Chapitre 21

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André


Alors que je marche pour rentrer chez moi, je ne peux m'empêcher de penser que les gens sont fous aujourd'hui. Qui, seigneur qui irait menacé une simple serveuse d'un oiseau mort, juste parce qu'elle l'a contrarié ?

Quand j'ai reçu un appel en pleine réunion avec mes lieutenants et que j'ai entendu sa voix, j'ai d'abord été réjoui. Nous ne nous étions plus vues depuis plus d'une semaine... Seulement, lorsque j'ai entendu son appel à l'aide et le timbre angoissé, je me suis précipitée chez elle à toute vitesse.

Instinctivement, j'ai tout de suite su qu'il y a avait un problème...

Et quand elle s'est retrouvée devant moi, j'ai dû me contrôler pour ne pas la prendre dans mes bras, cela aurait été trop inconvenant... Puis en découvrant le corbeau étranglé, j'ai dû faire preuve de tout mon sang froid pour ne pas montrer mon inquiétude.

Ce genre de menace n'est pas à prendre à la légère...

Et puis, rien qu'à l'idée qu'il arrive la moindre chose à Amélie, mon sang gèle dans mes veines.

On ne touche. Pas. Mon. Phénix.

Je crois que si je retrouve celui qu'il cherche à l'effrayer, je perdrais tout contrôle de moi-même... Et cette idée ne me plaît. Je ne comprends pas comment ce Phénix arrive à ce point à accaparer mes émotions et à détruire tout le contrôle que j'ai sur moi-même.

Sentir que je perds ce contrôle est à la fois effrayant et libérateur.

Il n'y a qu'à ses côtés que je me sens vraiment moi-même...


***


Alors que la nuit vient seulement de tomber, je passe l'entrée du Moulin Rouge en saluant le Vigile, qui me connaît avec l'habitude. Je m'assois à ma table habituelle, commande et whisky et sourit en retrouvant ce décor lumineux et bruyant.

Ce cher cabaret m'avait manqué...

J'observe les alentours, cherchant Amélie du regard, un sourire s'incrustant naturellement sur mes lèvres. Seulement, lorsque je la trouve enfin, mon sang ne fait qu'un tour face à ce que je découvre.

Mon Phénix, acculé contre un mur par un homme à l'air énervé et éméché.

Et si c'était lui ? Si c'était lui qui la menace ?

Il devient de plus en plus virulent, et il m'est alors impossible de rester là, sans rien faire. Je les rejoins, et tout en marchant je sens mes émotions se bloquer et mon visage se décorer d'un sourire narquois.

Je remets sans pouvoir le contrôler mon masque de mafieux...

J'arrive à leur niveau, et pose ma main sur l'épaule de l'homme. Ce dernier débite des propos incohérents et injurieux, puis se tourne vers moi en sentant mon contact.

- Que veux-tu ? Je parle à Mademoiselle, donc attend ton tour d'accord ?!

Mes doigts s'enfoncent dans son épaule, assez fort pour le faire gémir de douleur. Je déclare d'un ton glaciale :

- Tu vas t'éloigner de la demoiselle, mon ami. On a des choses à se dire, toi et moi...

Il écarte ma main d'un geste vif, et beugle :

- Quel est ton problème à toi ? Tu n'as pas entendu, attends ton tour !

Je soupire. Je ne voulais pas en arriver là, mais...

Je le fais soudain pivoter vers moi, et sans attendre une seconde, mon poing s'écrase sur son visage. Il recule et tombe sous la force du coup, alors qu'un léger sourire étire mes lèvres. Je m'avance vers lui, les mains dans les poches, tandis qu'il tente de se relever. Je lance avec une pointe de sadisme :

- C'est bon, j'ai ton attention à présent ? Je ne sais pas ce qui t'as fait pensé que me donner des ordres ou pire, LA toucher, mais clairement il y a quelque chose que tu ne comprends pas...

J'attrape son verre à moitié entamé sur la table, et le rejoint alors qu'il s'est relevé, et qu'il s'adosse contre un mur en grognant de vagues insultes.

Arrivé bien face à lui, je le coince à mon tour contre le mur et avale une gorgée de sa boisson. Je grimace face au goût amer de sa consommation.

Je lance d'un ton polaire :

- Dégoûtant.

Puis, je balance le verre contre le mur, un éclat entaillant même son visage. Il hurle que je suis un malade, tandis que je reste là, sans ciller, les mains à nouveau dans mes poches.

Je me penche, et souffle à son oreille :

- N'ose plus jamais la toucher, ou même lui adresser la parole. C'est clair ?

Il s'énerve et comme à vouloir me frapper, mais j'évite chaque coups qu'il lance, en baillant presque.

Il est pathétique...

Soudain, le videur débarque et alors que je pensais qu'il allait simplement foutre le malotru dehors, il déclare qu'on en a assez fait et nous ordonne à tout les deux de sortir.

Je plante mon regard acerbe dans le sien, et l'interroge d'un ton acerbe :

- Sérieusement ? Vous me mettez à la porte ?

- Monsieur, veuillez ne pas discuter et quitter l'établissement.

Je crache, de plus en plus énervé :

- - Je protégeais simplement une de vos serveuses, vu que vous en êtes visiblement incapable !

Visiblement mes mots lui déplaisent particulièrement, si bien qu'en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, je me retrouve hors du cabaret.

Je peste, insulte et menace le videur pour rentrer à nouveau, mais il ignore simplement.

Je finis par comprendre que mes actions sont inutiles, et prends une grande inspiration en passant une main sur mon visage. Je claque la langue contre mon palais en fusillant l'homme du regard, puis quitte les lieux.

De retour chez moi, je tente de rappeler Amélie, incapable de m'endormir.

Mais je sonne dans le vide...

J'ai beau répéter les appels, je reste sans réponse.

Je soupire, en passant ma main dans mes cheveux. Qu'est-ce que cette fille m'a fait ? 

La Pickpocket du Moulin RougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant