Chap 22

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          Ce midi, Agathe n'a pas pu masquer sa crispation. On a bien vu que cela ne lui faisait pas plaisir qu'Astrid soit là. Pourtant ce n'est pas nouveau, mais on dirait qu'elle la tolère de moins en moins.

          Pauvre Simon. Il ne peut pas être pleinement satisfait de sa relation si l'une d'entre nous désapprouve. J'ai donné ma bénédiction pour que Simon soit heureux, mais je ne comprends pas pourquoi Agathe reste si fermée à ce sujet.

          Peut-être qu'Astrid a mal parlé à Aggi lorsqu'elles étaient aux micro-ondes un jour. Qu'est-ce qu'elle me cache ?

          Je n'ai pas le temps de me préoccuper de cela pour l'instant. Je suis plutôt tracassée par le mail que j'ai sous les yeux :

          « Mademoiselle Marinato,
je viens de mettre au propre les moyennes d'anglais, ainsi que les appréciations. Je voulais fêter votre classement en tant que première de classe avec vous. J'ai acheté de quoi faire des Spritz. Je vous attends à 20 heures.
                        - Atlanta - »

          Il est 20 heures. Je suis toujours plantée devant mon ordinateur. Après les points qu'elle m'a enlevés, elle ne mérite pas que je la rejoigne. Pourtant, je ne fais que de songer à y aller. J'en ai envie.

          Le fait d'être énervée contre elle me donne des papillons dans le ventre. Mon corps et mon esprit ont du mal à cerner les enjeux j'ai l'impression.

          Je sors de mon siège et j'arrive chez Madame Johnson avec une heure de retard. Lors du trajet en bus, je me pose des tas de questions : Je dois sonner ou frapper ? Y a-t-il une sonnette même ? Je fais quoi quand je la vois ? Je lui dis « Hello Miss Johnson » ? Je lui fais la bise ? Je l'embrasse ? On est plan cul après tout.

          Alors que je progresse doucement dans son allée, je me rends compte que toutes les inquiétudes que j'avais dans le bus étaient ridicules. La musique vibre jusqu'à mes pieds, c'est « Free from desire de GALA », pendant que des silhouettes déambulent devant les grandes baies vitrées.

          Je n'ai même pas besoin de sonner. Soit je vais me faire remarquer ou soit on ne m'entendrai simplement pas.

          J'ouvre la porte et je me fais la plus discrète possible lorsque je croise le regard d'une jeune femme blonde au visage familier. Elle me dévisage de haut en bas et crie :

- Atlanta ! Tu m'avais dit de te prévenir quand ta petite brune super sexy serait là. Eh ben... Elle est là.

Elle a vraiment parlé comme si je n'étais pas là.

- Enchantée, Jeanne, dit-elle avec le plus grand des sourires.

- Enchantée, moi c'est...

- Kiara ! s'exclame la voix de Madame Johnson.

- Vous ne m'aviez pas dit qu'il y aurait autant de monde, lancé-je.

La maison doit être remplie d'une trentaine de personnes. Étant donné que Jeanne est là ce doit être des amis de fac.

- Tu la vouvoies ? Meuf elle a ton âge !

- Ne te mêle pas de ça, Jeanne. Va nous chercher des Spritz, lui ordonne ma professeur.

Jeanne s'en va sans délai. Maintenant, je me souviens d'elle. C'est la nana des toilettes. Elle était là le soir où j'ai chauffé Madame Johnson au Banana Split.

- Vous avez bu ? lui demandé-je sans détour.

- Non, je vous attendais, répond-elle. Nous devions être rien que toutes les deux, mais je pensais que vous ne viendriez finalement peut-être pas, alors j'ai invité quelques amis.

- Je vous pensais plus introvertie.

- Je n'avais pas proposé à plus de dix personnes, mais Jeanne aime bien faire la fête, alors elle a ameuté tout le quartier.

Jeanne nous apporte deux Spritz bien chargés, puis repars danser avec un groupe de filles. Atlanta et moi quittons le haul pour aller dans la grande salle.

- Trinquons à la première de la classe ! s'exclame-t-elle.

- Comment puis-je être première de classe alors que j'ai eu 14 ? m'enquiers-je.

- Sûrement grâce à tes précédents bons résultats, crie-t-elle par dessus la musique.

Nos verres se cognent et nous trempons chacune nos lèvres dans notre Spritz. C'est étrange quand même. Elle a toujours été très souple dans la notation, d'autres élèves doivent forcément avoir une meilleures moyenne que la mienne. Il faut que je consulte les bulletins !

Au fil de la soirée, je sympathise avec un groupe d'amis de Madame Johnson. Puis, dès qu'elle a le dos tourné, j'emprunte l'escalier. Je ne sais pas où se trouve le bureau, mais elle a sûrement stocké les documents dedans.

Je monte instinctivement au second étage, ce doit être près de sa chambre. J'ouvre la première porte : c'est une chambre d'amis. Je la referme, puis je tente la suivante : des toilettes. Celle d'après est une bibliothèque avec un piano et un billard.

Je peux continuer comme cela pendant des lustres tant sa maison est grande. La pièce qui suit est enfin un bureau. J'allume une des lampes de la pièce, puis je ferme la porte pour ne pas que l'on décèle ma présence.

Je fouille le premier tiroir en ayant crainte de tomber sur une dizaine de vibros. Je repère immédiatement le dossier de notes. Il y a un document par élève, mais aussi un document général qui regroupe toutes les notes et les appréciations de la classe.

Je cherche mon nom : Marinato Kiara. Puis, je découvre ma moyenne : 18,4. Je jette un oeil au détail des notes : 18, 19, 17, 18, 20.

C'est impossible ! Elle ne m'a pas attribué de 14. Elle a laissé ma note initiale. Je vais vraiment finir par croire qu'elle fait du favoritisme. Je ne me sens pas légitime de ma place dans le classement.

Tout à coup, la porte s'ouvre et me voilà prise en flagrant délit par Madame Johnson.

- C'est là que vous vous cachez petite fouineuse ?

- Vous m'avez laissé mon 20 ! râlé-je.

- Nous en avions déjà parlé. Je ne retire de points à personne pour de simple fautes d'orthographe. Par contre, je ne vous ai jamais autorisée à pénétrer dans mon bureau, dit-elle en s'approchant de moi pas à pas.

Je la regarde faire le trajet jusqu'à en lever légèrement les yeux. Ce soir, elle me dépasse de quelques centimètres avec ses talons.

- À plat-ventre sur le bureau, m'ordonne-t-elle.

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