parents d'Adrien pour passer un moment avec moi, pour mon plus grand bonheur et aussi le sien, j'en suis certaine.

À peine sortie de la voiture, elle me saute dessus pour m'étreindre.

— Deux jours sans enfant, ni belle maman, scande-t-elle, surjouant un grand soulagement.

Je la vois faire un pas en arrière et me toiser de haut en bas.

— Quoi ?

— Non, rien, ment-elle, un sourire sur les lèvres.

De toute évidence, le haut, estival et près du corps, acheté à Chambéry fait son effet. Ravie de son regard sur moi, je passe une main dans ma chevelure, dans le but d'attirer aussi son attention sur mes cheveux relevés et coiffés, pour une fois.

— Tu t'es faite belle pour qui ?

— Pour moi, rétorqué-je avec fierté, en l'aidant à sortir son sac du coffre.

Marina n'étant pas très chargée, nous traversons le camp à pied chacune avec un sac. Stark porte sa laisse dans la bouche. Une bonne équipe.

Puisque cette nuit elle dormira avec nous, je lui fais découvrir les lieux.

— Hou ! Le lit est grand ! s'exclame-t-elle, déposant son sac à main dessus. Dommage d'y dormir seule, hein ?

Rapidement, nous partons faire un tour pour rassasier la curiosité de Marina, avant nos estomacs. Nous laissons Stark étendu de tout son long et dormant comme un bienheureux.

Je lui montre l'emplacement du yoga, le cercle de parole et la conviviale buvette. À son bras, dans ce décor, je nous revois dix en arrière, quand nous partions juste elle et moi en escapade. Je me sens libre.

Et heureuse.

Quel plaisir de voir ma sœur ouvrir de grands yeux intéressés. Nous croisons mes copines Mariam et Latifah. Nous convenons de nous retrouver plus tard au restaurant pour déjeuner de l'autre côté du lac, avant de continuer notre balade.

En longeant le lac, nous arrivons sur la parcelle aménagée en plage, déjà bondée en ce samedi matin. Les quelques enfants du camp se sont regroupés pour éclabousser les adultes. Il règne un joyeux brouhaha qui nous entraîne dans une humeur encore plus belle. Ma sœur rit et profite de voir des gamins malicieux et turbulents sans qu'un d'eux ne soit le sien, pour une fois. Pour sûr que son petit Martin aurait été de la partie.

Un léger vent tortille nos cheveux. Marina ressemble à Medusa avec ses boucles qui s'envolent dans tous les sens.

Nous nous gorgeons de ce sublime décor où les bruits se fondent en écho tels une mélodie.

Un des groupes croisé cette semaine a apporté de la musique et prend l'apéritif sur le sable gris. À notre passage, ils nous proposent une bière , que nous refusons poliment et presque à contrecœur. Leurs fausses huées sont une sympathique haie d'honneur que nous franchissons sourires aux lèvres.

Au travers de cette liesse, je l'aperçois.

Et dès que mon attention se porte dans sa direction, en vérité je ne vois plus que lui.

Lui et chaque mouvement de son corps à moitié immergé, marchant et s'enfonçant toujours plus dans l'eau. Ses cheveux, relevés, laissent ses épaules libres. Je pourrais percevoir chaque galbe, chaque muscle de son corps que l'éclat de ce soleil d'été magnifie. Tandis qu'il essore l'eau de sa chevelure, mon esprit imagine une vague de frissons lui parcourant l'échine et finissant par déferler sur la mienne.

Je me devine un sourire idiot que je refrène aussitôt.

— Han ! Mais c'est le Viking ! claironne Marina, enjouée, se dirigeant vers lui.

Dans ce genre de comportement, je reconnais un peu de ma mère. Mais dans une version de pure et douce candeur. Même si j'y suis habituée, ça reste perturbant parfois.

Je la regarde s'avancer, se délester de ses tongs pour marcher à sa rencontre. D'abord surpris, il comprend vite qui le hèle et sort de l'eau, dévoilant...

Ce que je n'avais qu'imaginé jusqu'alors.

J'admire ses tatouages, noirs et nets qui terminent sur une cuisse puissante et sculptée.

La vue de son corps, seulement vêtu d'un short de bain, me fait hoqueter.

Je regarde Marina pointer un de ses dessins du doigt, puis, culottée, le poser directement dessus. Ulrik ne semble pas gêné de cette familiarité.

Je les laisse échanger quelques mots avant que ma sœur ne me fasse signe de les rejoindre.

Voici quelques jours que je n'ai pas parlé à Ulrik et ça, Marina ne le sait pas.

Après LuiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant