Chapitre 10

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Amélie


Après m'être faite prendre la main dans le sac, je souhaite quitter le Moulin Rouge pour rejoindre le cocon de mon foyer. Je ressens une grande frustration de n'avoir pas réussi à subtiliser cette précieuse clé. Une colère sourde m'habite à l'égard de mon incapacité à réaliser une tâche aussi simple. Cheminant, je rumine incessamment la récente scène, redoutant d'être traquée par la pègre. Pour une fois, je demeure insensible aux regards alentour, avançant d'un pas déterminé vers ma demeure, plongée dans mes pensées au point de ne pas prêter attention à mon environnement.

Arrivée chez moi, je gagne directement ma chambre, m'installant face à ma coiffeuse. Je démaquille méthodiquement mon visage, alors que mon esprit est assailli par des pensées oppressantes. Le fiasco de la mission et la menace du gang planant sur moi et mon frère me plongent dans un état de stress insoutenable. La seule issue qui s'impose à moi est de garder le silence, de faire comme si de rien n'était, de feindre l'oubli. Ignorer la menace, agir comme si tout était réglé.

Une fois mon visage débarrassé de toute trace de maquillage, vêtu toujours en serveuse, je rejoins mon frère installé sur la sofa, en pleine lecture d'un roman. M'asseyant à ses côtés, je lui adresse d'une voix douce :

- Je t'aime infiniment, petit frère, tu es l'unique homme cher à mon cœur.

- Moi aussi, grande sœur, je t'aime, répond il en m'embrassant le front.

Il me fallait lui confier ces mots avant que la situation ne s'emballe, il lui fallait être informé. Ces déclarations sont rares entre nous, mais elles surviennent toujours quand l'un a besoin de réconfort et de soutien. Ainsi, nous restons là, blottis l'un contre l'autre devant le poste, jusqu'à ce que le sommeil m'emporte.


Flash back :

J'étais là avec mon frère, assis devant la porte de notre appartement. Plutôt celle de notre ancien appartement, il y avait de la moisissure et des rats qui passaient devant nous mais cela ne nous faisait pas peur. Ce qui nous effrayait le plus, c'est le fait que nous allions devoir survivre dehors seuls. Alors que je suis une femme et lui un enfant, nous n'avons rien à manger et il nous reste peu de temps à vivre. Si on continue comme ça, je n'aurais pas d'argent et mon frère ne pourra pas travailler. En tant que femme, j'ai énormément de difficultés à trouver du travail, j'ai postulé dans différents bars et surtout dans un bar très important qui se nomme le Moulin Rouge. Je pense que c'est celui qui pourrait le plus propulser ma carrière mais je n'ai toujours pas reçu de réponse donc je suis pour le moment sans emploi, pauvre et à la rue.

Nous sommes devant notre ancien appartement pour essayer au moins de rester au chaud le temps que l'hiver passe. Mon frère à côté de moi grelotte alors je prends ma veste à fourrure et la mets sur ses épaules. Même si moi aussi j'ai froid, il ne doit pas mourir. Je tiens plus que tout à lui. Alors s'il faut que je sacrifie ma vie pour lui, je le ferai. Je serai capable de vendre mon corps pour le sauver. Nous avons vécu ensemble, nous avons survécu ensemble et nous vivrons ensemble. Et si le destin change cela, je sais que mon frère réussira à se débrouiller tout seul, mais j'espère que le jour de ma mort arrivera seulement pour le sauver.

-Je t'aime petit frère, dis-je tout en lui faisant un baiser sur le front.

-Et moi donc, ma chère sœur, il répond en me serrant dans ses bras

La Pickpocket du Moulin RougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant