Chapitre 29

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Les batailles se sont enchaînées et l'armée ottomane est en bonne voix de gagner cette guerre. Les janissaires, engaillardis par ces victoires, se montrent de plus en plus entreprenants dans les combats. Ils célèbrent également et louent les prouesses stratégiques du Sultan. L'été arrivant, ils devraient prendre les clés du château de Winnica d'ici peu. Les polonais ont perdu beaucoup de leur force, le roi devrait proposer un cessez le feu dans pas beaucoup de temps.

– Votre Majesté, commence Osman après avoir exposé un contre-rendu d'une bataille gagnée, les troupes des janissaires commandées par Sélim Pasha sont en train de contourner le château par l'Est.

Mehmet a les deux mains posées sur la petite table sur laquelle se trouve la carte. Il regarde cette dernière avec beaucoup d'intensité. L'encerclement du château a commencé. Mehmet ne lève pas les yeux tout en appelant Hassan Bey à s'approcher de la table.

– Hassan Bey, vous prendrez les troupes de Ali Agha et vous allez passer par la gauche. Je veux un encerclement rapide et imparable.

Hassan Bey se penche pour s'incliner avant de quitter la tente impériale pour rejoindre Ali Agha.

Osman regarde son jeune frère avec intensité. Ce dernier a la barbe qui a poussé après tous ces mois au front. Ses traits sont tirés lui donnant un air plus mature. Il maîtrise parfaitement l'art de la guerre. Osman sait que son frère était un fervent lecteur des manuels sur la guerre du palais. Il a passé beaucoup de temps à lire alors que lui a préféré prendre son temps pour s'entraîner au combat. Mehmet est un bon stratège mais Osman est plus fort au corps à corps. Chacun possède sa spécialité.

– Osman, tu viens avec moi, nous allons rejoindre Sélim Pasha à l'est, annonce Mehmet en se redressant.

Les deux hommes quittent la tente et rejoignent les cheveux gardés par deux janissaires. Mehmet monte sur son étalon et attend Osman pour prendre le départ. Une dizaine de janissaires les suivent afin d'assurer leur sécurité. Maintenant que Hassan Bey et Ali Agha ont lancé l'attaque par la gauche, les polonais devraient ne plus tarder à envoyer un embassadeur pour négocier la paix.

Arrivés au camp de Sélim Pasha, celui-ci fait un contre-rendu de la situation au Sultan. Une troupe de polonais reste à combattre pour s'emparrer totalement du flanc est du château. Mehmet prend la décision de déclencher immédiatement l'attaque.

Les janissaires, guidés par Mehmet, Osman et Sélim Pasha, lancent alors l'attaque sur la cargaison polonaise restante. Celle-ci comprend une centaine d'hommes mais les ottomans sont plus nombreux. Mehmet reconnaît le courage de ces derniers, malgré le nombre, ils ne reculent pas devant leur assaillant et font face au combat.

Le choc entre les deux armées se fait dans une grande violence. Les épées s'entrechoquent et le sang vole dans tous les sens. Les lames des sabres ottomans sont tellement affutées que des têtes quittent leur propriétaire. Mehmet et Osman traversent les rangs polonais avec leur cheval sans qu'une quelconque opposition ne se fasse sentir. Leurs coups d'épée sont précis. Soudain Mehmet aperçoit un groupe de soldats polonais muni d'arc et de flèches. Il crie à ses hommes de se protéger mais ne fait pas attention à un autre polonais qui vient lui taillader la jambe avec son épée. Mehmet pousse un cri de douleur tout en tombant de cheval. Son épée vole quant à elle plus loin. À terre, il lutte pour se relever mais la boue du champ de bataille lui rend l'affaire plus difficile. Le polonais le tient en joug avec son épée et le fixe avec des yeux appeurés.

– Nie ruszaj się ! Aboie l'homme en faisant mine de transpercer Mehmet avec son épée.

Mehmet est à la mercie de cet homme. Des gouttes de sueur coulent dans son dos et la chair de poule envahie ses bras. Avec le carnage se passant autour de lui, ses hommes n'ont pas remarqué qu'il était à terre. Des flèches volent autour d'eux mais semblent les louper. Mehmet est seul et désarmé face à cet homme.

Soudain, son regard croise celui d'Osman. Ce dernier est toujours à cheval et se tient à quelques mètres de lui. Il regarde intensément ce qu'il se passe.

Osman va-t-il venir l'aider ?

Leyla est assise dans le jardin en compagnie de la Sultane Samira et de Safir. Les femmes profitent des beaux temps de l'été pour prendre l'air dans le jardin. Safir a le ventre arrondi par la grossesse tandis que celui de Leyla commence à montrer sa grossesse à elle. Samira Sultane fait la conversation pour les trois femmes. La Valide Sultane est heureuse quant aux naissances futures. Elle sait la tension entre les deux concubines aussi elle essaie de faire en sorte que celles-ci se tolèrent un minimum.

– As-tu reçu des nouvelles du Sultan Leyla ? Demande alors la Sultane tout en buvant du thé.

Safir lance un regard noir à sa rivale. Leyla sourit à la Sultane avant de répondre.

– Oui Sultane, sa Majesté m'a écrit un poème et m'a dit qu'il pensait revenir avant la fin de l'été.

Le regard de Leyla croise alors celui de Safir qui s'empresse de détourner ses yeux pour s'intéresser aux pâtisseries servies avec leur thé.

– Sa Majesté sera présente pour la naissance de mon Shezade, lance Safir tout en prenant un pâtisserie.

Safir relève les yeux à la fin de sa phrase pour croiser ceux de Leyla. Cette dernière lui adresse un sourire avant de se lever tout en s'inclinant.

– Si cela ne vous dérange pas Sultane, j'aimerais me retirer dans ma chambre pour me reposer.

La Sultane Samira regarde la jeune concubine avec une légère surprise avant d'accepter sa requête. Leyla s'incline puis prend la chemin du palais. Esra Kalfa s'incline à son tour devant la Sultane avant de suivre Leyla. Les deux femmes attendent d'être assez loin de la Sultane et de Safir pour discuter.

– Oh Esra tu as vu comment elle est sûr d'elle par rapport à son bébé, gémit Leyla avec un soupçon de colère.

– Nous ne pouvons pas savoir avant que l'enfant soit né, commente la Kalfa avec sagesse.

– Tu imagines si elle accouche vraiment d'un garçon ? L'interroge Leyla alors qu'elles traversent le harem pour se rendre à la chambre de la concubine.

Esra hoche doucement la tête, consciente de la gravité que cela pourrait entraîner.

– Elle deviendrait puissante et connaissant Safir, elle n'hésitera pas à se servir du pouvoir de son enfant pour obtenir ce qu'elle voudra.

– Vous aussi vous aurez du pouvoir avec votre enfant, rétorque la kalfa.

– Si elle met au monde le premier Shezade du Sultan, elle deviendra la femme la plus puissante du Harem après la Sultane Samira, la contre Leyla d'une voix sûre tandis qu'elles entre dans sa chambre.

La Kalfa ne rajoute rien tandis que la concubine s'assoit sur son divan.

– Pourvu que ce soit une fille, prie-t-elle une nouvelle fois.

Mehmet a le coeur qui bat extrêmement vite. Il sent la peur envahir tout son corps. Le polonais face à lui ne va pas hésiter encore longtemps. Du coin de l'oeil, il regarde une nouvelle fois Osman, immobile. Il se dit que son heure est arrivée. Qu'il va mourir sans connaître ses enfants. Qu'il va mourir ici, loin des bras de sa bien-aimée.

Qu'il va mourir.

C'est alors que le polonais commence à bouger. Il lève son épée bien haut dans le but de frapper Mehmet au visage. Le Sultan esquisse un mouvement inutile dans le but de se protéger quand une flèche vient se planter dans le torse du polonais. Mehmet n'en revient pas ses yeux. Le sifflement qu'a fait la flèche siffle encore dans sa tête. Il tourne la tête en direction de l'origine du tir et est surpris de voir Osman baisser un arc.

D'où sort cet arc ? Aucune importance à vrai dire.

Les yeux des deux frères se croisent et Osman se met alors à crier :

– Protégez le Sultan ! Il est à terre !

Osman se lance alors au galop et arrive rapidement à côté de Mehmet avant de tendre le bras et de l'aider à monter derrière lui. Pendant ce temps là, les janissaires s'occupent de libérer le chemin au Shezade et au Sultan. Osman galope alors le plus vite possible pour sortir son frère du champ de bataille. Mehmet subit les évènements en n'en revenant pas de ce qu'il se passe. Son frère vient de lui sauver la vie.

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