Chapitre 16

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25.12.2023

Docteur mufle.


— Passez une bonne nuit.

J'observe du coin de l'œil la reine de la fête disparaître par la porte d'entrée, l'air toujours aussi hautain que celui qu'elle a affiché tout au long de la soirée. Tout au long de cette même soirée durant laquelle j'aurais juré voir les yeux de Lilibeth lancer des éclairs à sa mère. Tout au long de cette même soirée durant laquelle on a ri, chanté, dansé, bu, certains plus que d'autres. Malgré tout, lorsque le moteur de la voiture de madame Lockwood s'éloigne, un soupir de soulagement semble retentir dans toute la salle. Heureux de voir que même au sein de la famille, on n'a qu'une hâte ; se tenir loin de cette femme.

— Je sors. J'ai besoin de fumer.

— Va relâcher la pression. Même en y étant habitués, elle est capable de pomper toute notre énergie vitale., se moque mon meilleur ami.

Je ris, lui dédiant une tape sur l'épaule alors qu'il ne lâche pas l'attendrissante scène qui se déroule devant nous du regard. Jace a offert à tous ses petits cousins des crosses adaptées à leur taille et dédicacées par son entraîneur, le légendaire Milori Carter. Donc, depuis une petite dizaine de minutes, après s'être improvisés un terrain, les cousins se livrent à une sorte de petit match sur carrelage.

Je tourne les talons, sortant par la porte donnant sur le jardin. Je sors mon briquet et mon paquet de cigarettes de la poche du costume que j'ai emprunté à Jace, en allumant une. Je ne suis pas un gros fumeur. Mais il m'arrive régulièrement d'en griller une lorsque je sors d'un moment de stress, de tension. Et cette soirée m'a mis sur un fil pendant tout le temps où madame Lockwood était là.

J'ai déjà eu l'occasion d'entendre Willy parler de sa tante. Et ça n'a jamais été en bien. Il me parlait de ses cousins et de l'emprise psychologique que cette femme avait sur eux. Mais je n'en prenais pas réellement la mesure jusqu'à ce soir. Le ton méprisant qu'elle a adressé à sa fille à son arrivée. La tête basse de Lilibeth lorsque Arreta s'est approchée d'elle. Le sourire non-partagé de Jace. La tension qui a plané une bonne partie de la soirée sur la salle. Je vais finir par croire que cette femme est le diable personnifié.

— Un cardiologue qui fume ? N'est-ce pas contreproductif ?

Je n'ai pas besoin de relever la tête pour savoir qui vient de parler. Cette voix, je commence à bien la connaître, de même que ce petit ton moralisateur qui m'arrache un sourire.

— Une chance que je ne sois pas pneumologue, dans ce cas.

Ma remarque me vaut un petit rire alors que je lève la tête vers Elizabeth. Cette dernière me dédie un tendre sourire. Dos à la lune, sa silhouette semble presque entourée de sa lumière. Son visage est éclairé par la lumière de la terrasse de la maison où nous nous trouvons.

— Fumer tue, tu sais ?

— Beaucoup de choses tuent, Elizabeth.

Elle rit et s'approche de moi, me volant ma cigarette qu'elle écrase dans le cendrier près de nous. J'aurais presque envie, par pur esprit de contradiction, d'en rallumer une pour l'entendre me faire la morale. Mais je ne le ferai pas, car je préfère l'avoir simplement comme ça, un sourire malicieux sur les lèvres, ses yeux verts faiblement éclairés.

— Merci beaucoup pour ce soir, Lilibeth.

— C'est moi qui devrais te remercier. Ça faisait longtemps que cette soirée ne m'avait pas paru aussi paisible.

Cette fois, c'est à mon tour de laisser échapper un rire. Paisible ? Je ne pense pas que ce soit le mot. J'avais l'impression d'être dans une arène où les mots servaient d'armes à mère et fille.

— Je pense que tu devrais ouvrir un dictionnaire.

— Je pense que tu es con.

Je ris une nouvelle fois en levant cette fois les yeux au ciel dans un geste exagéré. Quel honneur d'être traité de con par Elizabeth Lockwood.

— En tout cas, je le pense vraiment. Merci d'avoir été là ce soir, Aaron.

Nous restons plusieurs minutes comme ça, à se regarder sans rien dire. Cette vision me parait presque irréelle. Éclairée par la lune, vêtue de sa robe dorée et de sa cape blanche, perchée sur ses talons, les quelques mèches s'échappant de son chignon ondulant dans le vent glacé, elle me parait presque irréelle. Presque parfaite.

Et à cet instant, dans le paisible jardin de l'une des grandes maisons Lockwood, je me retiens de combler l'espace qui nous sépare pour plaquer mes lèvres sur les siennes et avaler ce ravissant sourire que, je m'en rends compte, j'envie depuis des semaines maintenant. 

By Lilibeth LockwoodOù les histoires vivent. Découvrez maintenant