Il est présentement 3h56 du matin, je pousse doucement la porte du manoir. Je hais cet endroit, c'est si grand, mais tellement vide.
—Salut, petite sœur. Tu rentres tard.
Je sursaute en apercevant Mélissa, debout en haut du grand escalier. Son visage mince est faiblement éclairé par la lumière du lustre au plafond. Elle entreprend de descendre l'escalier, l'écho de ses pas résonnant dans le hall, comme une sinistre menace.
Un fois arrivée à ma hauteur, elle dit d'un air mauvais :
—Je ne suis pas certaine que papa serait content s'il apprenait que tu étais sortie à cette heure.
Je me force à la regarder dans les yeux.
—Et moi, j'imagine qu'il serait ravi de découvrir que tu as profité de mon absence pour soutirer 315$ et 70 cents dans son porte-monnaie.
—Comment!? s'écrie-t-elle, surprise.
—Ne joue pas les innocentes.
Elle pousse un soupir avant de répondre :
—Très bien, tu as gagné pour cette fois. J'ignore d'où tu sors cette information, mais je peux te garantir que tu n'auras pas autant de chance si je t'attrapes à nouveau.
Je souris froidement.
—C'est ce qu'on verra, dis-je en montant dans ma chambre.
Épuisée, je m'endors rapidement.
...
Le lendemain matin, mon réveil me tire brutalement du sommeil. Je m'habille rapidement et mange une simple toast pour déjeuner. Ma sœur ne comprend pas pourquoi je ne demande pas aux domestiques de me cuisiner quelque chose, c'est ce qu'elle fait chaque matin. Quant à moi, je ne tiens pas à utiliser de l'argent sale de mon père. Le nombre de vies qu'il a gâché pour bâtir son empire est trop élevé.
Quelques minutes plus tard, je sors dehors et entreprend de me rendre jusqu'à mon arrêt de bus, à la marche.
Tout en me déplaçant, j'évite de croiser les regards des passants.
À chaque fois que je regarde une personne dans les yeux, toutes les mauvaises actions que celle-ci à fait deviennent visibles. La moindre insulte lancée, tricherie dans un jeu, mauvaise pensée, etc.
Je vois tout. C'est ça, mon "don".
En l'utilisant, j'ai appris que mon père n'est pas l'homme d'affaire bon et généreux qu'il prétend être. Depuis que je suis toute petite, chaque fois que je croise le regard d'une personne, je vois ses pires défauts.
Voilà pourquoi je n'ai qu'une seule amie et aucune confiance en l'humanité.
Bien évidemment, je ne l'ai jamais révélé à quiconque. Ils me prendraient pour une folle et, si par miracle ils me croyaient, seraient sans doute extrêmement mal à l'aise.
Paf! Je me heurte accidentellement contre un autre passant et commet l'erreur de lever les yeux.
—Désolé, dit-il.
Il ne le pense pas, il le dit uniquement pour faire bonne impression devant sa nouvelle copine à ses côtés. Hier, il a volé de l'argent à sa sœur, volontairement ignoré les appels téléphoniques de sa mère, jugé un mendiant dans la rue, bousculé un autre passant parce qu'il était pressé, insulté sa....
Je me tiens la tête entre les deux mains. Stop. Je n'en peux plus.
—Est-ce que tout va bien? demande la copine de l'homme.
Je l'ignore et m'enfuis loin du couple, prise d'une soudaine migraine. Pourquoi fallait-il que ça tombe sur moi?
J'arrive à l'arrêt, essoufflée et presque en retard. C'est avec soulagement que je m'assois dans l'autobus.
—Salut, Iris! s'exclame ma meilleure amie en m'apercevant, un grand sourire sur le visage.
Catalina s'assoit tant bien que mal à côté de moi, manquant tomber après un virage. Comme elle est très maladroite, les autobus ne sont pas les endroits où elle est le plus à l'aise.
—Tu as entendu la nouvelle? Mme Ivery va ouvrir une nouvelle librairie au nord de la ville!
—Vraiment? C'est beaucoup de travail, surtout pour une personne de son âge..., je commente, surprise.
Catalina hausse les épaules, l'air de dire : Tu connais Mme Ivery!
Mme Ivery est LA fournisseuse de livre en ville. Chaque fois que j'ai besoin d'un livre pour l'école, je vais dans sa librairie. Ces dernières années, j'y suis beaucoup allée, cela me permet de fuir ma maison quand j'en ai besoin. Au bout d'un moment, la libraire s'est mise à me connaître et elle me laisse désormais passer la journée à lire dans l'arrière-boutique. Lorsqu'elle a une nouveauté susceptible de m'intéresser, elle la met de côté pour moi. C'est probablement la personne la plus attentionnée que je connaisse (en dehors de Catalina, bien-sûr).
Je planifiais justement d'aller lui rendre visite après l'école.
VOUS LISEZ
La vérité qui détruit
Science FictionIris est une adolescente possédant un pouvoir très spéciale, qu'elle porte comme un fardeau. Plusieurs l'envient d'être la fille de l'homme le plus riche de la ville, mais personne ne soupçonne la cruauté de ce dernier. Lorsqu'un meurtre survient, I...