II. 3. Tobio

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Il est minuit, ça fait une heure qu'on est là, et je m'ennuie. Enfin, c'est peut-être trop poli. Je me fais chier, voilà.

Miya-san voulait vraiment aller à cette soirée. Je croyais qu'il était fatigué et qu'il voulait dormir, mais il s'est remotivé. Moi, j'étais pas chaud. C'est les Jeux Olympiques, ça ne sert à rien de gaspiller de l'énergie. Mais quand il m'a dit qu'il y aurait peut-être Christenson, et Marouf, et Bruno... Bref, la crème des passeurs mondiaux, j'avoue que j'ai trouvé ça assez tentant. Alors je l'ai suivi.

Pour l'instant, aucun des trois n'est là et j'ai donc décidé de faire la gueule à Miya. Pour ça, et pour m'avoir affiché par rapport à Oikawa tout à l'heure. Franchement, comme s'il avait besoin de le dire devant Bokuto-san et Ushijima-san... ! J'ai l'air ridicule, maintenant. En plus, j'étais vraiment sur la page de la sélection argentine par hasard. Non, vraiment, je comptais les regarder une par une. Je me suis juste un peu attardé dessus, c'est tout.

Je soupire. Personne ne nous calcule. Simone est venu dire bonjour -je le trouve sympa, on a le même âge et le même poste, on s'est croisés plusieurs fois avec nos équipes respectives en U19- mais il a été rappelé par son équipe. Depuis, Miya, Bokuto et moi, on est assis sur le balcon, avec dans les mains des éco-cups remplie de vin rouge. J'aime pas le vin, mais je bois pour m'occuper.

On n'est pas si nombreux, en fait. Il y a surtout des Italiens, quelques Américains et Canadiens. Je reconnais des joueurs impressionnants, mais ils restent entre eux, en cercle. Au vu de la musique, je pensais que les gens allaient danser, non que ça m'intéresse, mais j'attendais quelque chose de plus... animé.

-Je vais aller me resservir, déclare Bokuto. Et en passant, je ferai exprès de bousculer Anderson pour m'excuser et me présenter.

Il se lève et disparaît à l'intérieur. Dès qu'on est seuls, Miya pousse mon pied avec sa basket :

-Eh, Tobio-kun. Tu me fais la tête ?

-Non.

Il éclate de rire. Miya a une drôle de manière de rigoler. C'est explosif et sincère, ça me réchauffe de l'intérieur.

-Ça se voit quand tu mens. Allez, tu m'en veux parce que tu trouves la soirée nulle ? J'avoue que je m'attendais à mieux aussi.

-Hm.

Je tourne les yeux vers le village olympique. La majorité des petites fenêtres des tours sont toutes noires, mais ça et là se découpent de petits carrés de lumière. Ils font sûrement des trucs plus fun que nous. Je suis à deux doigts de rentrer et d'aller me coucher.

-Nous n'avons pas besoin de souvenirs, dit tout à coup Miya.

-Quoi ?

Ça y est, il a vrillé.

-C'était la bannière d'Inarizaki. Fais un effort, Tobio, on a fait deux matchs officiels, t'as dû la voir.

-Ouais, peut-être. Et donc ?

-Je te dis ça. Nous n'avons pas besoin de souvenirs. Le présent, c'est tout ce qui compte, et le passé peut rester dans le passé, il ne nous sert à rien.

Ce raisonnement est nul. Le passé, c'est important. Dans le passé, il y a Kazuyo et ses conseils. Il y a le roi du terrain et les erreurs à partir desquelles j'ai évolué. Inarizaki devrait se trouver une bannière plus classe, comme la nôtre « Envolez-vous ». Ou bien plus représentative, comme « Jumeaux maléfiques ».

-Tu penses encore à lui, hein ?

Je me retourne. Miya me scrute. Ça me met mal à l'aise. Je regrette de lui avoir raconté mon histoire avec Oikawa, mais j'ai pas eu trop le choix. En décembre d'il y a bientôt trois ans, on avait eu un camp d'entraînement juste avant Noël avec l'équipe jeune, et c'était tombé pendant mon anniversaire. Brocolis 2 et Komori m'avaient apporté un gâteau avec des bougies après le repas du midi, l'équipe avait chanté, ça m'avait fait plaisir. Je fêtais mes dix-sept ans.

IkaroiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant