Le lundi 2 juin, je décide de ne pas prendre le bus de 16h avec Simon, mais plutôt de rester avec Agathe jusqu'à 17h pour vérifier si ce qu'elle a vu est vrai.
La mission est simple : on va au parking des bus à 17h, puis on observe Astrid et Thomas se rouler une énorme pelle pour se dire au revoir et hop, on la prend la main dans le sac.
Cela fait bien une heure que l'on squatte le banc du parking Aggi et moi. On discute de tout et de rien : de l'année où l'on s'était inscrites au club d'échecs du collège parce que l'on s'ennuyait aux récrés du midi, des parties de poker que l'on a pu jouer avec son frère et de la fois où Simon s'est retrouvé nu dans le jardin des voisins d'Aggi après avoir parié tous ses vêtements.
Soudain, la sonnerie annonce la fin des cours de 17h. Cela veut dire qu'Astrid peut débarquer d'une minute à l'autre. Avec Agathe, nous nous cachons entre deux bus pour ne pas que l'on nous remarque.
- Kia, elle arrive, dit Aggi.
- Où ça ?
- Elle a un short en jean et elle porte des lunettes de soleil.
- Je ne la vois toujours pas, lui réponds-je tout en scrutant la foule.
- Cache-toi andouille !
Je me replie entre les bus, en continuant d'observer Astrid rire avec Thomas. Tous les deux grimpent dans le même bus en validant leur titre de transport.
- Merde ! Ils prennent le même bus, s'étonnent Agathe.
- Qu'est-ce qu'on fait ? demandé-je.
- Suis-moi ! m'ordonne-t-elle.
Elle marche l'air de rien vers le bus dans lequel sont montés nos suspects. C'est étrange. Ils n'habitent absolument pas au même endroit. Alors pourquoi prennent-ils le même bus ?
Agathe monte à bord, valide son titre, puis s'installe sur les premiers sièges pour ne pas attirer leur attention. J'agis de même en me faisant la plus discrète possible.
Le bus démarre, et puisqu'Agathe est côté fenêtre, c'est elle qui se charge de vérifier qu'Astrid ne descende pas.
Quelques arrêts plus tard, Aggi m'adresse un coup de coude discret et me lance :
- C'est ici.
Nous saluons le chauffeur, puis nous descendons. Astrid marche bien aux côtés de Thomas. Pour l'instant leur amitié n'a pas l'air si ambiguë que cela, mais on ne sait jamais. Pour faire plaisir à Aggi, je l'accompagne dans sa mission espionnage.
Nous nous tenons suffisamment éloignées du supposé « couple d'amants » pour ne pas attirer leur attention. Nous les regardons entrer dans une propriété audacieuse. Le terrain de façade est joliment décoré de pivoines et de lys. On en serait presque distrait du fait qu'ils s'embrassent.
ILS S'EMBRASSENT ? ASTRID ET THOMAS S'EMBRASSENT ! Ce n'est même pas un petit baiser pour plaisanter, leurs langues sont carrément de la partie. Thomas lui donne même une petite claque sur les fesses avant de la laisser entrer dans la maison.
J'ai été distraite une seconde : la seconde la plus importante de la mission. Je suis vraiment une mauvaise équipière. Heureusement qu'Agathe était sur ses gardes depuis le début, elle a eu le temps de prendre quelques photos. J'espère qu'on y voit clair.
- T'as vu, je te l'avais bien dit, s'exclame-t-elle d'un ton affligé tout en rangeant son téléphone.
Je pensais qu'elle serait fière de me montrer qu'elle avait raison, mais actuellement elle a plutôt l'air déçue. Elle doit penser au chagrin que va ressentir Simon lorsqu'il apprendra la nouvelle. C'est un si bon garçon, un si bon ami et un si bon copain. Je ne comprends pas pourquoi le monde est si cruel avec lui.
- Bon, qu'est-ce qu'on fait maintenant ? demande Agathe.
- On ordonne à Astrid de quitter Simon et on lui envoie les photos pour qu'elle s'exécute assez rapidement, réponds-je.
- Fais-le toi. Moi, j'y arriverai pas. T'as un plus fort caractère que moi. Tu sauras la confronter.
Lors du trajet en bus, je rédige le message à Astrid. Je lui envoie les quelques clichés pris par Agathe sur lesquels on la voit très clairement fourrer sa langue dans la bouche de Thomas, puis j'accompagne ces photos d'un petit message : « Tu as jusqu'à vendredi, dernier délai, pour t'éloigner de Simon sinon je m'en charge à ta place. »
Je squatte mon lit l'air déprimé. J'ai cette sensation bizarre d'avoir été transférée dans une autre dimension. Le genre de dimension qui te fait remettre ta vie en question et ne plus croire en rien lorsque tu apprends une nouvelle bouleversante.
Depuis qu'Astrid s'était excusée il y a quelques mois, je pensais l'avoir mal jugée et que c'était une personne bien finalement, mais j'ai été trop naïve, et Simon d'autant plus.
Alors que je défile des vidéos sur TikTok, une notification s'affiche : « Astrid.vdn : Oh non, je ne crois pas ma chère Kiara sinon... » Je ne peux pas voir le message en entier. Il faut que je clique sur la notification pour qu'il s'affiche. C'est bien trop angoissant pour moi. Mon coeur s'arrête et ne veut pas se remettre à battre.
Ce n'est pas la réponse à laquelle je m'attendais. Elle a l'air sûre d'elle. Elle ne flanche pas une seule seconde même à la révélation de son secret qui peut mettre en péril sa relation. Comment peut-elle être aussi sereine, alors qu'on vient tout juste de découvrir sa tromperie ? Qu'est-ce qu'elle peut bien posséder de pire ? « Sinon... » quoi ?
Mon coeur se remet à battre douloureusement. Je n'ouvre pas son message. Pourtant, dans la minute qui suit, je reçois un message d'Agathe réclamant des nouvelles. Elles sont connectées ou quoi ?
Je dois ouvrir le message d'Astrid. Je décide avec réticence d'afficher la discussion : « Moi : Tu as jusqu'à vendredi, dernier délai, pour t'éloigner de Simon sinon je m'en charge à ta place. » « Astrid.vdn : Oh non, je ne crois pas ma chère Kiara sinon tout le lycée risque de savoir que tu passes sous le bureau de ta prof d'anglais pour avoir des bonnes notes. Je comptais garder ça secret, mais si tu m'obliges à lâcher la bombe je ne vais pas me gêner. Tu as plus à perdre que moi. On se voit demain à la récré Kia :) »
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Spritz
RomanceKiara, risque de mettre en péril son avenir scolaire si elle continue de se comporter de manière aussi insolente en classe. Elle fait mauvaise impression au près d'Atlanta, sa professeur d'anglais qui n'hésite pas à la remettre à sa place. De cette...