Chapitre 26 : Pourquoi tu te frappes comme ça ?

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Alors non, elles n'avaient pas convenu d'une date. Et ça leur semblait même étrange de prévoir quelque chose à deux alors qu'elles s'étaient toujours connues à trois. Mais là était bien le but de l'exercice. Apprendre à passer du temps à deux, parce que si Magda se souvenait bien, elle n'avait finalement partagé avec Émilie que quelques rares évènements. Il était vrai que c'était minime en comparaison de ces sept dernières années passées avec Giulia. La brune avait d'ailleurs été claire :

- Vous avez mon feu vert, alors ne ruminez pas et amusez-vous. Et je ne veux aucun message, ni de l'une, ni de l'autre, me suis-je fait comprendre ?

Je n'ai plus l'habitude de m'amuser sans toi, avait pensé Magda sans pour autant le formuler. Elle s'était contentée de hocher la tête et d'obéir, chose qu'elle ne faisait d'ailleurs pas souvent. Mais c'était vrai, sa femme avait raison, pour le bon équilibre du trio, de nouvelles habitudes étaient à envisager. Et ça passait aussi par en déconstruire certaines autres bien ancrées depuis longtemps. Comme par exemple éviter de s'habiller comme Giulia aimait qu'elle s'habille. Et c'est bien cette idée qui tournait en boucle dans la tête de la sorcière lorsqu'elle arpenta son dressing du regard. Une semaine était passée depuis la prise de décision de ce rendez-vous. Une semaine de quotidien bien huilé durant laquelle chacune avait dû faire face à ses responsabilités. Magda avait naturellement repris son poste à la maison de retraite et avait retrouvé Monsieur Bolchakov.

- Vous êtes allé en Italie et vous ne m'avez rien ramené ! s'était exclamé le vieil homme.

- Bah ! Vous ne m'avez rien demandé ! s'était indigné la jeune femme.

Bolchakov avait grogné tout ce qu'il pouvait en détaillant avec une précision presque inquiétante tout ce que le personnel de la maison de retraite avait osé lui faire manger en son absence.

- Il était temps que vous reveniez, j'ai bien cru que j'allais mourir de faim !

- Vous m'avez manqué aussi, Monsieur Bolchakov, avait finalement souri Magda en lui servant avec amusement et plaisir ce qu'elle avait préparé pour lui la veille.

- Ça c'est un bœuf stroganoff ! avait-il souri, les yeux brillants, en redécouvrant un plat de son enfance. C'est autre chose que ces merdes italiennes.

- Vous n'êtes pas juste, la gastronomie italienne est très bonne.

- Fignia ! S'ils cuisinent aussi bien qu'ils conduisent...

Magda avait fini par rire de la mauvaise foi du vieil homme en entendant dans ce qu'il ne disait pas qu'il était simplement heureux de la retrouver.

En réalité, la jeune femme avait retrouvé avec quiétude la douceur de son quotidien, et avait même rangé l'idée de ce rendez-vous dans un coin de sa tête jusqu'à recevoir un message d'Émilie à l'une de ses pauses déjeuner.

De Em' :

M'autoriserais-tu à t'offrir un restaurant vendredi soir ?

La belle russe avait souri, avait même un peu rougie à la lecture du message alors qu'elle profitait d'un café au soleil avant de reprendre son poste.

- Tant de galanterie, c'est pour me tuer, Maître ? avait-elle murmuré pour elle-même.

Le fossé était flagrant. Elle se souvenait des exacts mots de Giulia, il y a de ça des années, quand celle-ci l'avait invitée au restaurant pour la première fois. Quelque chose de très autoritaire qui assurait à cette maniaque du contrôle l'ascendant dont elle avait besoin. Nous étions ici sur l'exact opposé. Des opposés qui savaient s'attirer visiblement. Magda réfléchit une seconde, imagina une soirée teintée de paillettes et, dieu lui pardonne, voulut s'amuser un peu.

32° FahrenheitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant