Chapitre 17

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Lorsque je franchis la porte du manoir, je suis accueillie par le regard froid d'Erel. S'il est surpris de me voir, il ne le montre nullement. 

—Merci d'avoir envoyé un chauffeur me chercher, c'était très attentionné de ta part, dis-je.

J'affiche un large sourire, prenant un plaisir malicieux à le narguer ainsi.

—Il n'y a pas de quoi, ma chère, répond-il froidement.

Il me dévisage avec une telle intensité, que j'ai soudainement la désagréable impression qu'il sait tout. De ma visite à la sœur de Mme Ivery jusqu'à la course en moto. Je déglutis péniblement, mon sentiment de triomphe fondant comme glace au soleil sous la regard d'Erel. 

—Tu arrives juste à temps pour le souper, poursuit-il. Viens, ne faisons pas attendre Mélissa.

Je le suis avec réticence, un sentiment d'angoisse me tordant l'estomac. Lorsque je m'assois à table, l'atmosphère de la grande salle à manger me semble étouffante. Même la cuisine habituellement impeccable a un drôle de goût, comme si ma peur assombrissait mon environnement.

—Regarde ce que j'ai acheté aujourd'hui, Iris, déclare fièrement ma sœur en brandissant son annulaire sur lequel brille une grosse bague.

—Wow, je réponds sarcastiquement en y jetant à peine un coup d'œil. 

—Ah, tu es tellement rabat-joie, soupire-t-elle. Pourquoi est-ce que tu ne peux pas simplement profiter de la vie!

À cause de mon don, et de lui, je pense en regardant brièvement Erel qui ne semble pas décidé à intervenir. Ce dernier mange calmement, comme si de rien était.

—Je "profiterai de la vie" quand tu arrêteras de jeter ton argent par les fenêtres. Quoique ce serait sans doute plus utile que ce que tu fais présentement avec.

—Ce n'est pas mon argent, je te signale! s'insurge Mélissa en me lançant un regard noir. 

—Est-ce que tu t'écoutes parler, des fois? Tu me fais pitié.

—Espèce de...

—Ça suffit, coupe alors Erel.

Sa voix est calme, mais nous nous taisons aussitôt. Une autre chose qui rend mon père si effrayant, c'est qu'il n'a jamais besoin de hausser le ton ou de se mettre en colère pour être obéi. Cependant, tandis que je l'observe, je réalise que quelque chose a changé. Je ne ressens plus simplement de la peur ou de la colère à son égard, mais de la haine. De la pure haine, qui gronde et détruit tout sur son passage. 

Je tente de le sonder rapidement avec mon don, mais je ne vois toujours pas l'affaire de Mme Ivery dans la longue liste de ses méfaits. Susan aurait-elle menti? Mon don me ferait-il défaut? Peu importe, demain je devrai aller voir la police, ou les médias pour révéler la vérité.

Je grimace légèrement de douleur lorsqu'une migraine vient me marteler la tête, voilà la conséquence de l'utilisation de mon pouvoir sur Erel.

—Quelque chose ne va pas, Iris? interroge-t-il en remarquant mon état.

Il ne semble pas préoccupé, simplement curieux.

—Non, non, tout va bien.

—Tu es pâle, il serait peut-être mieux que tu ailles te reposer dans ta chambre.

—Je t'ai dit que j'allais bien, je réponds, fermement. De toute façon, je ne vois vraiment pas ce que ça peut te faire.

Mélissa se crispe nerveusement sur sa chaise.

—Ce que ça peut me faire? Tu es ma fille, Iris. 

Je pousse un rire sombre, débordant d'amertume.

—Tu sais aussi bien que moi que ça n'a jamais rien voulu dire. Bonne soirée, Erel.

Je me lève et monte dans ma chambre, mes jambes tremblantes trahissant mon état fragile. Utiliser mon pouvoir sur Erel s'est toujours avéré un supplice, comme notre relation.

Me sentant de plus en plus mal en point, je me glisse sous les couvertures de mon lit et sombre dans un sommeil hanté de cauchemars.


La vérité qui détruitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant