Après Lui

Chapitre 10 (suite et fin)

Nous nous engageons dans le sentier qui démarre en face du camp. D'abord exigu, il débouche sur un chemin un peu plus large sur lequel nous nous portons naturellement côte à côte. Nous marchons, utilisant la beauté de la nature comme prétexte au silence qui s'est installé. Quand j'ose tourner la tête de son côté, je constate qu'il me regardait. Je ne sais pas trop comment l'interpréter.

Au bout d'une dizaine de minutes de montée, nous voici au niveau d'une chapelle abandonnée. Une véritable ruine recouverte de mousses qui surplombe le lac. D'ici le paysage est magnifique, intime. Ce lieu me fait penser à mon passé sans que cela ne me trouble, pour une fois. Les vieilles pierres semblent inspirer nos toutous qui reniflent à tout va.

Ulrik lit à haute voix la légende liée à ce lieu sur une pancarte destinée aux plus curieux. Elle parle d'un trésor dissimulé trois siècles auparavant, devenu avec le temps une romantique métaphore pour celui que chacun cache dans son cœur. C'est beau. Encore plus, conté par cette voix dont je m'enivre.

Adossés au mur de pierre, nous discutons, profitant de l'ombre des conifères géants au-dessus de nous. Je perçois toujours cette connexion particulière, cette facilité à être tous les deux, ces échanges fluides et jamais surjoués. Je reçois toute sa bienveillance et sa gentillesse droit dans mon cœur et tâche de lui en renvoyer autant. Résignée à n'être que son amie, je le regarde avec tendresse et me surprend à lui souhaiter que l'objet de son affection prenne soin de lui et l'aime pour ce qu'il est. Nulle jalousie tant qu'Ulrik est heureux.

Libérée d'un poids superflu, j'ose être la vraie moi. Je m'autorise à blaguer, le taquiner, rire aussi et je constate que mon attitude déteint sur lui. Ce partage, cette symbiose entre nous rayonne jusqu'à nos chiens qui nous rejoignent gaiement.

Glaçon s'installe dans le creux de mes jambes en tailleur et Stark, lui, se colle contre Ulrik.

— Glaçon est amical, mais ne va jamais au contact comme ça, commente Ulrik. Il t'as adoptée, c'est dingue !

Figée dans un sourire béat, je prends mesure de l'instant : Stark, pour la première fois en deux ans, vient d'entrer en contact avec un homme. Bien sûr, il se laisse approcher et caresser par n'importe qui du moment que je suis à côté, mais là, l'attitude de mon chien est dans la confiance. Sans la moindre méfiance, la tête posée sur les cuisses d'Ulrik, Stark me fixe. Mon chien se sent suffisamment bien avec Ulrik pour s'assoupir contre lui mais aussi pour laisser un autre animal se coucher sur moi.

Je ne suis pas certaine qu'Ulrik se rende compte de ce qui vient de se passer, mais pour moi la symbolique est si forte que j'en ai les larmes aux yeux.

Avec tendresse, je pose ma main sur Glaçon et le caresse. En relevant les yeux vers Ulrik, je m'aperçois qu'il me fixe, un doux sourire aux lèvres.

Pudique, je balaye mes larmes.

— Ça va ? s'inquiète-t-il.

— Oui.

— Alors pourquoi ces larmes, Amélia ?

— Je pleure pas, ironisé-je, je suis allergique à la joie, c'est tout !

Nous rions de bon cœur.

Soudain, le clocher du village en bas sonne, et je réalise que j'ai rendez-vous ce soir. Nous redescendons d'un pas pressé.

— Pourquoi t'es partie hier soir ? demande Ulrik sans transition.

Étonnée d'abord, mais me sentant libre de répondre, ma pensée s'adoucit.

— Je voulais te laisser tranquille...hésité-je, pour concrétiser !

Le silence que ma réponse suscite m'incite à le regarder. Pourquoi ces sourcils froncés ?

— Parce que, tu vas rire, continué-je, mais avec les explications que tu m'as données, je pensais que c'était Marielle, ton rendez-vous !

— Quel rendez-vous ? rétorque-t-il se portant à ma hauteur, mais j'étais... Attends mais, tu rigoles ou pas ?

— Mais je suis sérieuse ! Je ne juges pas, c est une belle femme Marielle, dehors et dedans !

— Alors t'as toujours pas compris de qui je parles ? Je pensais que tu me faisais marcher ! Et ...

Coupés par un bruit de tous les diables, notre attention se porte vers le parking.