Chapitre 17

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Leyla est assise sur le divan dans sa chambre avec une main sur son ventre. Un mois s'est écoulé depuis qu'elle a appris être enceinte et elle n'arrive toujours pas à se l'imaginer. Du haut de ses dix-sept ans elle ne pensait pas tomber enceinte aussi tôt. Néanmoins elle accueille la nouvelle avec ravissement car elle est heureuse de devenir la mère des enfants de Mehmet. Elle est même fière d'être celle qui lui donnera son premier enfant. Un garçon elle espère. Un Shezade.

Esra Hatun entre alors dans la chambre en compagnie des concubines qui lui apportent son repas.

– Leyla Hatun, Samira Sultane a fait préparer ce repas pour vous, lui rapporte la Kalfa en souriant. Pleins de protéines et de bonnes choses pour que le bébé grandisse bien.

Leyla lui sourit en retour et remercie également les concubines. Esra Hatun attend qu'elles soient sorties pour venir s'asseoir à côté de la jeune femme. La jeune Kalfa excelle dans l'art du potin. Et Leyla s'est rendue compte qu'elle aimait bien les écouter.

– Ce matin, alors que sa Majesté allait rendre visite à son Grand Vizir chez lui, une jeune servante lui a fait le coup de l'évanouissement lorsqu'il est passé à côté d'elle, lui raconte-t-elle avec une voix basse.

Leyla laisse échapper un rire. Cela doit être la dixième histoire du genre que Esra lui raconte.

La Kalfa replace sa longue tresse sur son épaule droite afin de pouvoir jouer avec ses cheveux avant de continuer.

– J'étais à côté alors j'ai tout vu, explique-t-elle. Le Sultan l'a rattrapé bien entendu et puis une fois qu'il a vu qu'elle allait mieux, il est reparti sans même un regard.

L'égo de Leyla est flatté à chaque fois qu'Esra lui raconte une histoire de la sorte.

– Mais c'est pas fini, reprend Esra. J'ai attendu que sa Majesté soit loin pour aller vers la servante et lui dire « Sa Majesté n'a d'yeux que pour Leyla Sultane, ça ne sert à rien d'espérer ! ».

– Esra tu sais bien que je ne suis pas une Sultane, la reprend Leyla non sans cacher sa gêne.

Esra pose une main bienveillante sur le ventre de Leyla avant de répondre.

– Le petit Shezade qui grandit dans ton ventre prouve le contraire.

– Oui, finit par admettre Leyla avec un sourire franc.

Les deux jeunes femmes continuent de discuter tandis que Leyla entame son repas.

Le Sultan Mehmet est chez son Grand Vizir pour une affaire assez délicate et confidentielle. Il aurait pu recevoir Ibrahim Pasha au Palais mais l'affaire est trop sensible pour risquer des oreilles indiscrètes. Ibrahim Pasha le reçoit dans sa bibliothèque. Une petite pièce aux murs en bois couverts d'étagères et de nombreux écrits et parchemins. Ibrahim Pasha désigne un fauteuil richement ouvragé et Mehmet s'installe afin d'écouter son Vizir.

Le jeune homme a mûri en un mois. Son visage arbore un air légèrement plus sérieux et sa barbe masque maintenant sa mâchoire carrée. Il porte un ensemble bleu nuit brodé dans un tissu venant d'ailleurs.

– Je vous écoute Ibrahim Pasha, quelles sont les nouvelles depuis la dernière semaine ? Commence le Sultan d'une voix grave.

Le Vizir se positionne devant le Sultan et joint ses mains devant lui avant de parler.

– Comme vous le souhaitiez Votre Majesté, j'ai choisi des hommes de confiance et discrets afin d'aller infiltrer l'un des rassemblements secrets que les traitres avaient organisé dans les bas quartiers de la ville, commence le vieil homme.

Mehmet l'écoute attentivement. Depuis quelques semaines, il a eu vent d'un groupuscule se formant ayant pour ambition de renverser la Dynastie en faveur de leur chef dont l'identité n'a pas été encore révélée. Mehmet avait alors dépêché Ibrahim Pasha pour qu'il trouve un homme capable de se faire intégrer dans ce groupe et donner des informations venant de l'intérieur.

Ce que le Grand Vizir a fait sans tarder.

– Du coup, notre homme, Ahmran Effendi a réussi à se faire inviter dans ce groupe et a assisté à la dernière réunion. Il m'a retranscrit tout ce qu'il y a été dit sur ce parchemin, annonce le Grand Vizir en tendant un parchemin enroulé.

Mehmet le prend puis le déplie rapidement afin de pouvoir lire son contenu : « La réunion s'est déroulée dans une taverne du sud de la ville, dans son sous-sol. Environ cinquante hommes de présents. Mon contact, Emil Effendi m'a indiqué les trois hommes qui représentaient le groupe mais ce ne sont que des sous-fifres relatant la parole du Chef qui se fait appeler le Vrai Sultan...».

La tension de Mehmet grimpe en lisant ce dernier mot.

– Comment ose-t-il se faire appeler Vrai Sultan ?! Enrage-t-il en jetant le parchemin au sol.

Ibrahim Pasha ne répond rien en ne sachant que dire.

– Trouvez le moi ! Trouvez moi ce traitre ! Ordonne Mehmet dans un grondement.

Ibrahim Pasha s'incline toujours en silence. Ce jeune Sultan a du tempérament pour son âge. Il tient ça de son père.

– Votre Majesté, intervient par la suite Ibrahim Pasha après avoir laissé quelques minutes au Sultan dans l'espoir qu'il se calme.

Mehmet se masse la tempe de la main droite.

– Ahmran Effendi a potentiellement trouvé l'une de leur planque. Elle serait dans les bois du Sud, annonce-t-il d'une voix neutre.

Mehmet s'arrête immédiatement de se masser et fixe son Grand Vizir d'un œil attentif.

– Faites venir ce Ahmran demain à l'aube aux portes Sud du Palais. Hasan Bey l'accompagnera pour qu'il lui montre où il pense avoir trouvé leur planque, termine Mehmet tout en se relevant.

Ibrahim Pasha hoche docilement la tête puis s'incline tandis que le Sultan quitte son domicile.

Leyla est en train de traverser le harem en compagnie de Elena et Esra Hatun lorsqu'une concubine l'interpelle. Leyla est vêtue d'une robe simple pour aller au Hamam et la concubine la regarde de haut en bas avant de dire :

– Je ne vois pas ce que le Sultan te trouve, tu es tellement banale.

Leyla a pris l'habitude de recevoir des piques de jalousie de la part des autres concubines.

– Je suis désolée Olga Hatun que Sa Majesté ne te trouve pas à son goût, se contente-t-elle de répondre avec un faux air désolé.

Olga Hatun, une jeune concubine originaire de la Russie serre les dents. La jeune femme est pourtant ce que l'on pourrait qualifier de belle femme avec ses cheveux roux et son nez aquilin. Néanmoins elle n'a jamais attiré le Sultan jusqu'à son lit. Elle s'est seulement contenté de danser pour lui avec d'autres concubines lors d'un de ses repas.

Leyla continue son chemin jusqu'au Hamam et Elena et Esra l'aide à se préparer pour sa toilette. Elena la suit jusqu'à l'un des robinets et s'installe sur le siège en marbre pour se faire laver. Elena attrape la coupelle dans l'eau chaude de la vasque et l'utilise pour mouiller les cheveux de son amie. L'eau coule sur sa serviette blanche qui l'entoure de la poitrine jusqu'à au dessus des genoux.

– Les filles sont de plus en plus jalouses Leyla intervient alors Elena en continuant à lui mouiller les cheveux.

Elena garde les yeux fermer tout en lui répondant :

– J'ai remarqué oui.

– Regarde Esra reste devant la porte du hammam pour éviter que tu te fasses attaquer pendant ta toilette, continue son amie avant d'attraper la savonnette au lait d'ânesse.

– Je fais attention, ne t'inquiète pas Elena, tente de la rassurer Leyla.

Elena n'ajoute rien. Elle ne sait pas si son amie a compris l'ampleur du danger qu'elle encourt à être la seule favorite du Sultan.

Elena lui savonne le dos avant que Leyla ne l'aide à se mouiller les cheveux. Les deux femmes terminent leur toilette sans reparler de ce sujet. 

SultaneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant