La vérité qui détruit

Chapitre 1

Je cours dans la rue calme de mon quartier, le vent me fouettant le visage. Crounch! Font les feuilles mortes sous mes pieds. Il fait noir, seul les lampadaires de la rue éclairent mon chemin.

Il est trois heures du matin, selon moi, c'est le meilleur moment de la journée pour un petit jogging. Pourquoi? Parce qu'il n'y a presque personne d'autre dehors excepté moi. Eh oui, en plus de ne pas être une personne rayonnante, j'abhorre les contacts sociaux. C'est pour cela que je n'ai qu'une seule amie, Catalina, une autre élève de ma classe. C'est la seule que je peux regarder dans les yeux sans me sentir dégoûtée. Les autres ont tous des secrets mauvais et des intentions cachés.

Mon père ignore que je suis sortie de la maison, je ne lui en dirai rien. Je n'en suis pas à ma première escapade nocturne et il ne s'est jamais douté de quoique ce soit. C'est plutôt ma sœur, Mélissa, qui m'inquiète. J'ai la forte conviction qu'elle n'hésiterait pas à me dénoncer à mon père, si elle savait. Mélissa ne m'apprécie guère et c'est réciproque. De seulement quatre ans mon aînée, elle croit posséder le droit de me contrôler. Comme si elle pensait pouvoir remplacer ma mère.

Ma mère a abandonné mon père lorsque j'avais à peine cinq ans. Les quelques souvenirs que j'ai conservé d'elle sont flous et peu précis. Je lui en veux de m'avoir abandonnée ainsi, de m'avoir laissée vivre avec cet homme horrible qu'est mon père. 

Après le départ de ma mère, mon père, qui n'avait pas assez de temps à consacrer pour deux filles, m'a confiée à la famille des Larivière. Pendant six ans, ils ont pris soin de moi, me donnant l'affection dont j'avais tant besoin. Malheureusement, il y a environ cinq ans, mon père a intenté un procès pour me récupérer. Étant beaucoup plus riches et influent que ma famille adoptive, il a gagné le procès sans difficulté. 

Avec le temps, j'avais réussi à le pardonner de m'avoir abandonnée plus jeune. Mais je ne l'ai jamais pardonné de m'avoir arrachée à ma famille adoptive. Encore à ce jour, je ne comprends pas pourquoi il a fait une chose pareille. Il est toujours sévère et froid avec moi.

Deux fois. J'ai été arrachée à ma famille deux fois.

Deux fois de trop.

Je m'arrête afin de reprendre mon souffle. Mon regard se pose sur un "B" gravé sur le lampadaire. C'est le cas de presque tous les lampadaires, infrastructures et appareils électroniques utilisés dans cette ville. Le B est le logo des entreprises Brown, dirigées par Erel Brown, un homme d'affaires reconnu et extrêmement puissant. Il possède la majorité des compagnies de notre ville, grâce à des moyens quelques peu douteux. En effet, la plupart des gens ignorent qu'il a payé des employés de plusieurs compagnies afin d'obtenir des informations compromettantes sur celles-ci. Il a ensuite acheté à faible coût des grosses parts de ces entreprises, en menaçant leur propriétaire de divulguer les renseignements obtenus. Je doute fortement qu'il serait autant admiré et respecté si cela s'apprenait.

Peut-être que c'est la raison pour laquelle ma mère l'a quitté quand j'étais jeune.