Mon pouls est anormalement élevé quand nous arrivons à destination, au fin fond de la campagne d'Amazone. Un château...Lorsque Dash, avec qui je suis montée, se gare, je me ratatine dans mon siège face à la splendeur et l'élégance de ce lieu. Quel est le « piège dans la surprise » ? Tout ça me paraît louche, car je n'ai jamais eu droit à autant. Ce jour n'a en aucun cas semblé aussi spécial et important qu'aujourd'hui. Comme si, après presque quinze ans passés avec eux, ils me considèrent autrement que la simple fille de ma mère... Malheureusement, je suis consciente que c'est faux, ils n'auront jamais une autre vision de moi. Malgré tout, ce trente octobre n'est pas comparable aux précédents qui s'apparentaient souvent à des mauvais rêves. Mes poings se crispent et les souvenirs m'assaillent, telles des épines de roses empoisonnées.
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Daïara Lairis, 6 ans,
La main calleuse de Gépé sur la mienne m'oblige à insérer le bistouri dans la peau de ce monsieur. C'est ma première fois. Un cadeau pour mes six ans. Depuis que Darell et Marzeau sont arrivés la semaine dernière, ils m'emmènent tous les trois dans cette pièce étrange et me montrent des expériences.
Au début, je n'ai pas compris pourquoi ils coupaient ces gens et leur retiraient ce qu'il y a à l'intérieur d'eux. Dash m'a dévoilé qu'ils aidaient des personnes. Pourtant, Caïo lui, a été méchant en me criant dessus pour me dire que j'étais trop naïve pour comprendre. Il est plus grand que moi de six ans et pense tout savoir. Il allait me pousser en dehors de sa chambre tout à l'heure quand parrain est venu me chercher.
Je sais qu'il est en colère parce que c'est moi qu'il a invité ici aujourd'hui, mais je m'en fiche. Je ne veux plus qu'on me traite comme un bébé. Je n'en suis pas un. Je comprends plein de choses ! Comme ces filles qui viennent parfois au manoir avec Maze, Gépe et Rell. Je suis sûre que ce sont leurs amoureuses. Caïo m'a dit que si je n'étais pas assez obéissante, je finirais comme elles. Je ne sais toujours pas ce qu'il entendait par là. Que font ces femmes ?
Les paupières fermées, je trouve ça trop bizarre. Maman affirmait que les hommes sont dégoûtants. Elle se disputait souvent avec des messieurs qui venaient la voir pendant que j'étais obligée de me cacher. Souvent, ils l'ont traitée de « pute ».
Une fois, quand Salomao m'a appelée comme ça, j'ai demandé à Caïo ce que ça signifiait, parce que c'est le seul qui me répond toujours. D'après lui, c'est une madame qui a plusieurs petits copains et ce n'est pas bien.
— Regarde, Daïara, m'ordonne mon parrain appuyé contre le mur.
Je n'y arrive pas, je tourne la tête.
La sensation est étrange quand le couteau traverse la poitrine du mort. L'odeur est désagréable. Je fronce le nez. Pourquoi j'ai l'impression que c'est mal ?
Ma respiration s'accélère quand j'y pense et une gifle sur ma joue me force à observer ce cadavre.— Je t'ai dit de regarder ce qu'il fait, Daïara ! s'exclame Darell maintenant à côté de moi.
Des larmes me brûlent les yeux quand Gépé me plaque contre ce lit et qu'il bouge pour enfoncer la lame. Il l'a fait avancer pour créer un carré et mon estomac s'entortille lorsqu'il me lâche en soufflant :
— Retire la peau.
Je secoue la tête, j'ai peur. Je ne veux pas faire ça. Ça me donne envie de vomir. Il tire mes cheveux pour me rapprocher de son torse.
— Allez, D.
— S'il vous plaît, non.Il serre plus fort et mon crâne brûle. Il n'a jamais été mauvais comme ça, je suis encore plus effrayée.
— Tu es une gentille fille, Daïara, tu n'aimerais pas nous faire de la peine ?
— Non, murmuré-je, tétanisée.
— Si tu es sage, on t'emmènera en ville manger une glace au cupuaçu* (*fruit de la famille du cacao, populaire en Amazonie) pour ton anniversaire. Et peut-être que tu pourras aller tirer au fusil avec les garçons, affirme Darell.Mes yeux s'écarquillent. Ça a toujours été mon rêve de pouvoir aller avec eux. Dash, lui, a le droit alors qu'il a à peine un an de plus que moi, c'est pas juste. Et quand il me raconte tout le soir, je me sens mal et inutile. Moi, on me laisse toujours seule.
— C'est vrai ? chouiné-je.
— Oui, quand tu voudras.Toujours tremblante, je tente de ravaler mes larmes et arrache le morceau. Le bruit des fibres se brisant me fait grimacer et quand je vois le sang presque marron couler, mon cœur bat fort. Les gouttes d'eau dévalent mes joues en apercevant la couleur sur mes doigts. Je sanglote sans m'en empêcher. C'est horrible. Dans mes narines, ça sent mauvais.
— Petit à petit et doucement, souffle Gépé, me répugnant. Tu vois ça, le triangle, c'est le grand pectoral.
Il me montre la forme, rouge, le liquide de la même teinte s'échappe et tombe au sol. Maze, face à nous, agite un couteau devant moi et me le tend en déclarant :
— Continue, on va t'apprendre tout ce qu'il y a à savoir. Et tant que tu ne connaîtras pas sur le bout des doigts ce qu'on te dit, on poursuivra.
Il me force à récupérer le bistouri dans un grand sourire aux dents visibles. Mes yeux alternant entre la poitrine découpée, lui, Gépé et Darell, mes sanglots redoublent. Rell soupire puis attrape mon oreille avec force.
— On ne pleure pas, sinon tu seras punie, avec les chiens.
Oh non... La dernière fois, ils m'ont mordu le mollet jusqu'à m'en faire crier. Et personne n'est venu me sauver. J'avais mal. Trop mal. J'aipassé toute la nuit dans le noir du garage fermé. J'ai des difficultés à respirer et je vomis sur le corps mort de cet homme. On m'attrape par la taille, je pleurniche bien plus en hurlant quand mon parrain grogne :
— Donc ce soir, ce sera les American Staff.
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Délaria
RomansaDélaria, un surnom qu'ils lui ont donné, un écho à ses délires. Élevée dans un monde empreint de terreur et de sang par les mafieux qui l'ont enlevée, Daïara Lairis n'a d'autre choix que de supporter sa vie. Mais elle sait que son moment viendra, c...