Chapitre 17

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André


Notre sortie se termine sur cette franche rigolade.

Elle m'annonce alors devoir rentrer chez elle, et tandis que j'allais l'enlacer pour la saluer, elle s'exclame dans un rire :

- Tout doux camarade. Une poignée de main me paraît plus appropriée.

J'accepte sans rechigner, et serre sa douce main.

Sa paume contre la mienne me provoque des pics électriques sur tout l'épiderme..

Nous brisons le contact, et elle fait demi-tour tandis que je reste là, à observer le parc.

Aujourd'hui, je suis un homme riche qui se promène dans le parc Monceau. Qui peut y emmener une amie, y photographier des oiseaux et y manger une glace.

Je suis cet homme aujourd'hui...

Pourtant, 21 années auparavant, ce n'était pas la même histoire...


Flashback :


-Mère... Mère je t'en prie !

- Il en est assez, André. Tu as 8 ans, tu es grand maintenant. Tu n'as plus besoin de moi pour vivre !

Ses mains maternelles me repoussent, me laissant m'échouer contre le sol.

Je n'ai que mes vêtements sur moi, pas de valises ni même d'argent. Et elle me rejette comme un malpropre...

Je me rue sur la porte, et tape de toutes mes forces contre le battant en la suppliant de me reprendre.

Mes petits poings contre le bois, je hurle :

- Mère ! Mère pitié ! MAMAN !

Mais rien, aucune réponse. Je m'effondre contre la porte, en sanglotant.

Je ne peux pas... J'ai besoin de maman....Pourquoi elle m'abandonne ?


***


Je m'approche d'une dame qui a l'air gentille, et tente :

- S'il vous plaît Madame... J'aurais besoin de quelques francs, pas beaucoup... J'ai tellement faim...

La femme me jette un regard dégouter, et me rejette d'un geste dégouté de la main. Elle appelle son mari et déclare d'un ton répugné :

- Chéri ! Mon amour, éloigne ce pouilleux de moi, je suis sûre qu'il est plein de maladies !

Sa phrase me fait l'effet d'un coup de poignard dans le cœur.

Il y a seulement quelques semaines, j'étais un garçon comme un autre. Et je suis presque sûr que la femme m'aurait donner ces quelques pièces si je n'avais autant changé entre-temps...

En quelque jours, ma peau s'est noircie de crasse, le manque de nourriture m'a largement aminci, et mes vêtements sont tâchés de saletés en tout genre.

Je retiens de nouvelles larmes, et m'éloigne par moi-même de la femme. Je retourne m'asseoir sur mon banc, dans ce parc que j'habite depuis plusieurs jours.

J'ai essayé d'aller vivre chez des amis de mon école, mais ils m'ont tous rejeté. Ma nouvelle condition m'a fait perdre tout respect de leur part...

Je grelotte en frottant mes bras pour me protéger du froid.

Je voudrais seulement rentrer chez moi...

Mes yeux se ferment lentement, et j'ai tellement froid que je crois un instant mourir. Je déteste tellement cette nouvelle vie, ça me semble presque être une bonne fin...

Mais alors que le froid et les ténèbres allaient m'emporter, je sens une main se poser sur mon épaule. Je me réveille en sursaut, et analyse mon environnement.

Je remarque un jeune garçon, assis à côté de moi sur le banc.

Il me souffle d'une voix inquiète :

- T'endors pas, il fait trop froid... Reste réveillé, reste réveillé d'accord ?

- Tu es qui ? je l'interroge d'une voix enrouée, à cause de toutes les larmes que j'ai versé.

- Je m'appelle Louis. Et je suis comme toi.

C'est vrai qu'il porte le même type de vêtements que moi, que son air est tout aussi triste, et qu'il semble tout aussi maigre.

Mais une chose nous différencie...

Sa peau est noir, la mienne est blanche.

Ma mère me répétait sans cesse que ceux qui ne sont pas blancs comme nous sont inférieurs. De la racaille...

Pourtant, ce garçon est d'une gentillesse frappante !

Je plonge mon regard dans le sien, et confirme tristement :

- Je suis André. Et je suis d'accord, toi et moi on est pareil.

La Pickpocket du Moulin RougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant