Chapitre 4

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LUBNA






— Tu veux une pomme ?

Marcella me regarde, elle sait que je suis mal à l'aise. Ce n'est pas la faute de l'entassement dans ce moyen de transport, mais plutôt des rires joyeux des filles à côté de moi. Elles murmurent sur le roi, rêvant d'être l'élue. Je ne comprends pas comment on peut admirer, apprécier ou même aimer quelqu'un qui nous fait du mal.

C'est quelque chose que je ne peux pas expliquer, qui n'a aucun sens pour moi. Je prends la pomme en silence, la fixant du regard. Je n'ai aucune envie d'être ici, en route vers la Cité Royale. Mais je ne pouvais pas refuser, obligée d'obéir aux ordres de Don Ephraïm et, par conséquent, à ceux du roi.

— Tu devrais être contente.

— Pourquoi ?

— Tu es belle, Lubna, crois-le ou non. Je ne sais pas si tu l'as remarqué, mais tu es la seule à avoir cette couleur de cheveux énigmatique, et un visage qu'on n'oublie pas facilement. La plupart des filles ici n'ont même pas pu attirer le regard du roi, car elles ne sont qu'une partie de la foule. Pas toi. Tu as la même aura que ta mère, hypnotisante, douce et magique.

Ma peau se hérisse et je commence à paniquer en regardant autour de moi. Toutes les filles ici sont brunes, d'un brun foncé certes, mais loin du noir. C'est ce qui les différencie des nobles : elles sont blondes ou brunes, avec des yeux bleus intenses ou d'un noir profond à couper le souffle. Elles répondent toutes à cette caractéristique, des filles aux traits similaires, difficiles à distinguer comme quelque chose d'unique, comme moi.

Maman n'appartient pas à cette région, encore moins à ce royaume. Elle vient de très loin. Papa ne m'a jamais dit d'où, mais si j'arrive à la décrire, je me souviens encore de sa voix, même si parfois la peur m'envahit. Je ne veux pas oublier les quelques instants que nous avons passés ensemble, je ne veux pas que ses souvenirs s'effacent de ma mémoire, cela me tuerait. Je suis identique à maman, du moins c'est ce qu'il disait, que j'étais le portrait craché de Mira.

— Je ne veux rien obtenir de lui.

— Je te suggère de rester loin de lui, alors.

Je ne lui réponds même pas, me concentrant sur la pomme, puisque c'est la seule chose que je peux manger aujourd'hui. Je n'ai pas pu prendre de petit-déjeuner, mon ventre est noué, ma peau est sensible et frémit à chaque annonce du conducteur que nous ne tarderons pas à arriver. Les chevaux galopent vite. Il n'y avait pas de soleil lorsque nous avons quitté la ferme, les rayons commencent à peine à apparaître, après deux heures de route.

Don Éphraïm avait choisi Marcella comme chaperon. Il lui fait beaucoup confiance, car il sait qu'elle ne le laissera pas tomber à l'arrivée au château d'Alkaeria. Marcella est une femme autoritaire mais affectueuse. C'était une grande amie de mes parents. Parfois, elle raconte des anecdotes à leur sujet. Elle aurait préféré vivre avec eux plutôt qu'avec ma tante Christina, mais papa avait décidé de demander à sa sœur de s'occuper d'elle.

Nous avons déjà traversé les Champs du Nord et sommes en route vers Glastonbury. Le château d'Alkaeria est un endroit impénétrable, protégé par des milliers de soldats. Il abrite le roi. Papa m'avait dit que depuis Glastonbury, je pourrais voir le château. Même si c'est très loin, la vue est impressionnante et j'ai hâte de la découvrir de mes propres yeux.

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