Bon, l'Argentine est éliminée des Jeux Olympiques.
Tout ça pour ça. J'avoue que j'aurais voulu qu'ils aillent un peu plus loin, après tout, naturellement, ce sont mes favoris ; c'est mon pays d'adoption, ce sont mes futurs coéquipiers, j'ai envie que l'équipe ait une bonne réputation. D'un autre côté... S'ils ne sont pas parfaits maintenant, ça me va aussi. Peut-être que mon arrivée les tirera vers le haut. Comme José a fait, quand il était lui-même joueur.
J'essaie de capter son attention tandis que l'équipe retourne vers les vestiaires d'un air défait ; il est là, il parle avec l'arbitre et un préparateur mental, puis il s'en va à son tour sans m'adresser un regard. Hum. Il est sûrement déçu, lui aussi, et là maintenant, sa place est auprès de ses joueurs ; bientôt, j'en ferai partie. Je lui enverrai un petit SMS tout à l'heure pour voir ce qu'on fait, et aussi aux gars que je connais, histoire de me mettre dans leurs bonnes dispositions.
Je me demande si on arrivera à battre le Brésil un jour. Oui, certainement que oui ; mais en tout cas, pour l'instant, je n'ai vu que des défaites. J'aimerais bien être celui qui les fera tomber, tiens, et je m'y vois déjà, à faire une seconde main au moment le plus critique et à leur faire ranger leurs dents. Oh, purée. Je suis vraiment devenu Argentin en fait.
C'est le deuxième match que je vois ; je suis venu regarder les deux quarts de l'après-midi. Je suis arrivé hier en soirée, et je me suis installé dans un hôtel pas trop loin -encore des folies de José, ça, de me prendre une chambre alors qu'on est en plein Jeux Olympiques et que les prix ont explosé. Mais enfin, ça me touche. Et puis, je pense qu'il est content que je sois là, sinon il ne m'aurait pas emmené ici avec lui... Je me demande combien de nuits on va passer ensemble. Comme l'équipe est éliminée, je suppose qu'il aura d'autant plus de temps libre.
Je lui envoie le message tout de suite :
Moi [17.08.2016 00:18] : Je rentre à l'hôtel ? Je t'attends ?
Je range mon téléphone, et je balaie les gradins des yeux. Je me suis demandé s'il était là, lui aussi. Le Japon a été éliminé en poules, mais logiquement, l'équipe reste présente jusqu'à la cérémonie de clôture, et je ne le vois pas rater ce genre de match... Evidemment, j'ai suivi le parcours des Japonais de près. Je n'arrive pas à identifier ce que j'ai ressenti en les voyant rater leur qualification. J'ai beau être salé, je ne pense pas que j'aurais fait une différence avec eux. Je commence à sentir que ma place n'y est pas, n'a jamais été.
Mais la sienne, oui. C'est évident. Et je ne peux pas me mentir, chaque fois que je l'ai vu appelé en tant que pinch-server et s'avancer dans son maillot rouge vif, chaque fois que les caméras se sont braquées sur ses doigts tandis qu'il faisait tourner le ballon entre ses mains, chaque ralenti de son service, ce service, et, au fond, mon service, j'étais au bord de mon siège. Je me sentais fier. Je me sentais coupable. Je me sentais tout plein de choses que j'aurais cru incompatibles.
Et puis, ça a fait resurgir plein de souvenirs. Je me suis retrouvé, comme un idiot devant mon PC, à essayer de concilier le Tobio de dix-neuf ans à l'écran à celui de seize ans que j'avais encore dans la tête... et ma mémoire m'a renvoyé, avec une clarté effrayante, un paquet d'images que j'avais cru perdues. Tobio qui m'attend devant les grilles d'Aoba, sa veste noire ouverte sur sa chemise blanche, les joues un peu roses, les yeux effrontés, comme s'il me défiait de l'embrasser devant tout le monde. Tobio, qui porte mon T-shirt turquoise de club après la douche, les soirs où il dormait chez moi, allongé dans mon lit, le nez dans les draps, qui marmonnait ça sent toi d'un air déjà endormi... Tobio, les lèvres ouvertes et humides, le visage rejeté en arrière pendant que j'étais sur lui, que je le serrais dans mes bras à le casser et que je lui disais, lâche-toi, c'est bon, on est tout seuls.
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Ikaroi
FanfictionEst-ce que ça en valait la peine ? Je ne le saurai sans doute jamais. A présent, je regarde en arrière vers ma liberté perdue, et je voilà ce dont je me souviens : des sourires brillants, des corps d'athlètes, des médailles d'or et des regards de br...