On est rentrés de Chine il y a une semaine, et pourtant je me sens toujours aussi crevé. Sérieux, les déplacements de la VNL, quel enfer. Je plains les finalistes qui doivent se coltiner encore un déplacement en plus -un bled français, Lille, je crois. Moi, je suis tranquille dans mon canapé, et j'ai branché mon ordinateur à la télé pour voir le replay du match d'hier (Serbie-Brésil) sur grand écran. Résultats des courses pour le Japon : on se classe douzièmes sur seize. C'est pas si mal, on a fait de belles choses. L'Argentine, elle, est quatorzième. Pas terrible. Dommage pour Oikawa-san. Comme quoi, il aurait mieux fait de rester ici... Mais visiblement, il en est conscient.
Je vais pas mentir. Je stressais de le revoir. Atsumu se foutait de ma tronche et Bokuto essayait de me distraire -Ushijima-san ne disait rien, comme d'hab- mais j'étais vraiment apeuré. Et quand je l'ai vu, c'est à peine si je l'ai reconnu, alors que je lui ai parlé il y a moins de deux ans. C'était toujours lui, le même homme, le même physique, la même voix, mais quelque chose avait changé dans son regard. Je m'attendais à y retrouver... je sais pas, moi, tout ce qui fait Oikawa : de l'orgueil, de la détermination, de l'intelligence, de l'impatience. Je m'attendais à son sourire de coin, à ses petites phrases bien senties, alors, le génie ? Prêt à se faire piétiner par le grand et bronzé Oikawa-san ? ou j'en sais rien, bref, quelque chose qui aurait crié OIKAWA TOORU.
Sauf que... rien du tout. Il n'a même pas répondu quand je l'ai provoqué après ma seconde main, il est juste resté là à me regarder avec ses yeux éteints. Ça m'a foutu les jetons. J'ai eu l'impression qu'il était mort à l'intérieur. Alors j'ai voulu lui parler, bon, Atsumu m'a fait la gueule, mais je pouvais pas ne pas chercher à comprendre, non ? Et là... Après quelques mots, il a craqué. Devant moi. J'ai jamais vu Oikawa-san pleurer depuis le collège quand il perdait contre Shiratorizawa, pas même le jour de la rupture. Et pourtant il était là, les yeux humides, la voix cassée, à renifler, à dire L'Argentine, bah, c'était peut-être pas une bonne idée...
Je crois que ça m'a brisé le cœur une seconde fois.
Donc il a bien fini par regretter d'être parti. Iwaizumi-san avait raison, et j'avais raison d'espérer secrètement. Sauf qu'il est Argentin, maintenant, ce n'est pas comme s'il était revenu au bout de six mois, non, ça fait cinq ans qu'il vit là-bas, et la dernière fois qu'on s'est parlé aux Jeux Olympiques, il était toujours déterminé à se faire naturaliser. Je ne sais pas ce qui l'a fait changer d'avis entre-temps, ce qui lui est arrivé pour le rendre si triste. Il est titulaire à San Juan et il est de plus en plus présent dans l'équipe argentine, c'était ce qu'il voulait, non ? C'était ça, son rêve, c'était ça, sa raison de partir. Alors peut-être qu'il ne s'entend pas avec ses coéquipiers, qu'il ne s'est pas fait d'amis là-bas, qu'il n'aime pas la bouffe argentine, je sais pas, je sais rien. Mais j'y pense tout le temps depuis, je me creuse la tête même inconsciemment, mes pensées reviennent à ce moment, à ses yeux bruns et mouillés, sa voix qui n'avait plus rien de sarcastique, je ne suis pas heureux là-bas.
Et maintenant quoi ? Il compte revenir ? Je ne sais pas, mais l'espoir s'est ravivé, au fond de moi. Pourquoi pas ? Peut-être qu'on pourrait... Non, je me fais des idées. Mais quand on s'est parlé, il y avait cette espèce de tension que je sentais entre nous, un peu comme à l'époque, comme aux premiers rendez-vous où on faisait les timides. J'ai eu envie de le prendre dans mes bras quand il a craqué, mais j'ai pas osé, je me suis dit, je ne suis qu'un ex. Mais il m'a complimenté... Et il m'a souri... On s'est remis à parler par messages... Franchement, je sais plus où j'en suis. Je suis complètement paumé, et je suppose que lui aussi.
Je me trouve un peu pathétique (comme dirait Tsukishima) de ne pas tourner la page après cinq ans, de continuer à penser à lui, à mon premier amour, comme si j'allais jamais m'en remettre, jamais connaître d'autre relation. Mais j'ai personne d'autre dans le viseur, personne n'est comparable. Peut-être que je suis fait pour être amoureux d'Oikawa, pour le rester à vie, que c'est irréparable, même en dépit du temps et de la distance. Comme dirait Atsumu, c'est bien tragique.
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Ikaroi
FanfictionEst-ce que ça en valait la peine ? Je ne le saurai sans doute jamais. A présent, je regarde en arrière vers ma liberté perdue, et je voilà ce dont je me souviens : des sourires brillants, des corps d'athlètes, des médailles d'or et des regards de br...