Ikaroi

III. 10. Tobio

Romero arrive aujourd'hui.

Je suis super nerveux. Je n'ai pas dormi de la nuit. Je prends une douche froide, je m'habille, je me regarde une dizaine de fois dans le miroir avant de quitter mon appart et de marcher jusqu'au gymnase.

J'ai souvent pensé à lui ces derniers temps. Presque tout le temps, en fait. Je me pose trop de questions à son sujet depuis que je l'ai vu dans les couloirs avec Joffe pendant le championnat du monde -sérieux, deuxième fois que je tombe sur eux, je dois avoir un sale karma. Sauf que cette fois-ci, ils n'étaient pas en train de se rouler des patins contre un mur. Moi qui voulais juste me chopper une briquette de lait... Mon cerveau a juste saisi le tableau : Romero coincé dans un angle, Joffe qui lui tenait le bras et qui parlait en italien d'un air menaçant, et j'ai pas réfléchi avant d'intervenir. En plus, j'aime pas Joffe, j'ai trouvé ça satisfaisant de le faire dégager.

Alors, qu'est-ce qu'il s'est passé entre eux ? Ils ont rompu ? Ils étaient amants, probablement, enfin, ça n'efface pas le fait que Romero est marié et qu'il a été infidèle... C'est ça, le défaut qui vient contrebalancer son talent, son physique et sa personnalité ? Et puis, ce n'est pas la seule zone d'ombre. Je ne sais toujours pas pourquoi il arrive au Japon. Il vient d'être finaliste du championnat du monde avec une équipe incroyable, et le voilà qui débarque droit chez nous, je ne dis pas qu'on est faibles mais on n'a clairement pas un niveau de Superlega. Et pourtant, son avion a atterri hier soir, Hirugami, le coach et le président du club sont allés l'accueillir. Et ce samedi matin, exceptionnellement, c'est les présentations officielles et le premier entraînement.

Alors je stresse. On a à peine échangé quelques phrases, lui et moi, mais chacune de nos interactions m'a bouleversé. Son regard qui m'a complètement allumé à la première soirée des Jeux Olympiques. Ses mains sur mes épaules, son étreinte, sa voix au creux de mon oreille à la fin de ceux-ci. Et le mois dernier, sa reconnaissance, son rire, le sentiment qu'un lien de confiance s'est créé entre nous...

Je suis presque arrivé quand je reçois une notif :

Oikawa Tooru [13. 10. 2018. 7:41] : Tu vas voir le Tamagawa Fireworks Festival ce soir ?

Ah, le feu d'artifice. Je crois qu'Hoshiumi en parlait.

Moi [13. 10. 2018. 7:43] : Peut-être. Je t'enverrai des photos

C'est plutôt codé romantique, comme truc, mais je suppose qu'on peut y aller entre potes. Et peut-être que l'année prochaine, j'irai avec lui, avec Tooru, comme j'ai repris l'habitude de l'appeler en pensée... Lui et moi, je crois que c'est en bonne voie. Plus j'y pense et plus j'en suis sûr. On s'est embrassés deux fois, on s'est dit qu'on se reverrait, qu'on se retrouverait, et on a déjà prévu de passer du temps ensemble aux vacances de Noël... Alors, j'attends qu'on y soit pour avoir une discussion sérieuse et savoir ce qu'on fait l'année prochaine. Si on va tous les deux en Superlega, alors... Alors peut-être qu'on peut essayer de se remettre officiellement en couple. Et puis, à long terme, puisqu'il ne se sent pas bien en Argentine, il peut toujours revenir au Japon...

Oikawa Tooru [13.10.2018. 07:46] : Avec plaisir. Bon entraînement pour aujourd'hui, Tobio-chan!

Moi [13.10.2018 07:47] : Merci ! J'ai trop hâte de jouer avec Romero

J'ai évité d'en parler à Oikawa jusqu'ici, il me semble qu'il n'aime pas trop l'équipe brésilienne, et puis, le connaissant, il serait jaloux s'il savait que je pense à d'autres hommes. Il n'y a qu'à voir la réaction qu'il a eue quand j'ai parlé d'Atsumu -autant dire que j'évite soigneusement de le mentionner par message, même si je le vois encore souvent.

Oikawa Tooru [13.10.2018 07:49] : Sois prudent avec lui.

Eh voilà, pile ce que je disais. Mais au fond, ça me flatte un peu qu'il soit possessif comme ça. Ça veut dire qu'il tient à moi. Quand je franchis la porte du gymnase, le stress remonte d'un coup ; je rejoins mes coéquipiers dans les vestiaires et ils sursautent :