II. 9. Flavia

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Quand je me réveille ce matin, je suis trempée de sueur.

On n'est pourtant que fin août, les températures ne sont pas très élevées le matin ; et comme je suis encore engourdie de sommeil, il me faut une minute pour comprendre que c'est le corps à côté de moi qui dégage tant de chaleur. Je me redresse dans le lit, et le bras de Nico qui était posé en travers de ma taille glisse sur la couette. Il fronce imperceptiblement les sourcils dans son sommeil, et je pose une main sur sa joue. Elle est brûlante.

Je soupire. Ça fait cinq jours que mon mari est rentré des Jeux olympiques, enfin, rentré est un bien grand mot puisqu'on a notre appartement à Rio même ; mais il a pu quitter le village olympique, et revenir chez nous avec une médaille de plus à accrocher dans la vitrine, celle qu'il rêvait d'avoir depuis quelques temps, et qui est venue agrandir une collection déjà bien remplie. Je m'étais dit qu'on pourrait profiter un peu, tous les deux, maintenant que les compétitions étaient finies. J'aurais dû me douter que ce ne serait pas si simple.

Je passe mes doigts dans ses cheveux, ils sont humides. Ça fait des semaines qu'il ne s'est pas reposé, avec l'enchaînement de la VNL et des Jeux olympiques. Il s'est surmené pour tenir jusqu'en finale, deux fois de suite -et maintenant qu'il est épuisé et sorti de l'adrénaline, il tombe malade. Prévisible. Ce n'est pas la première fois que ça arrive.

Je m'habille sans faire de bruit -une tenue discrète, jean, sweat-shirt, lunettes de soleil pour descendre sans trop me faire repérer ; je veux juste aller à la pharmacie, après tout. Mais avec les millions d'abonnés qui me suivent quotidiennement, j'ai bien conscience que j'ai des chances de croiser quelqu'un qui me reconnaisse si je ne prends pas les précautions nécessaires.

Je souris en sentant mon jean un peu serré à la taille. Je suis enceinte de trois mois. Ce n'est pas encore officiel, bien sûr, mais ça le sera sous peu. Pendant que j'attends incognito à la pharmacie, je ne peux pas m'empêcher de me dire qu'il y a trois ans, c'était inimaginable. A l'époque, les temps étaient difficiles. J'ai connu la célébrité à seize ans, après une série de films à succès, et tout s'est enchaîné très vite dans ma vie : les interviews, les contrats, les gens qui m'entouraient, les paparazzi... et les scandales.

Les scandales amoureux, surtout. J'ai eu des dérapages avec l'alcool et la drogue, oui, comme tous les enfants stars, je dirais. Mais les amours, c'est autre chose. J'aime séduire, j'aime plaire. Mais je n'arrive pas à rester sérieuse. Je n'arrive pas à m'engager. En quelques semaines, je finissais invariablement par me lasser, peu importe le beau gosse de rêve avec qui je sortais, je finissais par le quitter, ou par le tromper, et peu à peu, à force d'être suivie à travers chaque aventure par une armée de paparazzis avides de potins, mon image a commencé à se dégrader. J'en étais là, oui, il y a trois ans, et je me souviens encore de mon agent qui m'engueulait :

-C'est pas possible, Flavia ! Tu as été vue chez lui. Franchement, fais les choses proprement ! Tu crois que c'est bon pour ton image d'enchaîner les conquêtes ? Le public te trouve immorale. Tu perds des abonnés. Les marques te lâchent. Bientôt plus personne ne voudra s'associer à ton nom !

Et j'en pouvais plus. Parce que, au fond, je sens que c'est dans ma nature, c'est pas ma faute, je me sens piégée dans une relation. J'ai besoin de plusieurs personnes, j'ai besoin de changement, c'est comme ça, je ne rentre pas dans le cadre, je ne rentrerai jamais dedans, ou alors j'exploserais en vol. Je ne suis pas faire pour les relations monogames, je crois que c'est tout.

-Les femmes de ton âge sont mariées, ont des enfants, et une famille. Bref, une stabilité. Ça, ça rassure les gens ! Alors arrête deux minutes de te comporter comme une gamine et case-toi, bordel !

Case-toi. Mais je ne suis pas faite pour être casée. Tout mon être y répugne. Rester toute ma vie avec un seul homme ? Impossible, ce ne serait plus une vie, je dépérirais. Sauf que si je continuais comme ça, j'allais foutre ma carrière en l'air, je le savais bien. Mes amis et ma famille eux-mêmes commençaient à me tourner le dos.

IkaroiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant