Chapitre 8 **

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J'avance doucement, un sourire crispé sur le visage, qui ne me quitte qu'au moment où ma joue frôle la sienne.

Je réalise que c'est la première fois que nous nous saluons d'une bise et ça me procure de drôles de sensations.

— Ha, ça ! Qui l'eut crû ! Alors comme ça, on se dispute au parc de la tête d'or et on finit en vacances au même endroit ? commente Marina.

— On s'était disputés ? minimise Ulrik m'adressant une moue ironique.

— Et du coup, vous faites des activités ensemble ? Et ton toutou il est où ?

— Glaçon dort dans le mobil home. Et non, ta sœur me snobe depuis lundi ! raconte-t-il, sans me lâcher du regard.

— Non, heu... Je... bredouillé-je.

Merci Marina.

J'étais occupée, avec les ateliers, et je me suis reposée et ...

À court d'arguments.

Silencieuse tandis qu'Ulrik et Marina continuent de bavarder, je parviens de moins en moins à les écouter. Je repense à cette drôle de semaine, où je l'ai à la fois cherché et fui. Ce grand paradoxe que je ne peux expliquer.

Déplorer son absence, et à la fois redouter de le croiser.

J'ai peur de mes réactions en sa compagnie parce que je me rends compte combien je perds mes moyens et je n'aime pas ça.

Une partie de moi sait que c'est normal de ressentir des choses et voudrait profiter de ces émois, mais une autre lutte de toutes ses forces et je peine encore à la contrer.

Mon cœur, meurtri, ne sait plus comment fonctionnent ces choses.

Mon attention se redirige sur ma sœur au moment où elle prononce cette phrase :

— Tu viendrais manger avec nous ce midi ? Avec les copines d'Amélia on va au restaurant, ça serait chouette, non ?

Dis Non ! Dis non ...

— Pourquoi pas ! Je vous rejoindrai là-bas.

J'affiche un sourire de façade. Peut-être pas de façade tout compte fait. Cette fois, c'est pour masquer une autre émotion que ma gêne.

Nous prenons la voiture de Marina pour nous rendre au "Fil de l'eau", un restaurant de l'autre côté du lac. Trente minutes de route durant lesquelles je voudrais avoir une conversation avec ma chère sœur. Avant même que je ne trouve la bonne façon de me lancer, la voici qui commence.

— Il est magnifique cet homme. J'ai bien vu la façon que tu as de le regarder et...

— Marina, s'il te plait.

— Je sais tout ce que tu as dû traverser, et je sais bien que ça te parait énorme, mais tu es encore jeune et tu as de nombreuses années devant toi. Je n'oublie pas Fabien, ma chérie, je pense à toi. Il y a une nuance, tu vois ?

Ma sœur. Bien-sûr que je comprends où elle veut en venir. Mon esprit tout entier essaye de m'en convaincre depuis des jours. Je lutte en vain contre une force invisible qui essaye de me décoller de mon passé, à la fois spectatrice et actrice de ce changement.

— Dimanche soir, j'ai passé la nuit avec lui, annoncé-je de but en blanc.

Marina manque de s'étouffer et ralentit la voiture pour tourner sa tête dans ma direction et constater mon visage serein.

— Non ?

— Si.

— Non ?

— Si. Enfin, je lui ai tenu la main, ajouté-je, et il m'a prise dans ses bras aussi.

— Ouah, so hot ! ironise-t-elle.

— C'est déjà beaucoup plus que je n'aurais cru pouvoir.

Ma sœur reste silencieuse. La connaissant, elle me laisse le temps de m'exprimer.

— La vérité, c' est qu' on a discuté en regardant les étoiles et que je me suis endormie contre lui. Et y'a rien eu de plus parce que je sais pas où j'en suis et que... Marina, je crois qu'il me plait.

Mon coeur se serre. Cette réponse qui me vient naturellement déchire quelque chose en moi.

— Depuis dimanche, j'arrive plus à imaginer Fabien à mes côtés, continué-je sentant monter l'angoisse en moi. Et t'arrête pas de faire des allusions depuis ton arrivée. Le lit tout ça ... et je crois que ça m'étouffe un peu parce que...

— Oh la, du calme, Amélia. Je comprends.

Des larmes acides me montent aux yeux. Un bouillon au fond du cœur, je me sens si perdue, à poser des mots sur ces choses simples que je me taisais. Depuis ce lundi matin, Fabien, tel que je l'imagine d'habitude, s'efface. Il m'abandonne et ça me dévaste.

Ma sœur fait une pause pour me consoler dans ses bras.

— Excuse-moi Amélia, je t'ai vue si rayonnante, j'en ai presque oublié que...

— Je ne t'en veux pas. 

Après LuiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant