Émilie fut tout à fait surprise par la demande qu'elle n'aurait jamais pu soupçonner. Un cinéma, vraiment ? Magda lui aurait proposé un saut en parachute que ça lui aurait fait le même effet.
- On pourrait faire ça samedi matin ? Avant que les salles ne se remplissent. Et on mangerait au resto après, avait-elle décidé aussi simplement que ça.
Et même si elle en avait la preuve en image, Émilie peinait à concevoir que la vie de Giulia puisse à présent être aussi simple. Elle n'avait su quoi répondre, et comme à chaque fois qu'elle se retrouvait dans une situation inconfortable, son regard avait glissé par réflexe sur son ex-femme.
- Ça te ferait du bien de prendre l'air, avait appuyé celle-ci.
L'avocate s'était finalement dit qu'elle ne risquait pas grand-chose à accepter. Après tout, Magda ne lui vendait rien d'autre qu'un film et un repas. Ça n'avait jamais tué personne, si ?
***
Et le week-end arriva finalement plus vite que l'avocate ne l'aurait cru. Après tout, ses journées se ressemblaient tant qu'elle ne voyait même plus le temps passer. Magda s'était levée tôt ce samedi matin car elle était chargée d'assurer le petit déjeuner des résidents. Émilie avait vite compris que la rousse travaillait tous les jours hormis le mercredi et le dimanche. Elle s'étonna cependant de ne pas trouver Giulia à son réveil, ni Alessandra d'ailleurs qui dormait chez une amie « parce qu'on bosse sur un projet de bd, super cool. Je vous ferai lire quand j'aurai fini ». Ce fut donc en solitaire que la blonde profita d'un café qui l'aida à ouvrir les yeux. Par réflexe, elle détailla un peu l'appartement, remarquant qu'il devenait plus chaleureux d'année en année. Elle ne se souvenait pas que Giulia aimait autant les plantes d'intérieur lorsqu'elles vivaient ensemble. Ni les photos - d'elle et Magda - qui parsemaient les murs.
Elle avait tant l'impression d'être dans une autre dimension qu'elle se demanda une seconde ce que ça faisait d'aimer comme Magda le faisait. En donnant tout sans se soucier de se casser la gueule au final. Et elle se demanda ensuite ce que ça faisait d'être aimé par Magda comme Magda aimait Giulia. Elle secoua la tête pour faire taire ce questionnement car elle savait bien qu'elle n'y trouverait jamais de réponse. De toute façon, son téléphone vibrant près de sa tasse de café ne lui laissa pas le choix.
De Volkov :
Hey Maître ! Tu viens me chercher au travail et Giulia nous rejoint au cinéma, ça te dit ? Je t'envoie l'adresse.
L'élégante californienne gara sa voiture non loin de l'établissement mais n'en sortit pas pour autant comme si la carrosserie pouvait la protéger encore un peu. De quoi ? Elle n'en savait rien. Elle ne laissa que le chauffage tourner, gardant un ronronnement rassurant au cœur de l'habitacle. Son grand corps se fondit dans son siège comme par mémoire de forme et elle inspecta le petit bâtiment vitré. L'ambiance semblait chaleureuse à l'intérieur, portée par les lumières jaunes qui éclairaient les chambres des résidents et dénotait avec le gris de l'hiver. Une fenêtre en particulier attira l'attention d'Émilie lorsqu'elle vit une jeune rousse rire avec un vieil homme. C'était amusant de la voir évoluer dans son environnement de travail comme un espion en planque. Et un sourire se dessina sur les lèvres de l'avocate lorsqu'elle vit Magda se pencher pour déposer un rapide baiser sur le front de son résident. A la vue de tellement de douceur en une seule personne, Émilie se sentit devenir liquide.
Dix minutes plus tard, son sourire s'évanouit pour laisser place à autre chose. Lorsqu'elle vit Magda sortir par la porte automatique de la maison de retraite, elle fut subjuguée une petite seconde qui lui sembla durer une éternité. Fini la blouse blanche et les baskets, c'est en stop-motion qu'elle la vit poser un premier talon sur le parking. Habillée d'un long manteau bleu marine qui lui arrivait aux chevilles, elle vit son bras se lever pour attraper le stylo qui nouait ses cheveux, et la tignasse enfin libérée, tomba en une cascade flamboyante sur ses épaules pour couler entre ses omoplates.
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32° Fahrenheit
Romans(Suite direct de Trois Mille euros Net) La blonde avait légèrement souri à son humour douteux mais avait su se dérider un peu face à sa jovialité. Peu à peu, au fil de la journée, elle avait doucement compris comment Giulia avait pu tomber dans ses...