Chapitre 20 : Autre chose que des gens qui se détestent.

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Si on leur avait dit que la mécanique serait si facile à prendre, elles ne l'auraient sans doute même pas cru, et d'un autre côté, il serait peut-être temps qu'elles cessent pareille stupidité n'est-ce pas ? Parce que la facilité avait été si évidente qu'elles avaient tenté de la fuir comme la peste. Peine perdue. Voilà qu'il leur était facile d'ouvrir une bouteille de vin pour trois. De sortir trois assiettes du lave-vaisselle. Magda et Giulia étaient rentrées dix minutes après Émilie. Elles avaient souri en voyant que le bel avocat avait déjà commencé à faire chauffer leur dîner de ce soir. Il était vingt heures, le soleil déclinait en inondant l'appartement de rayons dorés, et tout semblait parfait. Schneider domestique, la rousse adorait ça. Schneider attentionnée, Giulia pouvait s'y habituer. Ce fut sans lâcher son italienne des yeux que la plus jeune avait tout naturellement déposé un rapide mais délicat baiser sur les lèvres de la blonde pour la saluer. La blonde qui n'avait amorcé aucun geste, incertaine de vouloir tirer les ficelles des marionnettes amoureuses qu'elles étaient sans savoir quel rôle elles voulaient se voir jouer.

Giulia avait habilement compris qu'il faudrait la mettre à l'aise, que la peur de faire un faux pas était encore trop grande. Et sans oublier qu'elle refusait que Magda porte toute la charge émotionnelle de ce qu'elles étaient, comme elle le lui avait promis, elle avait pris les devants. Ça se traduisait par se poster derrière l'américaine pendant que celle-ci se lavait les mains. Ça voulait dire écouter son envie de l'étreindre, poser sa tête entre ses omoplates et soupirer d'aise en sentant son grand corps se mouvoir.

- Bravo pour ton client, avait susurré la brune au creux de son oreille.

Émilie ne sut pas vraiment d'où ça venait. Si c'était les mains que Giulia posait sur ses hanches, ses mots tendres ou encore le souffle qu'elle avait senti mourir au creux de sa nuque mais ça la fracassa de l'intérieur et ça répara tout ce que ça avait déconstruit, pièce par pièce. Elle avait presque oublié ce que ça faisait, d'être ainsi considéré par quelqu'un. En même temps, elle revenait de tellement loin. Le genre de fille qui lui plaisait, toutes après Giulia, était le genre de fille qui la rendait malheureuse, le genre qui aimait qu'elle se déteste, qui voyait un charme dans le personnage de l'avocat solitaire. Émilie ne faisait généralement pas dans le sentimental, ne proposait jamais de petit-déjeuner, avait même la fâcheuse tendance de laisser la conquête se réveiller seule. Sa marque de fabrique était plutôt un mot froid et sans âme laissé sur la table de chevet. Quelque chose comme :

Je vais rentrer tard. Claque la porte en partant.

La blonde n'avait jamais vraiment compris pourquoi ressentir lui avait toujours été si laborieux depuis son divorce. Et voilà qu'elle trouvait la réponse comme un coup de poing dans la mâchoire : Giulia avait tout gardé. Tout ce qu'elle était et tout ce qu'elle avait encore à donner. Il suffisait que Giulia la félicite, son cœur ratait un battement, et voilà qu'elle se sentait comme un abruti de labrador qui remuait la queue. Et Magda était entrée dans l'équation. Magda qui, mieux qu'un agent de la mafia russe, avait fait le casse du siècle sur son cœur, s'en était offert un beau morceau. Cet organe qui l'avait si souvent trahi s'était découpé en deux parties très distinctes. Une pour chacune de ces femmes qui serait sa perte.

Magda avait discrètement souri en voyant Émilie se figer sous l'étreinte de Giulia. L'avocate avait rougit et la rousse était tombée encore un peu plus pour elle. Pour les deux d'ailleurs, parce qu'elle s'était encore surprise à devenir liquide en voyant les deux femmes si proches. Une, c'était bien, deux, c'était encore mieux. Mon dieu, quelle folie...

- On mange dehors ? avait maladroitement proposé Émilie, incapable de réagir convenablement à toutes les émotions qui la secouaient.

Ah, Giulia l'a cassé, pensa la rousse avec tendresse en acceptant pourtant la demande avec joie. Giulia n'avait rien relevé mais ne se souvenait que trop bien que lorsqu'une fille lui plaisait, son ex-femme n'était plus foutue d'aligner trois mots.

32° FahrenheitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant