Chapitre 14

89 2 0
                                    

Les yeux de la sœur de la libraire sont rivés sur moi avec intérêt. 

—Tu peux m'appeler Susan, pardonne-moi si je t'ai fait peur tout à l'heure. On ne sait jamais. Alors, raconte-moi tout.

—Eh bien... C'est une longue histoire. Votre sœur et moi avions développé une sorte de complicité au cours de la dernière année.

—Oui, elle m'a beaucoup parlée de toi.  

—Ah oui!? 

Je ne m'y attendais pas vraiment.

—Bien sûr, je ne t'aurais pas laissé entrer chez moi sinon. Lydia te décrivait comme une jeune fille réservée, mais gentille comme tout. Elle était devenue très attachée à toi. Tu étais pour elle un peu comme la petite-fille qu'elle n'avait jamais eue.

Mon cœur se serre de deuil à la suite de cette révélation.

—Je l'ignorais. Mais c'est malheureusement pour parler de choses beaucoup plus sombres que je suis venue vous voir. Comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est moi qui ai découvert le corps de votre sœur. Cela va probablement vous troubler et j'en suis désolée à l'avance. Contrairement à ce que les médias disent, votre sœur a été assassinée. 

Un lourd silence suit mes paroles. Susan finit par le briser en déclarant : 

—Je sais.

Moi qui m'attendais à de la surprise, des pleurs, des cris de colère, même, je reste sans voix. 

—Le temps de sa mort était trop étrange pour que ce soit une coïncidence.

Sa voix se brise et elle serre les poings, sans doute pour retenir ses larmes.

—Que... Que voulez-vous dire?

—Tu sais sans doute qu'elle planifiait d'ouvrir une deuxième librairie.

Je hoche la tête, l'encourageant à continuer.

—Elle en avait toujours rêvé, tu sais. Lydia n'avait cependant jamais osé le faire, car elle n'avait pas l'argent ou le temps pour gérer le tout. Et puis un jour, comme par magie, elle a reçu une offre.

Susan secoue la tête en pinçant les lèvres avec amertume.

—Les entreprises Brown, ils lui proposaient un contrat dans lequel ils s'engageaient à payer les frais pour ouvrir une nouvelle librairie à son nom. Ils s'occupaient de rendre le tout possible, la seule chose que Lydia avait à faire, c'était de signer le contrat. Bien entendu, cela impliquait d'accepter le partage des revenues de la deuxième librairie, mais c'étaient des conditions plus que raisonnables. Elle a donc accepté et a signé. Un pacte avec le diable, si tu veux mon avis!

Je suis secrètement soulagée que sa sœur ne lui ait pas dit que mon père était le "diable" dont elle parle. Heureusement qu'elle ne m'a pas reconnue comme sa fille, quelque chose me dit qu'elle ne montrerait pas autant d'hospitalité à mon égard.

—Pourquoi dites-vous que c'était un pacte avec le diable? j'interroge.

—Le soir où elle a signé ce foutu contrat, elle est venue me voir, paniquée. Elle ne l'avait pas lu en entier au moment de sa signature : Une erreur fatale. Une toute petite clause vicieusement cachée stipulait que si elle mourrait, toute sa compagnie revenait aux entreprises Brown. Et puis, le lendemain... Lydia était morte.

Je reste horrifiée par ses paroles. Comment se fait-il que je ne l'aies pas vu lorsque j'ai sonderé Erel hier? Et surtout, comment pourrait-il être capable de tant de cruauté? C'est une chose de menacer certains entrepreneurs, c'en est une autre de faire tuer une vieille dame innocente!

—Elle a commit l'erreur de croire ce monsieur Brown, dit-elle avec tant de haine que je me crispe légèrement. 

Puis, soudainement, elle se fige. Oh non. Elle m'a reconnue. Susan se lève lentement, tremblante de colère.

—Tu sais pourquoi elle a fait confiance à cet homme, Iris?

—Non.

—Je m'en souviens, maintenant, c'est ton père! Il lui a dit qu'il voulait la remercier d'avoir pris soin de toi durant la dernière année... C'est de ta faute si elle est morte! En fait, peut-être que tu es ici pour lui! Peut-être que tu vas m'éliminer aussi, hein? 

—Pas du tout. Bonne journée, Susan, je réponds avec un ton calme qui me surprend moi-même.

Manifestement, elle n'a plus toute sa tête... Sans prévenir, je me lève d'un bond et sort en trombe de sa maison. Je cours, cours et cours encore, jusqu'à ce que je sois dans l'autobus, à l'abris. Assise sur le banc d'autobus, je reprends mon souffle, tandis qu'une rage sourde gronde en moi. Erel m'a utilisée pour faire du mal à Mme Ivery... Et il va le payer cher.



La vérité qui détruitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant