27.01.2024
Docteur mufle.
— Docteur Sanders...
— Attendez un instant.
— Docteur, s'il ne repart pas...
— J'ai dit un instant.
Allez. Repars, petit. Repars. Il faut que tu repartes. Tes parents t'attendent de l'autre côté de ces portes.
Mon anesthésiste s'agite nerveusement de l'autre côté de la table. Mon infirmier instrumentiste, lui, observe la poitrine grande ouverte de mon patient. Si mes mains gantées n'étaient pas couvertes de sang, je serais probablement en train de faire craquer mes doigts ou de passer mes mains nerveusement dans mes cheveux.
S'il-te-plaît.
— Aaron., grimace Carolina en relevant la tête vers moi.
— Il va repartir. Je sais qu'il va repartir.
Tom Hopkins. Quatre ans. Transplantation cardiaque. Chirurgie bicavale. Le donneur est un petit garçon à peine plus vieux que lui, victime d'une balle perdue, tirée par son père revenu les chercher, lui et sa mère, malgré l'injonction d'éloignement commandée par la justice à son encontre. Nous sommes au bloc depuis cinq heures et quarante-sept minutes. Cette opération, pourtant routinière, s'est compliquée lorsque, au moment de sectionner son artère pulmonaire, il a fait une hémorragie que nous avons eu du mal à contrôler.
Mon bloc ressemble à une vraie boucherie. Des poches de sang éparpillées partout, des cotons rougis sur la table, dans des bacs, au sol, du sérum physiologique en quantité. Et, au centre de tout cela, le corps du petit garçon, étendu, poitrine grande ouverte, entouré de médecins et d'infirmiers qui attendent avec impatience que son nouveau cœur reparte.
Je relève la tête vers les moniteurs censés afficher toutes ses constantes. Celui affichant normalement ses battements de cœur n'a toujours pas bougé. Pas même un infime petit pic.
Mais il doit repartir.
— Allez Tom. Reviens parmi nous, bonhomme., murmuré-je plus pour moi-même que pour lui.
Au bout de ce qui me semble être une éternité, un bip régulier ranime la machine et je jurerais que c'est cette fois mon cœur qui cesse de battre.
Enfin.
— Je te laisse refermer, Caro.
Je baisse les yeux sur le trou béant dans la poitrine de Tom et sens un immense sourire étirer mes lèvres lorsque ces derniers se posent sur le petit palpitant qui bat de nouveau, comme s'il ne venait pas de manquer de nous tuer.
— Va voir les parents.
Je quitte le bloc, retirant tout mon attirail désormais taché de sang, respirant de nouveau. Lorsque l'opération de Tom a fait irruption dans mon planning ce matin, j'ai su que ce ne serait pas une journée comme les autres. Le chef du service de pédiatrie m'a demandé de superviser cette transplantation comme on demanderait sa tondeuse à un ami. Je n'avais pas opéré d'enfant depuis Lewis Sprayberry, à Thanksgiving. Tom a presque le même âge que Rory. Je n'aurais jamais supporté de le perdre sur la table comme j'ai perdu Lewis. J'ai donc refusé.
Kurt disait respecter ma décision. Mais il m'a demandé de venir voir Tom. Il voulait simplement que je le voie avant de prendre une décision définitive. Je l'ai suivi jusqu'à la chambre du petit. Il était avec ses parents, en train de discuter, de rire, comme s'il n'était pas malade, comme s'il ne comprenait pas ce qu'il lui arrivait réellement. Sans cette opération, il y avait très peu de chances qu'il puisse continuer à rire ainsi.
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By Lilibeth Lockwood
RomanceAmoureuse des mots, Elizabeth tient à sa petite vie bien rangée. Partagée entre ses colocataires, sa vie universitaire, sa relation tendue avec ses parents et son rêve d'écrire, on ne peut pas dire qu'elle ait besoin du piment des romances dans lesq...