I. 1. Tobio

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Mon premier réflexe en ouvrant les yeux ce matin est de vérifier mon téléphone.

J'ai l'impression de sortir d'un rêve, d'un très beau rêve. Le genre trop beau pour y croire et qui laisse une sensation de vide au réveil, quand on se rend compte que tout ça n'était que dans la tête.

Et pourtant, les messages d'hier sont encore là. C'est vrai, tout est vrai. Je n'ai pas rêvé.

Je n'étais pas sûr de vraiment connaître le bonheur avant aujourd'hui. Ça peut paraître un peu désillusionné pour un ado de quinze ans, mais je pensais que ce n'était plus pour moi. Quand Kazuyo... Enfin, depuis que Kazuyo est décédé, il y a un vide dans la famille. Miwa est partie. Les parents sont toujours au travail.

Ce n'est pas beaucoup plus brillant à côté. Les images de mon dernier match de collège me restent encore bien en tête, la balle tombée sans être frappée, qui rebondit sur le sol et s'éloigne de moi, la voix de Kindaichi, c'est terminé, le roi, on ne te suivra plus. Je pensais que le lycée serait un nouveau départ, mais ça n'a pas très bien commencé. Shiratorizawa m'a refusé ; alors j'ai voulu intégrer Karasuno pour le vieux coach Ukai, mais il est parti pile quand je suis arrivé. Bref. Pas la joie.

Mais aujourd'hui, tout ça, c'est loin. Aujourd'hui, je me lève de bonne humeur. Je me sens euphorique.

C'est si étrange d'être heureux.

Si dépaysant.

Je passe la journée dans ma bulle. J'arrive pas à écouter les cours, enfin ça ce n'est pas vraiment inédit ; mais rêvasser pendant l'entraînement, ça, c'est inhabituel. Et je me fais cramer.

-C'est quoi cette tête ? me lance Hinata à l'entraînement. Tu... tu souris, là ?

-Hein ? N'importe quoi !

Sugawara-san m'adresse un regard complice, la bouche en cœur :

-Si, si, Kageyama, je t'assure que tu souriais.

-Quoi ? s'écrie Tanaka-san en rappliquant aussitôt. Tu nous caches quelque chose ?

-Un coup d'Etat ? suggère Tsukishima (ce connard).

Je peux pas leur expliquer. Pas maintenant, en tout cas. La défaite contre Aoba Johsai est encore trop fraîche pour que la nouvelle passe bien.

La fin de l'entraînement est ponctuée par les questions incessantes de Hinata, les cris de Tanaka, et les airs de connivence de Sugawara, qui, peut-être, est le seul à se faire une idée juste de ce qui m'arrive en ce moment. Les autres n'auraient même pas eu l'idée de commencer à y penser. Et je ne les blâmerais pas pour ça.

La solitude n'est plus à l'ordre du jour. La pensée ne veut plus sortir de ma tête tandis que je marche vers le point de rendez-vous. Tout s'arrange, maintenant, tout va bien. Tout ira bien.

J'ai une équipe qui m'accepte...

Et j'ai un petit-ami.

Plus je m'approche et plus je sens l'adrénaline commencer à me faire frémir. Dans le doute, je reprends mon téléphone, je relis bien les messages, je me concentre sur les plus importants ; je veux me donner de la contenance, et les mots, par miracle, sont toujours là, sont toujours les mêmes : j'ai des sentiments pour toi, je sais que ça a été compliqué entre nous, mais est-ce que tu accepterais de sortir avec moi ? on peut se retrouver demain au parc près de Kitaichi.

Quand je relève les yeux de l'écran, il est là.

Je reconnaîtrais sa silhouette entre mille. Je me sens pâlir, j'ai peur. Et si je faisais une erreur ? Et s'il me disait que c'est une mauvaise blague ? Ou qu'il me filme à mon insu pour avoir un bon fou rire dans sa salle de club avec Kindaichi et Kunimi ?

IkaroiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant