Quand l'idiot qui me sert de meilleur ami m'a dit qu'il partait en Amérique du sud pour jouer dans le club de Blanco et demander la nationalité argentine, j'ai pensé : cool, et en même temps : quel con.
Cool, parce que quand même, avoir la possibilité d'intégrer une ligue pro étrangère et envisager de rejoindre l'équipe nationale par naturalisation, c'est classe. L'Argentine, c'est loin d'être une équipe faible. Je me doute qu'il ne faut rien de moins à Oikawa que ce genre de parcours original. Peut-être aussi que ça lui fera du bien de prendre un nouveau départ et que là-bas, ils sauront apprécier son talent. Alors, ouais, on peut se dire que c'est facile, Blanco va le pistonner... mais honnêtement, après toutes les défaites essuyées juste parce qu'on avait la malchance d'être de la même génération qu'Ushiwaka, c'est quand même un juste retour des choses.
Et quel con pour deux raisons, enfin, il y a des tas de raisons d'insulter Oikawa, mais pour cette décision en particulier, j'en ai deux majeures. D'une : il n'a pas joué franc-jeu avec Kageyama alors qu'ils avaient une belle relation et il lui a probablement brisé le cœur en lui apprenant qu'il allait partir un mois avant. Ça, c'est du comportement de connard et je ne cautionne pas du tout. De deux, c'est moins perceptible, mais ça me tracasse quand même : j'ai un mauvais pressentiment. Oikawa fonce tête baissée, aveuglé par la réputation et les promesses d'un vieux champion. C'est un peu trop beau pour être vrai, et j'ai peur qu'il finisse par être déçu.
Enfin, moi aussi, je vais partir, mais pas tout de suite. Je commence tout juste ma première année d'université, et je partirai quelques semaines en Californie pendant les vacances d'été pour rencontrer ma propre inspiration : le coach Utsui Takashi, l'auteur de l'ouvrage sur la prévention de blessures sportives que j'ai passé mon lycée à lire et relire. Comme quoi, Oikawa et moi, on a toujours nos points communs : chacun épaulé par un coach à l'étranger. Mais moi, je compte finir mon cursus universitaire, et me mettre sous l'égide d'Utsui une fois le diplôme en poche, pas avant. Je n'ai pas la dégaine pour être joueur pro, il faut que j'assure mes arrières dans ce que je fais.
Une nouvelle vie a commencé avec la fac et mon indépendance, et j'ai l'impression que le lycée est déjà loin derrière moi. Je l'avoue, c'est bizarre, d'être ici tout seul sans Oikawa. D'être en cours sans lui. De faire du volley sans lui. Il m'a envoyé des photos de l'Argentine, bien sûr, des paysages, de son appart, de la nourriture, et aussi beaucoup de selfies inutiles. Il a l'air très heureux là-bas, sans compter qu'il va passer l'été à assister aux matchs de la Ligue mondiale, puisque certains gros matchs de poule et les finales ont lieu dans le pays. Encore un piston de Blanco qui lui a réservé les places. Ce type est décidément bien gentil.
Bref, assez pensé à Oikawa. Je lui ai promis de le démolir la prochaine fois qu'on serait face à face, donc, logiquement, dans quelques années lorsque je serai dans le staff japonais et lui, si ses projets fonctionnent, passeur dans l'équipe argentine. De grosses ambitions, mais on bosse dur chacun de notre côté. Et pour moi, ça implique de commencer la journée par un jogging dans le parc de la ville. L'entretien par la routine, il n'y a que ça de vrai.
Je ne pense à rien quand je cours. J'écoute le bruit de mes pas et de mon souffle, ça me vide la tête, ça me fait du bien. Alors quand je vois passer un adolescent, plutôt grand, avec des cheveux noirs et un air d'ennui, il me faut quelques secondes avant de replacer que je le connais.
-Eh, Kageyama !
Je me rends compte, en le voyant sursauter, que je n'aurais peut-être pas dû l'appeler. J'ai eu l'occasion de le fréquenter plusieurs fois cette année, mais c'était toujours dans le cadre du volley ou par l'intermédiaire d'Oikawa ; on n'a jamais trop eu l'occasion de parler en tête-à-tête et je n'ai aucune idée de ce que je vais lui dire.
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Ikaroi
FanfictionEst-ce que ça en valait la peine ? Je ne le saurai sans doute jamais. A présent, je regarde en arrière vers ma liberté perdue, et je voilà ce dont je me souviens : des sourires brillants, des corps d'athlètes, des médailles d'or et des regards de br...