Délaria

☀️Chapitre 33 : Délire de vérité☀️

La nuit noire accueille mes pas ainsi que mes chuchotis. Je ne fais pas attention si les rues sont remplies de gens, je réponds à ma mère qui m'insulte de lâche et de nulle. Je suis complètement perdue dans mon propre corps. Je suis certaine qu'à la vue de ma tenue et des quartiers que j'emprunte, je risque d'être découpée en petits morceaux ou devenir l'objet du désir de quelqu'un, mais je m'en fous. Si ça pouvait calmer les pressions qui s'exercent sur mon cœur.
Les choses que je n'osais pas m'avouer m'ont percutée et je n'arrive même pas à décrire mes ressentis.

J'ai péché.
Je pèche tous les jours.
En sa compagnie
Seule.

Je revois tous nos moments ensemble et chacune de ses phrases fait sens. Celles lorsque nous étions tous deux dans sa voiture, celles dans la forêt, celles qu'il m'a affirmé pour me rassurer. Je me sens si bête. Les larmes commencent à monter et je m'interdis de laisser couler ma faiblesse.
Plusieurs options s'imposent à moi pour la soirée, mais une seule est ancrée dans mon esprit depuis que le diable est accroché à son lit. J'ai dû me rendre à l'évidence, le manoir n'est plus un lieu pour moi. Je n'ai pas envie de tomber dans les bras de Seyni non plus. Si je retourne chez lui, il gagnera et ce n'est pas ce que je souhaite. Alors, pour l'instant, je vagabonde dans l'espoir d'éclaircir toutes les zones d'ombre.

☠︎❦☠︎

Daïara douze ans,

Trop de questions, pas assez de réponses. Et j'en ai ma claque ! Alors qu'ils ne s'étonnent pas de ma disparition, je reviendrai quand j'en aurais envie et ce n'est clairement pas demain. Pour l'instant, je me débrouille comme une grande. Enfin... plutôt comme une bonne petite voleuse.

J'ai vu des garçons faire et comme j'avais faim, je les ai imités. En réalité, ce n'est pas bien compliqué. Il suffit de trouver la bonne cible. Et généralement, les touristes sont plutôt de bons clients. J'ai pu avoir deux-cent-quatre-vingt real* (*monnaie brésilienne, équivaut à a peu près 50€) ! De quoi nourrir Nyx dans mon sac à dos. La fermeture est ouverte et parfois, elle s'amuse à passer sa petite tête à travers pour chatouiller mon cou. Elle aussi a le droit de sortir.

Ça doit faire depuis mes quatre ans que je n'ai pas vu l'extérieur du manoir. Soit longtemps sans pouvoir prendre l'air.

Je ne me suis jamais autant amusée qu'aujourd'hui. Je voyage de commerces en commerces, repérant de jolies choses dans les boutiques. Je sens les odeurs de la nourriture comme celle des tacacà qui me donne l'eau à la bouche. Ma mère adorait en cuisiner lorsqu'elle le pouvait. C'est une soupe verte servie dans une calebasse dans les coins de rue. Elle contient des crevettes baignant dans un jus de tapioca et de multiples autres plantes locales, tels que le jambu ou le tucupi. Rien que pour retrouver ces souvenirs qui me réchauffent le cœur, j'en prends au stand le plus proche. Le goût est une explosion de saveurs, à la fois doux comme le beurre et légèrement amer. Je déguste le tout et poursuis ma visite de Ponta Negra, persuadée qu'ils ne me penseront pas ici. C'est tout de même à une dizaine de kilomètres du centre-ville ! Et je remercie le chauffeur du bus que j'ai pris de m'avoir conseillée de venir à cet endroit.

Que les mafieux me retrouvent est le dernier de mes soucis, s'ils me laissent me promener et avoir une vie à peu près normale. Mais je sais que ce ne sera jamais le cas, alors je préfère profiter et attendre le moment fatidique, celui où je devrais rentrer.

Sur ma route, j'achète des bonbons au cupuaçu que j'adore, à la fois sucrés et acides, ils sont un vrai régal. Je découvre des endroits que je n'ai jamais vus de mes propres yeux et finis par m'arrêter à Ponta Negra Beach, une plage près de la rivière Negro.

Je m'installe dans le sable, retire mes bottes et y incruste mes pieds. La sensation est inédite. L'eau m'appelle, néanmoins, mes frayeurs de manquer d'air et de me noyer m'obligent à rester sur place. Face au soleil qui commence à se coucher, je soupire d'aise.