J'ai donné rendez-vous à Tobio au restaurant où, il y a trois mois, on a fêté ensemble son anniversaire. Je me souviens de cette soirée comme si c'était hier. Je l'avais attendu à Karasuno pour lui faire une surprise, on s'était câlinés et embrassés ; puis on avait mangé ici, et on avait passé le repas à discuter et rigoler ensemble. Ensuite... on était rentrés chez moi et on avait eu notre première fois.
Aujourd'hui, je le rencontre avec l'intention de rompre.
J'aimerais dire que la décision n'a pas été facile à prendre, mais en vérité, elle était évidente. Blanco est venu m'offrir la seule possibilité que je puisse saisir d'accomplir mon rêve de devenir un joueur de rang mondial. Et il n'y a qu'une solution pour ça : quitter le Japon, le suivre en Argentine.
Jusqu'ici, j'en ai uniquement parlé avec mes parents et avec Iwa-chan. Je ne veux pas que tout le monde soit au courant. Les parents ont d'abord cru que je délirais, puis, à force de leur expliquer jour après jour que c'est la meilleure solution, que je ne serai pas seul en Argentine, et que c'est la condition de réalisation de toutes mes ambitions, ils ont commencé à voir les choses plus positivement. Iwa-chan... eh bien, Iwa-chan prévoit lui-même de partir en Californie quelques années pour se former, donc il ne peut légitimement me faire aucun reproche sur le fait de m'expatrier.
Sauf un.
Je vais quitter Kageyama Tobio, alors que depuis le début, je lui promets que je serai au Japon l'an prochain, et qu'on continuera à se fréquenter. Alors, oui, ça me fait mal de laisser Tobio derrière moi ; il est attachant, j'ai des sentiments pour lui, j'aurais préféré poursuivre notre petite histoire ; mais il faut que je me réveille. Cette relation est une douce illusion dans laquelle je ne peux pas m'épanouir. Mon petit-ami est ma plus grande source d'insécurité. Ce n'est pas de sa faute, mais c'est comme ça ; et j'aimerais ne pas avoir à lui faire de mal.
Mais c'est comme ça.
Mon cœur se serre quand je le vois arriver. Malgré le mois d'avril qui s'approche, il porte encore son écharpe -la mienne, de fait, la bleu sombre que je lui ai donnée de bon cœur quand il avait voulu la garder parce qu'elle avait mon odeur. Le pincement dans ma poitrine s'accentue à ce souvenir. J'aurais voulu amorcer les choses plus tôt, engrainer dans son esprit l'idée qu'une rupture puisse survenir, semer des indices toujours plus flagrants ; j'ai eu l'occasion, depuis janvier, mais quand j'ai essayé, c'était de mauvaise volonté, et il n'a pas eu l'air de les saisir.
-Salut, Tooru-san.
Il se hausse sur la pointe des pieds et m'embrasse sur la bouche. Je me force à rompre le baiser avant qu'il ne s'éternise.
-Yo, Tobio-chan.
Je n'ose pas lui demander comment ça va. Pas quand je sais que la réponse va changer à cause de moi.
On rentre, et on s'installe tranquillement. Il entreprend de lire le menu, et je tâche de faire de même, mais je n'arrive pas à me concentrer. Mes yeux se sont arrêtés sur la carte sans la voir. J'ai beau avoir imaginé la scène cent fois, je ne trouve pas les mots. Peut-être qu'il y a un an, quand je pensais le détester, ça aurait été facile. Il m'aurait suffi de lui tirer la langue, de le pousser en arrière et de dire : gros naze, Oikawa-san t'a fait le bonheur de passer du temps avec toi, maintenant c'est fini, va pleurer au pays des génies. Mais ce n'est plus pareil. J'aime ce garçon, j'aime sa personne. Ce que je n'aime pas, ce que je n'ai jamais aimé, c'est ce qu'il représente sportivement -mais c'est insurmontable, je le sais, et j'inspire profondément pour me donner du courage.
-Tu as passé une bonne semaine ? me demande Tobio.
Il me sourit. Il est en confiance. Oh, bon sang. Détruire ce que l'on a construit de ses mains.
VOUS LISEZ
Ikaroi
FanfictionEst-ce que ça en valait la peine ? Je ne le saurai sans doute jamais. A présent, je regarde en arrière vers ma liberté perdue, et je voilà ce dont je me souviens : des sourires brillants, des corps d'athlètes, des médailles d'or et des regards de br...