Spritz

Chap 25

Madame Johnson et moi avons passé la nuit enlacées. À chaque fois qu'elle se réveillait, elle se recroquevillait contre moi comme un petit bébé. C'est étrange de la voir agir comme cela, alors qu'en classe elle est extrêmement autoritaire.

Notre relation est plus que contradictoire. Même si l'on joue aux femmes fortes et indépendantes, on finit toujours par montrer des signes de vulnérabilité en réclamant de l'affection.

Hier, quand elle m'a embrassée dans le couloir, son baiser était passionné. Cette nuit encore, notre proximité étaient attendrissante. Pourtant, nos ébats sont rudes et sans pitié.

Cinq mois de relation ambiguë passent.

Elle aura mis sur mon bulletin une appréciation épatante qui ne pourra que m'apporter de la réussite dans la poursuite de mes études : «  Kiara est une élève remarquable. Elle est très rigoureuse et exigeante envers elle-même. L'excellence de ses résultats est le reflet de son travail acharné. Félicitations et très bon semestre. »

Ma mère n'en revenait pas ! Je lui avais si mal parlé de ma professeur qu'elle s'attendait vraiment au pire. Mon professeur de maths, Monsieur Stevens, a lui aussi été très indulgent. Ma moyenne dans sa matière n'a jamais été aussi élevée. Il est adorable.

Je n'ai pas vu le temps passer pendant ces cinq mois. Atlanta est souvent venue dormir à la maison. Ma mère essayait tout le temps de l'accaparer à elle seule. Elle pense désormais que c'est ma meilleure amie. Madame Johnson et moi n'avons laissé paraître notre relation à qui que ce soit.

Les cours d'anglais du vendredi me donnaient des papillons dans le ventre et des bouffées de chaleur. Elle a beaucoup de charisme lorsqu'elle est au tableau. C'en est affreusement excitant.

Le vendredi soir, j'allais souvent dormir chez elle. Elle faisait le service des boissons comme dans les restaurants étoilés. On prenait notre bain ensemble. On baisait jusqu'à l'aube, pourtant je n'ai pas encore essayé tous ses petits jouets. Ensuite, elle me massait jusqu'à ce que je m'endorme, puis je finissais la nuit dans ses bras.

Dès fois, Jeanne, Nika et d'autres amis de Madame Johnson passaient la soirée avec nous. Je me suis énormément rapprochée d'eux. Je me sens inclus dans leur groupe. En semaine, je sortais avec Agathe et Simon. On allait souvent au Spritz pour embêter Nathan.

Mon meilleur ami sort toujours avec Astrid, ce qui a l'air de déplaire à Aggi, même cinq mois plus tard. On sort alors parfois tous les quatre. Je tiens Simon au courant de mes rapports sexuels un peu farfelu avec ma professeur et il adore m'écouter pendant le trajet en bus.

Il ne reste que quelques semaines de cours, bien que tous les examens soient passés. Il faut tout de même que l'on reste sur nos gardes Madame Johnson et moi. Nous ne sommes pas à l'abris d'une expulsion. Dans moins d'un mois, cette deuxième année de lycée sera finie, on pourra alors se relâcher un peu plus.

Nous sommes le 31 mai et je cours chez Agathe comme tous les samedis. Hier soir, j'ai dormi à la maison. Madame Johnson passait la soirée avec Jeanne au Banana Split. Honnêtement, je n'ai plus de soucis à me faire. Quand elle est avec moi, Atlanta me fait comprendre que je suis la personne la plus chère à ses yeux.

          Même si elle embrasse toujours Jeanne en soirée, je sais que c'est que c'est de manière amicale. Et puis, on ne s'est rien promis toutes les deux. J'essaye d'adopter une vision mature de notre relation. J'aime vraiment bien ma professeur, alors si ce qu'elle veut c'est s'amuser, qu'elle le fasse ! Tout ce que je veux c'est la voir heureuse.

Ces derniers temps je ne ramène plus de DVD car on regarde directement « The Vampire Diaries » sur Netflix. Agathe est ailleurs ce matin. Elle n'a pas été très bavarde dans le groupe depuis hier. La connaissant, elle sait quelque chose. J'espère seulement que ce n'est pas à propos de Madame Johnson et moi.

          Nous sommes toutes les deux allongées sur son lit, face à la télévision, mais elle ne prête même pas attention à la série. À la place, elle rêvasse en regardant par la fenêtre.

          - Tout va bien Aggi ? m'inquiété-je.

          Elle n'ose pas répondre. Elle reste hésitante. Cela se lit sur son visage.

         - Tu peux tout me dire, ma belle. Je vois bien que tu es pensive, surenchéris-je.

         - Tu ne me croirais pas de toute façon, me lance-t-elle.

          - Qu'est-ce que tu sais ? dis-je un peu plus sèchement.

          Je peux m'attendre à tout et n'importe quoi : Elle m'a vue avec Madame Johnson ? Monsieur Stevens couche secrètement avec la CPE ? Simon est enceinte ?

          - C'est à propos d'Astrid...

          C'est repartit ! Elle va me reparler toute la matinée de la copine de Simon. Il faut vraiment qu'elle arrête de faire une fixette sur cette fille. C'est malsain.

          - Aggi... On en a déjà parlé des millions de fois...

          - Écoute-moi ! me coupe-t-elle.

          Je me tais et la laisse parler. Ça a l'air d'être important cette fois.

          - Tu as une minute, mais c'est tout.

          - Je l'ai vue hier après les cours. Elle était avec Thomas.

          - Thomas, son ex ? demandé-je.

          - Oui. Thomas, son ex.

          - Et alors ? Ils sont peut-être de nouveau amis.

          - Ils étaient en train de s'embrasser, Kiara... T'en connais beaucoup des amis qui s'embrassent ? rétorque-t-elle.

          Je connais Jeanne et Madame Johnson, mais je devrais éviter de sortir cet exemple.

          - Aggi, je sais qu'elle ne te plaît pas cette fille, mais ça a l'air de durer entre elle et Simon. Ils sont heureux ensemble, non ?

          - C'est vrai, mais...

          - Tu me dis souvent que tu la confonds avec les autres filles superficielles du lycée. Ce n'était sans doute pas elle.

          - Kiara, je sais très bien ce que j'ai vu. Voilà pourquoi je ne voulais pas t'en parler. Tu ne me crois jamais ! s'écrie-t-elle avant de me tourner le dos.

          Elle se replie dans sa couverture pour cacher ses larmes de colère. Je me joins à elle pour la réconforter.

C'est vrai que la première fois qu'on s'est rencontrées Astrid et moi, elle était très désagréable et elle a bien su cacher son jeu auprès des autres. Un incident de ce genre est possible de se reproduire.

          - Je te crois, Agathe, lui chuchoté-je. On va la coincer cette pétasse.

          Elle se retourne, le visage adoucit par mes paroles.