Chap 16

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          Nous nous demandions, avec Agathe, comment cela se faisait que Monsieur Stevens soit toujours célibataire, alors que c'est l'homme le plus respectable qui m'ait été donné de rencontrer, quand soudain Simon et Astrid débarquent dans le réfectoire.

           Le visage de Simon est tout illuminé à l'idée que nous soyons tous les quatre réunis. Personnellement, cela ne m'enchante pas trop. J'essaye de quitter la table au plus vite pour aller réchauffer mes gnocchi.

          Alors que je suis au micro-ondes, Astrid se joint à moi. Va-t-elle encore essayer de me dépasser cette fois ?

          - Ça à l'air de faire plaisir à Simon que l'on mange tous ensemble le vendredi, déclare-t-elle d'une voix étonnamment aimable.

          - Oui il a l'air content, réponds-je sèchement.

          Un ange passe.

          - Kiara. Je suis désolée de t'avoir brusquée la dernière fois.

          Elle semble sincère. Je l'ai sûrement mal jugée. Elle veut tout faire pour que Simon se sente bien. Peut-être que c'est une fille gentille dans le fond, mais qui ne se laisse pas faire aux premiers abords.

          - Merci pour tes excuses, j'apprécie.

          Nous retournons nous asseoir. Je n'ai jamais eu l'air aussi détendu que ce midi. Je me sentais tout à coup plus à l'aise. Parfois les excuses font du bien. Même si l'on ne pensait pas en avoir besoin. Elles nous allègent d'un poids dans notre vie.

          Alors que Simon et moi sommes installés dans le bus, j'aborde un sujet qui lui tient à cœur. Je sais qu'il sera heureux de l'apprendre.

          - Je pense que tu devrais te lancer avec Astrid, annoncé-je.

          - Qui êtes-vous et qu'avez-vous fait de mon amie Kiara ? s'étonne-t-il.

          - Haha très drôle imbécile, le piqué-je.

          - Que me vaut ce changement d'avis ?

          - Je sais pas, elle m'a l'air plus gentille que ce que je ne pensais.

          Il sourit jusqu'aux oreilles. Je pense que ce soir, il ne va pas dormir tant il sera émoustillé d'avoir obtenu ma bénédiction.

          Moi non plus, je n'arriverai sûrement pas à dormir, tant je serai énervée contre ma professeur. Je ne dormirai pas non plus les mois suivants.

          Je rends ma sanction le vendredi 27 septembre en y laissant un petit mot à la fin : « Je ne faisais pas allusion à ce genre de punition et vous le saviez. Je vous pensais plus joueuse que ça. »

          Je n'ai jamais eu de réponse à cette provocation. Elle est toujours restée très professionnelle en classe, ignorant les trois dernières semaines d'alchimie sexuelle entre nous.

          Je ne l'ai recroisée ni au bar, ni en boîte. Je pense qu'elle évitait d'y aller. Je me suis beaucoup remise en question. Peut-être même un peu trop. Je sais que c'est mal d'éprouver de l'attirance pour une professeur, mais rien n'y fait elle me rend dingue.

          Je veux l'avoir nue dans mon lit, la dévorer toute entière. Respirer son odeur vanillée et m'endormir dans ses bras. Je veux qu'elle prenne possession de moi, comme je prendrai possession d'elle.

          Pendant les vacances d'octobre, je continue de la stalker sur les réseaux sociaux. Je like même une de ses publications sans faire exprès. Je reçois quelques heures plus-tard une demande d'ami et un message de sa part disant : « Arrêtez de baver devant votre téléphone, Miss Marinato. »

          Voilà que je suis prise en flagrant délit. Je n'ai jamais répondu à son message. Je suis morte de honte. Je ne l'ai même jamais ouvert. Sa demande d'ami reste toujours en attente. Je ne l'ai ni acceptée, ni refusée. J'ai bien trop de fierté pour avouer que je lui cours après.

          Mon père est revenu pendant les vacances. Il nous a couvertes de cadeaux, ma mère et moi, comme si cela pouvait combler son absence. C'est sans doute pour ça que j'aime les femmes plus âgées. J'ai besoin d'amour parental.

          Les cours ont repris, mais aucune de nous deux ne décide d'entreprendre quoique ce soit de nouveau ou de risqué. Je continue de sortir le mardi et le vendredi soir avec Agathe et Simon, alternant entre le Spritz et le Banana Split.

          Nous sommes le vendredi 7 décembre et je rejoins mes deux meilleurs copains au Banana. On s'enfile pas mal de cocktails dont j'ai même oublié le nom.

          - Faut que j'aille pisser les gars, tâchez de ne pas commander d'autres cocktails sans moi, déclaré-je.

          Je rejoins les toilettes, puis j'évacue les litres d'alcool ingérés. Je me lave les mains et m'apprête à sortir, quand une paire d'yeux émeraude s'ouvrent grands face au miroir.

          C'est le reflet de Madame Johnson. Elle se lave les mains juste à côté de moi et je ne l'avais même pas remarquée. Elle porte une robe noire très courte qui met en valeur la forme de ses seins. Ils pointent, tandis que ses pupilles se dilatent.

          - Madame Johnson, dis-je par courtoisie en la saluant d'un signe de tête.

          Je lui tourne le dos pour marcher vers la sortie lorsqu'elle attrape mon bras d'une main. Elle me fait pivoter pour que je sois face à elle, puis m'agrippe la nuque de l'autre. Elle m'embrasse rudement, dans un élan d'excitation.

          Elle a sûrement bien bu. Tout le monde sait à quel point l'alcool l'excite. Je ferme les yeux pour mieux me concentrer sur ses lèvres chaudes et charnues.

          Elle ne m'avait jamais embrassée auparavant. C'est encore mieux que ce que j'imaginais. Elle recule, m'admire de haut en bas en se mordillant la lèvre inférieure, puis recommence.

          Après un baiser long et intense, je me détache.

          J'ai passé exactement deux mois et dix-sept jours à me remettre en question, à réfléchir à notre relation. Je me suis convaincue que c'était du passé, que je devais arrêter de ressentir des papillons dans le ventre quand je la voyais, mais elle vient littéralement de tout foutre en l'air.

          Madame Johnson réinstalle le doute en moi.

          L'alcool est censé anesthésier mes pensées. Alors pourquoi je réfléchis autant. Si j'arrête de réfléchir, je vais perdre le contrôle. Je ne veux pas perdre le contrôle.

          J'ai envie de la sauter...

          Presque trois mois de sobriété sexuelle, je ne peux pas craquer maintenant.

          La porte des toilettes s'ouvre.

          - Kia ! C'est Agathe ! Elle se sent pas très bien ! crie Simon, en portant Aggi dans les bras.

          - Vu le nombre de verres qu'elle s'est enfilée on devrait l'emmener à l'hôpital, dis-je.

          - Je vous y emmène, intervient Madame Johnson.

          - Mais vous avez bu ! m'exclamé-je.

          - Je n'ai rien bu ce soir, Kiara.

SpritzOù les histoires vivent. Découvrez maintenant