I. 3. Koushi

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Ce matin, en me brossant les dents, je coche sur mon calendrier la date du lundi 28 octobre.

Je ne peux pas m'empêcher de regarder les jours précédents. Vendredi 25 : premier match de qualifications pour le tournoi de printemps ; samedi 26 : quarts de finale et demi-finale; dimanche 27 : finale. Tous ces matchs ont eu lieu. Tous ces matchs ont été gagnés par Karasuno. Jozenhji, Wakutani, Aoba Johsai, Shiratorizawa. Quand j'y repense, quand nos attaques défilent dans ma tête, un immense sourire étire mes lèvres -et oups, ça fait mal avec la brosse à dents coincée dedans. Je me rince la bouche, et je note dans mon mémo de m'acheter le calendrier 2013 rapidement, pour pouvoir inscrire, en majuscules, du 4 au 9 janvier : tournoi de printemps.

Je n'en reviens pas. Je suis sur un petit nuage. Nous sommes qualifiés pour les Nationales, pour de vrai. Après tout ce que Karasuno a traversé -les champions en déclin, les corbeaux sans ailes- nous prenons à nouveau notre envol. J'ai beau être un peu frustré de ne pas être le passeur titulaire, j'ai pu entrer sur le terrain, j'ai pu marquer mes points, et je tire autant de gloire de cette qualification que n'importe quel autre joueur.

Je passe la journée dans l'euphorie totale, à échanger des sourires et des regards complices avec Daichi en classe, lui aussi dans le même état d'esprit. Les camarades de classe nous félicitent, même les profs s'y mettent. Le soir, à l'entraînement, c'est à la fois très léger et très rigoureux : tout le monde est soulagé d'avoir passé cette étape, la fierté est palpable ; et en même temps, nous sommes bien conscients que quelque chose d'encore plus grand approche, et qu'il faudra être prêts.

Enfin... Quand je vois Nishinoya crier rolling thundeeeer en prenant soin de s'écarter des trajectoires des attaquants, Tanaka et Asahi qui réussissent des services smachés, Yamaguchi et Kinoshita qui commencent à faire systématiquement zipper les réceptionneurs ; quand je vois Tsukishima diriger le contre avec intelligence, quand je vois Daichi anticiper les gestes de chacun des membres de son équipe, et quand je vois les courtes de Hinata et Kageyama toujours aussi rapides et imprévisibles, je me dis qu'on a toutes nos chances.

Ukai est satisfait, Takeda aussi, et on rentre dans la salle de club pour se changer dans la bonne humeur. Je viens de fermer ma veste quand j'entends quelque chose qui vient, pour la première fois, perturber un peu tout cette bonne ambiance :

-Et le grand roi, comment il le prend d'avoir perdu contre toi ?

C'est Hinata, accroupi au fond de la salle de club, face à Kageyama qui fait ses lacets. Je m'avance d'un pas vers eux, craignant la réponse de Tobio. C'est vrai que moi aussi, je me suis posé la question, mais avec la finale contre Shiratori le lendemain, je n'ai pas trop eu le temps d'y penser.

Car depuis cet été, Kageyama sort avec le capitaine d'Aoba Johsai, Oikawa. Je me rappelle encore des réactions quand il l'avait annoncé, juste avant notre départ pour le camp d'été à Tokyo : bon, voilà, en fait je sors avec Oikawa-san ; Hinata, Tanaka et Nishinoya avaient hurlé, Asahi, Yamaguchi et Kinoshita l'avaient félicité (d'un air effrayé), et Daichi et moi, on l'avait pris à part pour lui parler, histoire de mettre un peu les choses au clair sur leur situation, puisqu'Oikawa, bah... l'équipe n'en garde pas vraiment un bon souvenir. Et même si j'avais grillé depuis quelques semaines que Kageyama semblait serein et qu'il y avait peut-être une intrigue sentimentale là-dessous, je n'avais pas imaginé que l'heureux élu puisse être son ancien aîné et l'adversaire qui nous avait vaincus à l'Interhigh.

Au début, j'avoue, j'ai eu peur que ce soit un jeu de la part d'Oikawa, et j'ai pris soin de demander à Kageyama comment ça se passait dans sa relation dès que j'en avais l'occasion -et aussi parce que j'adore les potins exclusifs. Je m'en veux de dire que ça m'a étonné, mais tout semble se passer parfaitement entre eux. Oikawa est venu l'attendre à la sortie de Karasuno deux ou trois fois -et ça faisait tout drôle de les voir s'embrasser ou se tenir la main ; Kageyama, quoi ! Notre petit Kageyama tout boudeur et tout renfermé, impliqué dans une relation amoureuse, capable de donner des marques d'affection ! Et puis, Oikawa, il est quand même super charismatique...

IkaroiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant