Quatre mois.
Cela fait presque quatre mois entiers que je cherche des réponses sans les trouver. Quatre mois, en écho aux quatre lettres qui forment ce mot que je maudis désormais, ces deux syllabes murmurées dans la nuit et qui résonnent encore dans ma tête : bébé.
José Blanco est un homme froid, j'ai fini par l'apprendre, à la dure, comme on dit, à force de me faire ignorer, de recevoir des réponses évasives, de voir mes propositions rejetées. C'est lui qui décide quand on se voit, c'est lui qui mène toute notre relation, jamais l'inverse. Il me fait des cadeaux, il me fait des compliments, mais il y a toujours une barrière infranchissable entre nous qui fait qu'il n'y a jamais rien eu de sincèrement, réellement romantique. J'aurais voulu, oui, c'est sûr, et je n'ai pas encore perdu espoir. Après tout, je crois bien que je n'aime personne dans le monde autant que lui.
J'ai pensé, naïvement, que cette barrière était due à son mariage, ou peut-être au fait que je sois plus jeune que lui de quasiment trente ans. Et même quand j'imaginais sans vouloir y croire qu'il avait d'autres amants, je les voyais comme égaux ou inférieurs à moi. Après tout, c'est moi qu'il a invité en Argentine, moi qu'il a nommé passeur à San Juan, moi qu'il a reçu et écouté avant que quiconque connaisse mon nom et ma valeur.
Alors, au final, peut-être que j'aurais toléré qu'il voie d'autres garçons, tant que j'étais sûr d'être le favori. Peut-être que j'aurais accepté qu'il passe un moment ou une nuit avec un autre, pourvu d'être assuré de rester le préféré. Mais voilà. José Blanco ne m'a jamais donné de petit surnom. Or, il y a quelqu'un dans ce monde qu'il appelle bébé.
Je suis jaloux. Je suis horriblement jaloux, ou même pire que ça. Je crois que je n'ai jamais connu quelque chose de cette ampleur, pas même au collège quand le talent de Tobio risquait de m'éclipser. Moi qui veux toujours être au premier plan, être important, ou même plus, nécessaire -me voilà rappelé à ma situation de simple accessoire. Oui, voilà, je suis l'accessoire de José Blanco, son jouet, sa chose, et même pas sa préférée. Je ne comprends plus rien. Pourquoi est-ce qu'il a fait tant d'efforts pour moi, pour ma carrière, s'il ne m'aime pas au moins un peu ? Et surtout, pourquoi est-ce que j'ai encore plus envie de lui plaire maintenant ? Pour lui prouver que je vaux bien mieux que n'importe qui d'autre, que je suis prêt à tout pour lui ? Par provocation, par orgueil mal placé, encore, sûrement...
Alors, j'ai essayé de lui parler. J'ai tenté d'en savoir plus. D'abord avec diplomatie, quand il était chez moi, de bonne humeur après nos ébats :
-Dis, José... Je n'ai pas oublié ce que tu as dit, l'autre jour. Est-ce qu'on peut en rediscuter ?
-Je ne sais pas de quoi tu veux parler.
J'avais mordu l'intérieur de mes joues avant de lâcher :
-Ton amant. Ton autre amant. A moins que t'en aies toute une collection...
José avait terminé son verre de vin d'une traite, puis m'avait lacéré de ses yeux clairs :
-Oublie ça, Tooru.
Sur le coup, je n'avais rien trouvé à répondre. C'était comme un ordre qu'il me donnait, je ne voulais pas aller contre sa volonté, je ne voulais pas prendre le risque de lui déplaire -parce que si je lui déplaisais, moi qui ne lui étais pas essentiel, alors il n'aurait pas beaucoup de remords à me jeter. Et après, ça serait quoi ? Le côtoyer au club tous les jours le cœur brisé ? Non, non, je devais rester dans ses faveurs. Alors j'avais attendu deux semaines, et j'avais réessayé, en optant pour une autre technique, une fois qu'on marchait côte à côte après un match gagné ; j'avais demandé frontalement :
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Ikaroi
FanfictionEst-ce que ça en valait la peine ? Je ne le saurai sans doute jamais. A présent, je regarde en arrière vers ma liberté perdue, et je voilà ce dont je me souviens : des sourires brillants, des corps d'athlètes, des médailles d'or et des regards de br...