Les Os des Baleines Bleues

Extrait du texte sacré contant la colère de Rorqual

Retranscrit de l'ancien meiséen par la grande prêtresse en 1003.

« L'humanité toute entière ressentit la mort de la déesse Cymopolée. Chaque homme, chaque femme, chaque enfant ressentit la force de ce deuil comme un coup porté au sternum. Alors que l'humanité se pliait en deux, vomissant de souffrance, Rorqual se redressa de tout son long. Le compagnon de Cymopolée était au-delà de la simple colère. Il avait déjà coléré des jours et des mois durant et l'humanité avait été sourde au désespoir du dieu. Personne n'avait daigné l'écouter alors qu'il ne luttait que le rétablissement de sa bien-aimée. Ce jour terrible marqua la période la plus sombre de notre pays : Rorqual ne fut pas tendre avec les créations de sa bien-aimée. Des vagues aussi hautes que des montagnes déferlèrent sur Boucanier, érodant la falaise poreuse avec tant d'entrain que des pans entiers de la ville sombrèrent au fond de l'océan. À Auturié, les orages se firent si violents que les toits s'effondraient sur eux-mêmes et trop de maisons devinrent des tombeaux. Aucune prière, aucun cri, aucune larme n'arrêtèrent la fureur de Rorqual qui semblait plongé dans une transe si profonde qu'il ne pouvait en être sorti. Comment un être immortel arrive-t-il à appréhender la mort d'un être aimé ? se demandaient les philosophes de l'ancien temps. Il n'y arrive pas, voilà la réponse très simple à cette grande interrogation. Le deuil de Rorqual remodela les côtes même de Meisea. Le Puits de Cymopolée fut saisi d'un tremblement de terre, suivi d'une lame de fond qui emporta tous les déchets accumulés dans ses profondeurs à la surface. La noirceur que l'humanité avait caché au fond du Puits se déversa à la surface, dans la baie de Le Lagon, avec des mugissements monstrueux. Les habitants de la capitale mourraient, empêtrés, ensevelis sous leurs propres déchets. Ils s'éteignaient de la même façon que Cymopolée, et Rorqual ne décolérait toujours pas. »