🌩️Chapitre 25 : Délire d'orage🌩️

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Des voix me motivent à poursuivre. Elles tournent et retournent dans mon crâne depuis que je suis coincée ici. Seule. Dans la chaleur étouffante de la nuit brésilienne. Rien de plus horrible que d'être démunie. De se sentir impuissante sans pouvoir se libérer. D'un grognement, j'essaie d'arracher mon bandeau en relevant mes cuisses jusqu'à ma tête. Je tente de faire preuve de souplesse, je frôle à peine mon nez, alors je me replie sur moi-même, jusqu'à en avoir des crampes au bas-ventre. Il en devient presque inutile de forcer quand le bandeau ne s'enlève même pas de quelques centimètres.

Sans rien voir, comment m'éviter de sombrer ? Je ne peux pas. Sous mes doigts, je ressens la terre sèche ainsi que quelques feuilles.

Ça fait partie du plan, je le sais, mais ça ne m'empêche pas d'avoir peur. Seyni devait seulement m'attacher à un arbre dans cette forêt pour faire croire à un enlèvement afin d'inquiéter mon parrain et de l'attirer plus près de l'ennemi. Me rendre aveugle n'était pas envisagé ! Ça amplifie ce qu'il se passe dans ma tête, ces échos que je ne peux taire.

Mon estomac s'entortille tellement que ma bile remonte, ma colère brûle dans mes veines et je frotte mon visage contre le sol terreux avec l'espoir que ce morceau de tissu devant mes yeux disparaisse. Je ne réussis qu'à faire pénétrer des grains de poussière à l'intérieur. Je gigote, persistant jusqu'à ce que le souffle me manque. Mes larmes s'agglutinent au coin de mes yeux que je ferme avec puissance, faisant face aux murmures qui s'agitent depuis que j'ai été lâchée ici. Les bruits qui résonnent provoquent plusieurs fois l'arrêt de mon cœur. Je me berce sous les chants de ma mère, les mots de mon autre monde qui me soufflent des horreurs en l'absence de vision. À peine j'effectue quelques pas en avant pour les fuir que je me sens retenue. Je lâche un cri de rage, la respiration courte, et m'affale de nouveau sur un tas de feuilles.

— Laissez-moi, soupiré-je. Pas ce soir. Laissez-moi.

Mes pieds s'abattent sur le sol que je maltraite comme je l'ai été. Je me défoule, retenant mes larmes alors qu'elles ont besoin de s'échapper comme mes délires contenus depuis trop longtemps. Ils susurrent à mon oreille, m'envoûtent. Dans le noir le plus total, je suis soumise à mes cauchemars qui se projettent devant moi et m'arrachent des grimaces de douleur. Les hurlements à l'intérieur de mon crâne me vrillent les tympans et j'aimerais tellement pouvoir masser mes tempes pour mieux supporter les horreurs auxquelles je suis habituée. Je ramène mes genoux contre mon menton, rêvant de pouvoir les enserrer de mes bras. Me balançant à un rythme irrégulier, je les écoute m'enterrer, m'entraîner dans la boue, m'y enfoncer.

— Frappe-toi le crâne contre le sol.
— Tu guériras.
— Finis en maintenant.
— Ta vie est tellement merdique.
— Tu échoues. Tu es un échec, mi hija.
   
Plus ça crie, plus je me dis qu'ils ont raison. Sans mes cachets, je ne suis plus rien. Sans drogue, la vie n'a aucun intérêt. Je ne sais pas être heureuse autrement qu'avec ça. Le sang sur mes doigts m'a pourrie jusqu'aux os. Le poison administré à ceux qui le méritaient coule dans mes veines et court jusqu'à mon cœur. Qu'est-ce que je fous encore là ? Personne n'en a rien à faire de moi. Je suis seule. Seule avec mes délires. Seule avec mes uniques amis. Seule. Juste seule. Et j'arrête de me battre.

☠︎❦☠︎

La pluie qui déferle sur moi me réveille en sursaut. J'ai du mal à réaliser où je suis avant que tout ne se rappelle à moi. Les gouttes d'eau s'intensifient et je me redresse, affolée à l'idée que les cauchemars se poursuivent et que l'orage se déclenche. J'ai perdu la notion du temps, mon ventre réclame de se nourrir et mes poignets sont ankylosés. Les cordes sont tellement serrées qu'elles frottent contre ma peau. C'est horrible. La chaleur est étouffante et les gouttes qui déferlent sur moi ont le goût de l'enfer. Lorsqu'un premier tonnerre gronde, je lâche un cri de frayeur. Je ne peux même pas emprisonner mes oreilles pour me protéger des bruits. Mon cœur bat si fort que je suis proche de l'arrêt. J'inspire et expire plus fortement, mais quand ça recommence, un son aigu se propage dans mon crâne, je m'agite, pleurant sans m'arrêter face aux souvenirs qui se projettent devant moi.

DélariaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant